Edmée de Xhavée a lu "Le silence des carpes" d'Yves Oliver
Maria était une fillette, de celles qui rient, jouent à cache-cache, sautent à la corde, sont encore dans l’enfance comme on est dans la cour de récréation. L’avenir est inconnu mais retentira de ses joies surprenantes, accompagné de ces visages aimés et de ces bras tièdes qui consolent et soutiennent. Le national-socialisme le lui garantissait, tout comme le bon sens. C’est ainsi que se déroulent les existences des gens qui ont confiance en leur pays.
Jamais pourtant elle ne sera une jeune fille, ni une jeune femme. Elle sera un être mutilé de ses émotions, privé de sa vie par une erreur de zèle, un concours de circonstances, qui la mettront dans un train qui ne va pas seulement au camp Ravensbrück mais vers la mort de tout ce qu’elle avait été, et tout ce qu’elle aurait pu être.
Le corps saccagé dans sa chair et sa candeur, l’esprit n’obéissant plus qu’à l’injonction « survivre quoi qu’il arrive », horreurs et humiliations n’auront pas raison de l’enveloppe externe. Elle reviendra, juste un peu plus âgée que lorsqu’elle est partie. Mais tellement plus vieille, plus dure, plus lointaine, détachée, voire… sans attaches ni passions.
Des années plus tard, des vies plus tard, des années de dents et cœur cadenassés, interdisant sourires, abandons, confidences, la vengeance lui est servie sur un plateau, scintillant dans sa nuit. Elle peut dépiauter le dragon, celui qui un jour l’a éventrée quand elle était à sa merci, et éventrée encore et encore. Il est là, le souffle presque éteint, les vilains yeux rouges larmoyants, si frêle qu’une chiquenaude le ferait s’écrouler.
La vengeance est un plat qui se mange froid, et est incroyablement appétissant.
Maria… passeras-tu à table ?
EDMEE DE XHAVEE