Ani Sedent nous propose une nouvelle en 4 actes ! Les aventures capillotractées de mademoiselle Camélia Tuemouche. Deuxième épisode : le mécano-chat
Une boutique en particulier avait retenu son attention. Elle proposait des objets qui avaient convaincu mademoiselle Camélia Tuemouche que sa quête du grabi s’avérerait peut-être finalement plus courte que prévu. Le vendeur, monsieur Chiptou, un raton laveur endimanché, au poil et à la truffe luisants, avait observé un bon moment le croquis présenté par la camerlinguette. Il avait ensuite consulté un des nombreux catalogues qui encombraient son arrière-boutique, puis avait ôté ses lorgnons en secouant la tête. Mademoiselle Camélia Tuemouche avait été fort déçue de l’entendre avouer qu’il ne possédait pas ce genre d’article, avant de se sentir revigorée par l’annonce de l’existence d’un certain mécano qui pourrait peut-être l’aider. Monsieur Chiptou lui avait promis une carte indiquant l’atelier de l’intéressé, puis l’avait invitée à acquérir une charmante babiole à épingler sur son corsage. La camerlinguette, sous le regard insistant du vendeur, n’avait pas osé refuser et était ressortie de la boutique en possession de la précieuse carte, le décolleté orné d’un lapin nanti d’une grosse montre au squelette ronronnant.
Le quartier où l’avait envoyée monsieur Chiptou était fort différent de ce qu’elle avait pu voir jusqu’à présent. Ici, les champignons ouvraient sur des fabriques où résonnaient d’inquiétants bruits qui avaient donné envie à mademoiselle Camélia Tuemouche de prendre ses jambes à son cou. Seule l’image de la première carmelinguette persiflant sur son échec lui avait insufflé le courage de continuer.
Arrivée à l’adresse indiquée, elle s’était prudemment aventurée dans l’atelier d’un matou en salopette qui avait salué son arrivée d’un clin d’œil. Il s’était ensuite moqué de ces zinzins qui logeaient au palais, faisant ricaner le rat à grosses lunettes de cuir et métal qui l’assistait. Devant tant d’impolitesse, mademoiselle Camélia Tuemouche avait rangé son croquis et, laissant errer son regard sur l’atelier, avait théâtralement déclaré que le palais allait être fort déçu que monsieur Minet ne soit pas l’artisan de talent qu’on lui avait décrit. Le vilain matou avait aussitôt sorti les griffes. Que pouvait donc bien lui vouloir le palais ? La camerlinguette avait ressorti le croquis de sa petite aumônière, avant de le tendre avec réticence à l’impatient greffier en précisant qu’il s’agissait d’un grabi. Ce dernier avait étudié le dessin un instant, avant de le tendre au rat dans un grand éclat de rire. C’est là que mademoiselle Camélia Tuemouche avait appris que le grabi tant convoité était un véhicule pour amoureux des sports extrêmes et se nommait : grand bi. Monsieur Minet, intéressé par le défi, avait accepté de fabriquer l’engin à condition de connaître la taille du pilote. La camerlinguette avait aussitôt rejoint l’Intérieur en quête du renseignement.
Et c’est là que les choses étaient devenues embarrassantes.
Depuis son retour et à sa grande honte, mademoiselle Camélia Tuemouche se trouvait dans les appartements sublimissimes, devant un Grand Truc dont les pieds baignaient dans une mare de soie colorée et rien d’autre sur le dos. Ayant bien compris que l’enthousiasme de Sa Sublimissimité empêcherait toute tentative d’expliquer qu’une robe de chambre ne pouvait nuire à l’exactitude de l’étude de Sa longueur, elle tenta de refiler la corvée du métrage à un valet de pique. Mais le rusé vilain semblait atteint d’une surdité aveuglante !
Sapristi ! La camerlinguette ferma les yeux. Si au moins les courtisans cessaient de ricaner et venaient plutôt l’aider. Mais nooon ! ils allaient d’abord la laisser mourir d’embarras. Et bien sûr, ses consœurs étaient occupées ailleurs… ce qui, tout compte fait, n’était peut-être pas plus mal.
Enfin, un brave valet de cœur lui proposa son assistance, ce que mademoiselle Camélia Tuemouche accepta avec soulagement. La mesure prise, la camerlinguette s’en fut aussitôt porter l’inestimable renseignement à monsieur Minet, qui se contenta d’en prendre note… et déclara que trois lingots de cornaline éblouissante seraient également nécessaires. Aïe, mademoiselle Camélia Tuemouche allait encore devoir faire les boutiques ! Ce que confirma le mécano-chat en faisant remarquer que cela lui donnerait l’occasion de voir du pays. Mais que pouvait-il bien entendre par là ? À la consternation de la camerlinguette, le chat lui expliqua que les lingots de cornaline éblouissante ne se trouvaient qu’en Bizarrerie, la grande île située à l’ouest de leur chère Grandioserie.
À suivre…