Début de la troisième partie du thriller de Bob Boutique 'Bluff'

(L'héroïne arrive en Islande...)
Un lac d’opaline
La route qui mène de l’auberge de jeunesse vers Reykjavik est su-perbe, mais étrange, car elle traverse un immense champ de lave que recouvre une épaisse mousse grisâtre de plusieurs centimètres d’épaisseur, comme ces couches de polyuréthane qu’on emploie pour isoler un grenier par exemple. C’est tellement impressionnant, quasi lunaire, que Liddy s’arrête pour prendre des photos et gamba-der sur ces blocs de basalte matelassés dans lesquels elle se laisse tomber en riant de bonheur, les bras en croix comme dans de la neige. Côté océan, à cent mètres, la plage est noire. Elle s’agenouille sur le sol sans que cela ne salisse ses Jeans. C’est granuleux comme du sable, mais noir et les vagues, qui viennent mourir à ses pieds, ont quasi la même couleur.
De l’autre côté de la route quasi déserte (un rare véhicule toutes les cinq minutes) s’alignent de petites montagnes sombres qui, de loin, ressemblent à des terrils de charbon écrêtés. Ce sont en fait des vol-cans éteints d’à peine cent mètres de hauteur qu’elle rejoint en cou-rant et sautant sur les rochers moussus comme une gamine. Elle es-calade le flanc poussiéreux du premier à quatre pattes et atteint enfin, le souffle court, le haut du cratère derrière lequel apparaît un enton-noir au fond duquel dort un lac d’un vert phosphorescent. On dirait une énorme émeraude sertie dans un écrin de roche noire. Elle est subjuguée !
- Tu devrais voir ça, Rita ! crie-t-elle en tournant comme une gi-rouette sur elle-même au risque de glisser au fond du lac comme sur un toboggan. C’est le début du monde, c’est mer-veilleux, fantastique et je t’aime !
Elle finit par s’asseoir en équilibre sur l’arête du cône volcanique, les bras enroulés autour des genoux, et enlève ses grosses lunettes de myope afin de mieux contempler le paysage de science-fiction qui l’entoure. Elle n’a pas froid et pour cause. Ses joues sont rouges d’excitation ; elle est bien emmitouflée dans son polaire et il fait au moins quatorze degrés sans un souffle de vent.
- Tu devrais voir ça… chuchote-t-elle dans un murmure en tour-nant la tête autour d’elle dans un long travelling.
Dans la plaine apparaissent çà et là des plaques jaunes, ocres ou cui-vrées d’où s’échappent des volutes de fumées sulfureuses qui diffu-sent dans l’air des effluves douçâtres d’oeuf pourri. On se croirait dans un décor de jeu vidéo.
Alors qu’en bas sur la nationale l’attend sa petite Yaris rouge désor-mais aussi menue qu’un jouet.
Mais…
Bob Boutique