Ani Sedent nous propose une nouvelle en 4 actes ! Les aventures capillotractées de mademoiselle Camélia Tuemouche. Troisième épisode : En Bizarrerie
Résignée, mademoiselle Camélia Tuemouche prépara un petit bagage et se rendit à l’aéroport local où elle embarqua à bord d’une nef volante. Heureusement, le confortable aéronef, tout de velours et laiton vêtu, possédait des commodités où laisser libre court à sa terreur et un mal de l’air insurmontable. L’île de Bizarrerie n’étant heureusement pas la plus éloignée, la camerlinguette put bientôt quitter le petit coin qu’elle avait monopolisé pendant pratiquement tout le trajet, au grand dam des autres passagères, pour rejoindre l’esplanade surplombant une cité aussi exotique que grouillante de vie, qui étalait ses atouts sans complexe tel un paon à la saison des amours.
Rajustant son haut de forme orné d’un énorme nœud rose vif, mademoiselle Camélia Tuemouche déploya une ombrelle d’un délicieux vert tendre et quitta résolument l’esplanade en direction de la cité. Peu rassurée, elle pénétra parmi ses ruelles où se pressait une foule bigarrée. Devant elle, une dodue dame, ses cheveux formant un monticule d’un roux flamboyant sous un coquet petit chapeau, le corps magnifiquement emballé dans une robe aux couleurs éclatantes, ses épaules bien rondes enjolivées de nœuds et de breloques, fendait la foule de son rire cristallin. Son compagnon, sobrement vêtu de bleu nuit et parfait contrepoint à l’exubérance de la dame, suivait les mains encombrées de paquets ; ce qui expliquait peut-être pourquoi les commerçants, tout sourires, se courbaient sur leur passage. L’un d’eux, croyant sans doute que la camerlinguette accompagnait ce flamboyant équipage alors qu’elle profitait seulement de son sillage, tenta de lui vendre un minuscule bibi nanti d’une énorme plume. Mademoiselle Camélia Tuemouche le remercia, mais expliqua être en quête de lingots de cornaline éblouissante. Le commerçant fit la moue, puis admit qu’il pourrait peut-être lui indiquer où en trouver avant de présenter à nouveau l’étonnant galurin. L’affaire conclue, il s’avéra que le plus important magasin de pierres se trouvait dans un quartier à trois ponts de celui-ci. Heureusement, le prévoyant commerçant vendait, en sus de ses coiffes, des cartes de la cité pour touristes étourdis. Serviable, il y marqua la boutique recherchée d’une croix luisante d’encre rouge.
Une boîte à chapeau oscillant à son bras, son ombrelle dans une main et la carte dans l’autre, la camerlinguette changea de quartier en empruntant un joli pont qui faisait le gros dos par-dessus les bassins entourant chaque îlot de la cité. Elle quitta ainsi le secteur des modes pour rejoindre celui des parfums, qu’elle abandonna un peu plus tard dans une suspecte euphorie et le cou ceint d’un collier dégageant des arômes herbacés, pour rallier celui des commerces de bouche. Cette allégresse passagère l’obligea à demander son chemin à un souriant marchand de fruits qui proposait des rupes aux formes étranges et aux feuillages envahissants.
Un pont plus tard, un encombrant bonana coincé sous le bras, elle atteignit enfin le secteur des pierres dont le dôme rutilait sous le soleil, tel un diamant à la taille parfaite. Sous ses facettes, bijoutiers et orfèvres exposaient leurs trésors sur de sobres et sombres présentoirs. L’éventaire signalé par la croix écarlate de monsieur Chiptou, offrait un choix inimaginable de pierres qui exhibaient leurs couleurs avec l’ardeur d’un feu d’artifice sur le velours de la nuit. Le gemmologue artificier, propriétaire de ces merveilles, fut ravi de négocier trois lingots de cornaline éblouissante avec la charmante personne qui avait si gentiment visité les boutiques de ses cousins.
À suivre…