Jean-François Foulon a lu "L'envers du miroir", de Rolande Michel

Publié le par christine brunet /aloys

 

Je termine à l’instant le dernier roman de Rolande Michel, qui nous décrit la vie quotidienne d’un couple, description qui, au fil des pages, se transforme en une véritable descente aux enfers. Quoi de plus banal et de plus normal, quand on est une jeune fille un peu naïve, de rêver au prince charmant ? Quand en plus on est issue d’un milieu pauvre, ce fameux prince prend souvent les traits d’un garçon appartenant à un autre milieu, plus aisé, plus cultivé, plus civilisé, moins rustre.

D’un autre côté, quand on est un jeune ingénieur à l’avenir prometteur, rien de plus normal non plus que de trouver séduisante la jolie jeune fille qui travaille dans la librairie où il vient commander une revue littéraire. C’est une petite librairie et la revue ne s’y trouve pas. La vendeuse, visiblement, n’en connaissait même pas l’existence. Mais elle est si jolie ! Alors, il revient, une fois, deux fois. Et puis l’histoire commence, comme un conte de fées.

Il y a d’abord un premier rendez-vous, intimidant pour tous les deux (il faut plaire, ne pas décevoir). Puis une relation commence, un « nous » magique surgit chez ces deux solitaires. Pour elle, perdue dans un quartier populaire et qui aurait bien voulu en sortir car elle se sentait différente, c’est une occasion inespérée. Quant à lui, surchargé de travail à l’usine où il travaille comme chef de projets, il n’avait pas encore remarqué jusque-là que passer du temps auprès d’une jeune fille donnait à la vie un tout autre sens. Les voilà donc heureux tous les deux et très contents d’être ensemble.

Mais il y a les autres, la famille, les voisins. Sarah a peur de présenter à ses parents un peu frustres ce jeune homme si bien sous tous rapports. Que va-t-il penser d’eux (et donc d’elle) ? Heureusement tout se passe bien et amoureux comme il est, il ne trouve rien à redire. Il faut alors aller rencontrer sa famille à lui. C’est un autre milieu, cultivé. Assez mal à l’aise quand on lui pose des questions sur la littérature ou le cinéma, Sarah parvient à s’en sortir en donnant des réponses fort vagues. Ouf ! elle a réussi son examen d’entrée.

Voilà le décor planté. La suite est bien différente et on ne va pas la raconter ici. Le bel ingénieur, qui voyage beaucoup pour son travail, rencontre une autre femme, autrement plus intéressante et cultivée que Sarah. Il se rend compte alors qu’il n’a rien à dire à cette dernière. Certes elle est très belle, mais cela s’arrête là. Il décide de rompre quand elle lui annonce qu’elle est enceinte. Il n’a plus le choix. Dans son milieu à lui, on assume ses responsabilités. Les voilà donc mariés pour le meilleur et pour le pire. Surtout pour le pire car ils n’ont rien à se dire. L’enfant est mort à la naissance, laissant le couple face à lui-même. Lui se noie dans le travail, tandis qu’elle, désœuvrée à la maison, sombre petit à petit dans l’alcoolisme. Les années passent, toutes identiques et désespérantes. C’est à peine si Sarah croise encore son mari à la maison. Ou bien il est en mission à l’étranger, ou bien il rentre très tard.

Cette descente vertigineuse dans l’enfer d’un quotidien morbide et désespérant, l’auteur nous la dépeint admirablement. D’une plume allègre, qui ne s’arrête jamais, elle nous entraîne dans les différents cercles de cet univers dantesque. Quand il referme livre, le lecteur se dit qu’il a bien de la chance de ne pas mener la même vie que Sarah. Mais il se dit aussi que sa vie quotidienne à lui est tout de même parfois un peu morne et qu’elle ne correspond pas toujours à ce qu’il aurait pu imaginer autrefois.  Alors ? Ne serait-il pas temps pour lui de se ressaisir ? Oui bien sûr. Mais qu’il fasse attention aux princes charmants ou aux femmes trop belles.

 

Jean-François FOULON

 

Publié dans avis de lecteurs

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J
Oui, Rolande nous plonge au coeur d'un drame terrible, celui d'un couple mal assorti où il n'y a plus d'amour.
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P
Une belle note de lecture pour un livre que je lirai bien un jour !
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H
Une note de lecture qui interpelle car l'histoire vécue par les personnages est réaliste. Des gens autour de nous, vivent le même genre de parcours: on les côtoye peut être tous les jours, on les voit peut être même changer et on ne s'imagine pas combien ils souffrent.
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