Texte 10 concours "Disparitions/Fantômes du passé"

Publié le par christine brunet /aloys

La porte ouverte

 

Suite à dix jours passés chez une amie, me voici de retour chez moi. Il est tard et une fois déchaussée et mon petit bagage défait, je ressens une impression bizarre de vide, comme une espèce de nudité de l’espace que je ne m’explique pas.

Je monte le chauffage et me secoue en pensant à la préparation de mon repas. Malgré mes efforts, l’impression persiste. La baie vitrée n’offre qu’un large écran sombre. Je me précipite pour fermer le store et clore les rideaux ; je déteste voir la nuit s’infiltrer dans la maison ! Devant la fenêtre, je réalise que cette angoisse est due à la nudité de la haie. Les feuilles ont chuté en masse ces derniers jours. Il faut bien que je m’en fasse une raison, même si je déteste le froid, l’hiver et l’obscurité

Tout à coup, je me fige en apercevant par-delà la haie, une forme blanche volumineuse, ramassée, assez haute, de la taille d’un très gros chien, ou d’un veau ? Ai-je rêvé ? La forme a remué, j’en suis certaine, au secours ! Il n’y a jamais eu d’animal chez ce voisin, je suis déjà prête à empoigner mon portable, mais je respire calmement et me force à la réflexion : Que veux-tu donc que ce soit ? Me dis-je.

Calée derrière la tenture, j’écarte le rideau, soulève le store et observe à nouveau les ténèbres. Je perçois alors un mouvement qui heureusement reste sur place. Sans hésitation, je referme le tout et me rend à la raison.

En m’occupant à la cuisine, la tension retombe peu à peu. J’allume la télé, fixe mes idées sur l’écran et oublie la vision de tout à l’heure. La soirée passe, il est temps d’aller me coucher. Heureusement, ma chambre se trouve côté jardin et les stores sont restés fermés sans crainte de  signaler mon absence prolongée. Pas de vue inquiétante donc

Fatiguée de la journée, je m’endors et sombre dans un sommeil profond, si profond que je m’éveille en sursaut après un cauchemar me ramenant à un souvenir d’enfance avec mon frère, malheureusement disparu, depuis lors. Mais à l’époque, il s’était recouvert d’un drap blanc et avait surgi en hurlant, dans le couloir obscur, provoquant chez moi une immense frayeur. Classique me direz-vous de jouer au fantôme ? Néanmoins, il m’avait terrorisée comme jamais et aujourd’hui encore j’en avais la chair de poule. Troublée à la fois par ce souvenir et le fait d’avoir revu mon frère si nettement, un long moment se passe sans que je puisse retrouver le sommeil.

 

Une fois rendormie, c’est maman, décédée depuis dix ans, qui m’apparaît cette fois. Bien qu’en plein rêve mon cerveau a du mal à y croire. Elle est pourtant là, je la vois et la sent qui s’approche doucement, elle sourit et me dépose un baiser sur la joue. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer, mais je m’éveille et porte la main là où, se sont posées ses lèvres douces. Un sentiment de bien-être m’envahit toute entière. Je me glisse à nouveau sous les draps et laisse mes pensées divaguer au gré de mes souvenirs. Et enfin, je replonge dans un sommeil serein, cette fois.

Au réveil, je ressasse avec mélancolie mes souvenirs et impressions de cette nuit. Je flâne, car c’est dimanche, et je n’ai rien de prévu… Je descend à la cuisine, prépare mon petit déjeuner et me dirige vers la baie vitrée avec appréhension. Je repousse les tentures, relève le store et lève prudemment les yeux vers la silhouette inquiétante d’hier qui n’est rien d’autre que l’énorme souche du sapin renversé par la tempête de l’an dernier.

Ce n’était donc que cela, je l’avais oubliée et, à présent, dénuée de son écorce, son bois est devenu lisse et blanc sous les effets de la pluie et du soleil cumulés. Cet été, une graminée a poussé derrière la haie, dont les plumeaux blancs ondulent au gré du vent. Ce sont eux, les coupables qui ont provoqué ma panique d’hier soir !

Cette souche était soustraite à ma vue durant toute l’été, quand le feuillage me cachait sa présence. Mais hier soir, elle a probablement été la porte ouverte à ces visites nocturnes Nous sommes toujours accompagnés par les fantômes de notre passé   

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E
Souvenirs et manque, mais des images si bien mémorisées qu'on peut les revoir comme un film...
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C
Christina, lors des concours, les textes sont ANONYMES !!!! Pas pour rien ;-) Pour que tous les participants soient jugés sans a priori ou sans favoritisme...
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P
Jolie histoire !
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C
Merci !
M
Une très belle histoire.
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C
Merci Micheline !
A
Une jolie histoire au titre parfait. C'est vrai, quel meilleur endroit que nos rêves pour retrouver nos disparus ?
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P
Nos disparus qui nous accompagnent sans qu'on le sache. Peut-on y croire?
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C
On peut y croire mais on ne mène pas le jeu !
J
Un texte pudique et très joli. Merci pour cette histoire...
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C
Merci pour l'appréciation