Un troisième extrait de Meurtres Surnaturels, volume II : La Chute de Julian Kolovos Par Joe Valeska

Publié le par christine brunet /aloys

 



 

L’endroit était d’un gigantisme indescriptible, mais il semblait aussi très ancien. On aurait dit qu’il s’étendait à perte de vue. Littéralement. J’allai prendre appui sur la balustrade ajourée en pierre, devant moi, afin de balayer les lieux du regard, lesquels étaient situés en contrebas. La balustrade courait sur tout un chemin dallé d’une largeur conséquente. Outre cela, ce chemin faisait tout le tour de la cavité souterraine qui s’offrait à mes yeux. Il n’était pas nivelé. À deux endroits, côté ouest et côté est, quelques marches permettaient de poursuivre sa route : trois pieds plus haut, à l’ouest, trois pieds plus bas, à l’est. Une petite coquetterie architecturale, sans doute. Et de nombreuses torches étaient accrochées sur tout le pourtour, de loin en loin.

J’admirai maintenant la demi-douzaine d’escaliers qui permettaient de descendre jusqu’au fond de la grotte. J’avais presque envie d’utiliser le mot royaume. Çà et là, des espaces de détente atypiques, puisqu’il s’agissait bien de cela, s’élevaient à différentes hauteurs. On y accédait grâce à des escaliers. Ces vastes espaces étaient eux aussi entourés de balustrades en pierre ajourées et reliés entre eux par des passerelles. C’était très Burtonesque. À première vue, tout était taillé dans la pierre, mais il y avait pourtant tout le confort moderne. En effet, chaque espace avait ses banquettes, ses poufs, ses tables et ses chaises. Il y en avait quatre, au total, très largement distants les uns des autres. Les points lumineux que je distinguais devaient être les flammes des bougies dans des photophores. Tout au fond, à l’angle nord-est, un gigantesque escalier remontait de la base jusqu’à un possible cinquième espace aménagé. Mais cet endroit était trop loin et mal éclairé pour réussir à deviner s’il était semblable aux autres. Il était plus élevé, aussi, et coupait le chemin de ronde interne. C’était peut-être là-haut que se trouvait le maître des lieux : Joshua.

Il y avait également pas mal de végétation. Du lierre grimpait et s’enroulait sur cinq piliers colossaux ornés de cannelures placés comme un cinq sur un dé, mais de façon beaucoup plus éloignée. Ils devaient avoir été construits pour soutenir la voûte de ce microcosme. Tout me semblait dément. J’avais du mal à en croire mes yeux, et des questions par dizaines se bousculaient dans ma tête. Par dizaines ? Non, plutôt par centaines ! J’étais assez curieux de connaître l’histoire de cet endroit.

Au milieu, un bar attenant se trouvait au pied du majestueux pilier central. Comme les espaces de détente alentour, il était tout autant atypique : en pierre et en demi-cercle. Mais le dessus du comptoir semblait en granit.

Sauf pour ce qui était de la musique, dont les boum ! boum ! répétitifs me tapaient passablement sur les nerfs, j’étais assez séduit. Certaines personnes dansaient, comme envoûtées par cette rythmique « années 1990 ». D’autres discutaient, se promenaient ou s’embrassaient.

– Ils possèdent sûrement leur propre réseau électrique… pensai-je. Ou des groupes électrogènes en quantité, ce qui serait quand même beaucoup plus logique. Ils semblent bien organisés, quoi qu’il en soit.

Je parcourus le chemin rectiligne se trouvant sur ma gauche. Lorsque j’arrivai tout au bout, je descendis un grand escalier en pierre qui serpentait, faisant glisser ma main sur la tablette de la balustrade. Gravés à la surface des marches, je remarquai une multitude de dessins et de signes qui m’étaient inconnus. Les spots qui balayaient les lieux de lumières multicolores ne m’incommodaient pas, mais la musique, agaçante à mon goût, faisait vibrer tout mon corps. Je n’avais que vingt-huit ans, à l’époque, mais cette musique, ce n’était pas pour moi. Mais alors, vraiment pas ! J’étais définitivement rock.

Les gens me dévisageaient et parlaient tout bas, je le vis bien, mais personne ne m’adressa la parole. C’était très bien comme ça… Était-ce tous des loups-garous ?

D’en bas, la grotte semblait encore plus haute. Je pus constater que la pierre était très soigneusement travaillée. Tout, des murs aux colonnes, avait été construit de façon très artistique. Probablement sur plusieurs dizaines d’années… Un véritable travail de titan.

Évitant de regarder quiconque dans les yeux, je me frayai un chemin jusqu’au bar, dont le comptoir était en granit noir du Zimbabwe. Je m’assis et commandai son cocktail le plus fort au barman, un grand gaillard aux longs cheveux châtain clair, éclaircis grâce à des mèches blond miel. Son âge se situait autour de vingt-cinq ans. Ses yeux bleu céruléen en amande me scrutèrent un petit moment, après quoi il me demanda si c’était moi, « l’humain ». J’opinai, le regardant non sans une certaine défiance. Mais il semblait réellement amical. Le genre de gars qu’on trouve immédiatement très cool.

Il posa un verre plein de liquide vert pâle devant moi, me disant que j’allais kiffer, mais il refusa de me dire ce qu’il y avait dedans, comme alcools, lorsque je lui posai la question.

– Fais juste confiance au barman… murmura-t-il en me faisant un clin d’œil.

J’appris que son prénom était Kristoff. Il jugea bon de préciser l’orthographe. Je lui donnai alors le mien, mais il répondit qu’il savait déjà.

Sirotant ma boisson – effectivement, je « kiffai » –, je me retournai pour observer discrètement les hommes et les femmes. Aucun n’était vêtu de façon extravagante. Ils avaient entre vingt et quarante ans. Certains étaient peut-être plus âgés, mais ils étaient beaucoup plus rares.

Kristoff perçut mon angoisse et me dit de ne pas m’inquiéter, que personne n’allait me sauter à la gorge et que nous n’étions pas dans un film d’horreur, mais dans une espèce de discothèque. Puis il se mit à rire. Je voulus bien sûr en apprendre davantage sur le Big Bad Wolf, mais le barman ne lâcha rien. Il ne savait peut-être pas grand-chose. Ou même rien. Il m’offrit un autre verre.

Au bout de dix minutes, une femme vint m’accoster. Grande, brune, des yeux noisette… Elle était divine.

– Je suis Janine, se présenta-t-elle d’une voix ténue. C’est moi qui suis venue jusqu’à votre appartement, à la demande de Joshua, glisser le plan sous votre porte. Vous avez résolu l’énigme de la croix celtique assez rapidement, j’ai vu… C’est très bien, ça. J’aime beaucoup vos reportages, au fait. Vous êtes très talentueux, Max.

– Merci pour le compliment. Vous m’observiez donc ? J’ai peut-être crié des obscénités, à un moment. Ce que je n’aurais pas fait, si j’avais su que…

– Que j’étais une femme ? se gaussa-t-elle. Ce n’est pas grave. Suis-moi, maintenant, je te prie. On se dit « tu », si tu veux bien ? Ce serait mieux.

 

Publié dans extraits

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A
Voilà une discothèque qui a du chien...
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J
J'espère que la lecture vous aura plu. :)
E
Je suis en train de lire le volume I, et ai le II qui trépigne. Patience, je lis peu mais je lis... Quel tourbillon !
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J
Je tremble à l'idée que tu n'aimes pas, ma chère Edmée...<br /> Mais j'espère que tu adhéreras à mon humour noir... :)<br /> Bisous.