Ani Sedent nous propose le dernier acte de sa nouvelle... Les aventures capillotractées de mademoiselle Camélia Tuemouche. Quatrième épisode : l’essentiel

Publié le par christine brunet /aloys

Dès son retour en Grandioserie, mademoiselle Camélia Tuemouche se rendit à l’atelier de monsieur Minet.  Assise sur un tonneau, la camerlinguette observa avec intérêt le chat et le rat au travail.  Comme les artistes prenaient une pause caoua, le rat lui en proposa une tasse, qu’elle refusa poliment par crainte d’un empoisonnement par liquide inconnu.

  Ensuite, elle ne se rendit plus à l’atelier que pour constater l’avancée des travaux.  Au terme du troisième jour, monsieur Minet et le rat, revêtus de leurs plus beaux habits, livrèrent enfin la merveille au palais.  Elle était tout en cuivre et argent étincelant, avec un petit siège de cuir et un sinueux gouvernail orné à chaque bout de cabochons de cornaline éblouissante, tout comme les pédales.  Mademoiselle Camélia Tuemouche l’aurait trouvée charmante s’il n’y n’avait eu cette roue monstrueuse à l’avant, qui faisait la niche à la minuscule occupant l’arrière.  Quel singulier engin !

  Sitôt prévenue de l’arrivée de son grabi, Sa Sublimissimité apparut, vêtue d’une combinaison bouffante en soie chamarrée où le rose et l’orange dominaient.  Un long foulard Jaune complétait sa tenue ainsi que des mitaines en angora et des chaussons d’un violent violet, pendant tapageur à sa toute nouvelle casquette plate.  Après avoir salué de la main ses courtisans curieux, le Grand Truc se précipita sur son nouveau jouet, s’extasia d’avoir rêvé si grand, tout en souriant à monsieur Minet qui ne pouvait espérer mieux en matière de remerciement, leva les yeux sur la petite selle… et décida que sa troisième camerlinguette avait gagné le droit d’étrenner le dernier fruit de ses méditations avant que ce dernier rejoigne ses collections.  Horrifiée, mademoiselle Camélia Tuemouche sentit tous les regards se tourner vers elle.

  Un monsieur Minet un peu trop enthousiaste au goût de la camerlinguette et certainement impertinent alors qu’il faisait remarquer qu’il fut heureux qu’elle portât des pantalons audacieusement moulants sous sa courte jupe à froufrous, lui expliqua comment enfourcher l’engin sans risques.   Avec l’aide du mécano-chat elle posa donc le pied sur ce qu’elle avait pris pour une simple arabesque décorative mais s’avérait être un marchepied, poussa le monstrueux engin et sauta sur la selle.  Terrorisée, elle se mit à pédaler frénétiquement.  Dans la salle, les courtisans détalèrent en poussant des cris affolés, tendis que la terrible machine zigzaguait férocement parmi eux.

  ‒ Merveilleux ! Merveilleux ! s’écria le Grand Truc, debout sur son trône, en applaudissant à chaque boucle que faisait l’engin.  Mademoiselle Camélia Tuemouche, elle, poussait des cris d’orfraie, non par peur d’écraser qui que ce soit mais épouvantée de ne pouvoir arrêter l’infernal engin.  Monsieur Minet avait beau lui avoir expliqué que la descente se faisait de la même manière que la montée, elle était tétanisée.  Heureusement, dans sa grande bonté, sans parler de son ravissement, Sa Sublimissimité fit ouvrir en grand toutes les portes du palais afin de permettre à cette beauté ‒ le grand bi, pas mademoiselle Camélia Tuemouche ‒ de filer librement.  Profitant de ce que la troisième sillonnait l’Intérieur en couinant, la première camerlinguette, opportunément réapparue, congédia le chat et le rat, morts de rire, qui s’en retournèrent vers leur atelier plus convaincus que jamais que ce palais était un repaire de zinzins.

  Toute la journée mademoiselle Camélia Tuemouche pédala.  Elle pédala jusqu’à ce que la nuit, parée d’une lune qui lui faisait un sourire carnassier, s’invite à la fête et assiste au grand final de cette folle course dans le bassin à poissons du jardin privé de Sa Sublimissimité.

  Par bonheur, comme le fit remarquer le Grand Truc bozzo depuis son balcon, son grabi n’avait pas souffert et c’était l’essentiel.  Rassuré, il était ensuite retourné vers l’un de ses sommeils artificiels rêver à sa prochaine merveille.

 

Fin

 

 

Publié dans Nouvelle

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C
D'excellents moments de lecture, à quand la prochaine nouvelle aussi amusante/ bien écrite/ aussi visuelle qu'un dessin animé?
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A
Merciii Carine-Laure ! mais avant de m'y remettre il va falloir cravacher la muse et je n'aime pas la violence ! Enfin, si c'est pour la bonne cause... 😉
A
Je voudrais aussi remercier Christine et son blog Aloys qui permets aux auteurs(res) de s'exprimer, ainsi que tous ceux et celles qui ont 👍et partagé les aventures de mademoiselle Camélia Tuemouche... merciiiiiii ! ❤️
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E
La nuit parée d'une lune au sourire carnassier... oh que c'est agréable une si belle et amusante écriture
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A
Merci beaucoup Edmée, je suis très heureuse que mes loufoqueries t'aient amusée ! 🤩
P
J'ai adoré ! <br /> Le décor, les personnages, les vêtements, les couleurs, les mots , enfin toute cette imagination ! <br /> Bravo!
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A
Un tout grand merci pour tes commentaires Pascale, c'est toujours encourageant de savoir que son travail a plu ! 😊
M
Superbe ! Très visuel ! J'aime beaucoup la fin très positive et chargée de promesses.
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A
Ce n'est pas prévu, mais un nouveau voyage en Grandioserie... pourquoi pas ? Merci Micheline !!!