Séverine Baaziz nous présente succinctement son nouvel ouvrage...
Depuis quelques heures, on était dimanche.
Alors que tout avait encore un peu la couleur de la nuit, on est montés dans la camionnette à seaux. C’est bien beau de vendre des fleurs mais, quand il n’y en a plus, faut aller en acheter. Et là, avec le samedi qu’on avait connu, il fallait en acheter vraiment beaucoup.
Pendant environ trente minutes, à l’avant de la camionnette à seaux qui roulait à fond les pédales sur l’autoroute, j’ai regardé le soleil se lever. Ça m’a fait ce drôle d’effet que j’adore, comme si j’assistais au plus grand secret du monde. La naissance d’une nouvelle journée. Une autre. Presque la même qu’hier, mais pas tout à fait, parce que j’étais plus vieille d’un jour, et que les fleurs et les arbres avaient des minimillimètres en plus. Tout est sombre et, petit à petit, tout s’éclaire comme si le ciel ouvrait son œil, un seul œil mais gigantesque, et bleu, avec au milieu pour pupille toute enflammée, le soleil. Là, je me suis dit qu’on avait vraiment de la chance que le ciel, même s’il n’avait qu’un œil, eh bien, qu’il soit bleu. Marron, je suis sûre qu’il aurait été moins beau. Même sûre de sûre !
Quand on est arrivés chez le grossiste, le ciel avait fini de se réveiller. Sur le parking, déjà quelques camionnettes à seaux, mais pas trop. Tout en lâchant discrètement la main de mon père, on est entrés. L’histoire de la main c’est parce que je me sens toujours un peu adulte quand j’arrive chez le grossiste. Il n’y a rien que des commerçants qui parlent de choses importantes, qui se répondent avec des grosses voix, et qui se promènent avec des billets de banque dans les poches. C’est sérieux quand même alors, chaque fois, ça me fiche un coup de vieux.