Opération Taranis (Didier Veziano)... Un extrait entre Beyrouth et Paris

Ambassade de France à Beyrouth, dans la salle de réunion de la DGSE.
— Mon Capitaine !
Tout excité, Mozart débarqua dans la pièce sans même prendre la peine de s’excuser. Les regards se tournèrent vers lui. Le Capitaine Vanier s’arrêta de parler et laissa l’agent annoncer la nouvelle qui semblait autant le réjouir que l’inquiéter.
— L’homme de l’aéroport, dit-il en brandissant deux photos, c’est l’homme sur la photo à Paris. Celle que le général Le Garrec nous a adressée.
— Tu en es certain ?
— Regardez vous-même.
Le Sergent-chef lui apporta les deux photos. Vanier les observa longuement. Il n’y avait aucun doute. Et probablement que le type au keffieh à carreaux était aussi l’interlocuteur mystérieux avec lequel Abou Hamzra discutait lors de l’interception téléphonique. Vanier appela immédiatement Le Garrec, faisant fi une nouvelle fois des procédures. Il l’informa que le lien était dorénavant établi entre l’incroyable rencontre à Dubaï et les islamistes supposés qui jusqu’ici n’étaient que des visages inoffensifs sur des photos sans valeur. Le Garrec avait besoin de précisions.
— Vous avez identifié le type ?
— Pas pour l’instant. Il n’est pas dans nos fichiers. En tout cas, on ne lui connaît pas de liens avec le Hezbollah. Mais s’il s’agit d’un responsable de cellule aussi bien introduit auprès des Iraniens, c’est qu’il faut peut-être chercher du côté des Palestiniens, et plus précisément du Hamas. On est en train de vérifier. Si le Vevak est dans le coup, on sait que ce service ne peut traiter qu’avec un professionnel digne de confiance. Ce gars-là doit avoir un palmarès.
— Alors, vous devez le découvrir, Vanier.
— Je vais essayer de voir avec mon contact au Mossad. Il connaît bien le dossier palestinien.
— Pas pour le moment. Il vaut mieux laisser le Mossad en dehors de ça. Nous devons en apprendre davantage. Et Abou Hamzra ?
— Il est resté sur place à Dubaï, mais d’après notre source il sera il sera de retour à Beyrouth ce soir ou demain matin. Quoi qu’il en soit, nos hommes le surveillent.
— Ces deux-là vont certainement reprendre contact. Soyez présent à ce moment-là, Vanier. Il faut verrouiller. Plus rien ne doit nous échapper à partir de maintenant. Ou alors…
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Trois jours plus tard, dans le bureau du Directeur de la DGSI.
— Allô ! Rolland ?
— Oui, Le Garrec, je t’écoute.
— Vous en êtes où avec notre homme ?
— Rien de spécial. Il ne bouge pas beaucoup. Il sort faire des courses en bas de chez lui où on l’a même vu acheter de l’alcool. Il va lire le journal dans l’une des brasseries de la place de la République ou dans des rades à proximité. Il ne va jamais bien loin. Impossible de s’approcher de son appartement. Encore moins d’y pénétrer. C’en est presque décevant. Je commence même à me demander si on est sur une bonne piste.
Le Directeur de la DGSE ne laissa pas son homologue de la sous-direction du contre-terrorisme sombrer dans le pessimisme.
— Ne t’inquiète pas. Il va bouger à un moment ou à un autre. Il a des tas de choses à faire. Tu veux savoir qui est ce gars ?
— Dis-moi, parce que pour nous c’est le brouillard. On a l’impression de surveiller un traîne-savates.
— Tu es assis ?
— C’est la pire des choses qui pourrait m’arriver en ce moment.
— Comme tu voudras. Il s’appelle Yousef Zayad. Recherché par le Mossad et la CIA pour des attentats commis en Israël. Notamment celui de l’hôtel Park de Nataniya : vingt-neuf morts et plus de cent quarante blessés parmi les familles venues célébrer le Séder. Mais ce n’est pas tout. Il a également participé à des carnages au Yémen et au Pakistan. Ce type est un psychopathe. Le sang qu’il a sur les mains pourrait soigner les accidentés de la route de toute une année en France, et il resterait encore des stocks pour la Croix-Rouge. Aujourd’hui, il semble avoir changé de terrain de chasse et ce n’est pas bon signe. Ton traîne-savates est certainement en train de nous préparer un « son et lumière ».
— Putain, il faut impérativement entrer chez lui pour...
— Attention, Rolland, c’est un pro. Si le Mossad n’a toujours pas mis la main sur lui, c’est qu’il y a une bonne raison. Demande à tes hommes d’être prudents. Il n’hésitera pas à tirer s’il se sent piégé.
— Merci de t’inquiéter.