Opération Taranis... Nouvel extrait proposé par Didier Veziano

Beyrouth, dans la planque de la DGSE
Imperturbable, Safia se pencha pour poser le plateau de collation sur la table, à côté de l’attaché-case qui faisait miroiter les liasses de billets. Au fond de la pièce, l’homme continuait à prendre des photos de la scène. Au moment où elle se redressa, Jamal bondit sur elle. Dans un réflexe félin, Safia fit un pas en arrière pour se dégager et lui décocha un coup de pied circulaire au visage qui le renvoya instantanément sur le canapé. Le capitaine Vanier et son collègue n’avaient pas bougé.
— Calme-toi, Jamal. Je t’ai dit que de toute façon tu n’avais pas le choix.
Vanier s’empara de l’appareil photo et fit défiler les photos en souriant. Il le tourna vers Jamal.
— Regarde ! Pour peu que tu ne coopères pas, tout Beyrouth pourra voir que tu as fêté une grande occasion avec des services secrets étrangers et que tu as été bien récompensé. Il en pensera quoi, Abou Hamzra, d’après toi ? Alors que si tu prends cet argent, que tu nous donnes les informations dont on a besoin, d’ici une dizaine de jours, on disparaît de ta vie. Définitivement. Ah ! On a oublié de te dire un truc.
Jamal détourna la tête. Safia se tenait appuyée contre la porte du salon. Elle dégustait son champagne par petites gorgées. Vanier poursuivit.
— On sait où habite ta sœur. C’est bien ta sœur la fille que tu as vue l’autre soir au magasin de vêtements, près de la place de l’Étoile ? Tu te souviens ? Elle était accompagnée de ta maman…
— Fils de putes, laissez ma famille tranquille ! hurla Jamal.
— Ça va dépendre de toi.
— C’est ça vos méthodes, bande d’enculés ?
— Tu n’as même pas idée de quoi on est capables, répondit Vanier du tac au tac.
— Et après, vous vous étonnez que les musulmans vous détestent, mais…
— Garde ces conneries pour d’autres, Jamal, le coupa Vanier d’un geste de la main. Ne va pas me ressortir les croisades. Le problème, tu vois, c’est que vous détestez beaucoup de monde, à commencer par vous-mêmes !
Jamal marqua la surprise. Vanier continua dans un débit plus rapide, plus ferme.
— C’est à cause de nous quand le GIA égorge des Algériens par villages entiers ? C’est de notre faute quand les talibans décapitent des Afghans et lapident des femmes en public ? C’est encore de notre faute quand les chiites et les sunnites font exploser des bombes sur les marchés en Irak ou au Pakistan, tuant indifféremment des femmes et des enfants, ou bien quand le Hamas et le Fatah s’entretuent dans les territoires alors qu’ils devraient combattre main dans la main ? Tu veux que l’on continue la liste ? On peut remonter dans le temps si tu veux. Tu veux qu’on parle des massacres opérés par les wahhabites à Karbala ? C’était en 1801. Tu ne connais pas cet épisode ? C’est dommage. Ils ont trucidé les trois quarts de la population, décapité les nourrissons, éventré les femmes enceintes. Des musulmans qui tuent des musulmans à longueur d’année, au fil des siècles, ça ne t’interpelle pas ? Ça ne te choque pas ? On a une part de responsabilité ? OK. Mais la vôtre Jamal, la vôtre…, tu y as déjà réfléchi ? Ça ne faisait pas une semaine que Mahomet était mort que vous vous déchiriez déjà pour sa succession. Et aujourd’hui, alors que les autres religions se sont apaisées, la vôtre a tant de branches que même ton Dieu ne doit plus s’y retrouver. Alors, écoute-moi bien : il y a en ce moment des barbares qui veulent faire exploser Paris et ton chef est le responsable de ce projet. On doit retrouver l’homme qui est son relais en France et tu vas nous aider. Ou alors, oui, je peux te promettre que oui, on va utiliser des méthodes de salopards. Et je te le dis dans les yeux : je n’hésiterai pas un seul instant. Regarde-moi quand je te parle ! hurla Vanier.