"Tcharleroy, it’s so lovely !" : une nouvelle en plusieurs parties signée Edmée de Xhavée. Part 1

Publié le par christine brunet /aloys

Tcharleroy, it’s so lovely !

 

   Il a remué ses trop longues jambes sans interruption comme s’il poursuivait un chien de prairie depuis que l’avion a enfin quitté O’Hare Airport en Illinois. Wynona a bien vu que déjà, en montant dans le premier vol à Fargo, il dissimulait sa peur – terreur serait plus percutant comme définition – dans l’attitude de l’Indien au visage impénétrable. Il n’avait pas dit un mot pendant tout le vol – une heure et demie – mais c’est l’habitude entre eux. Il aime palabrer et discourir, mais pas parler. Il faut qu’il puisse lever le menton, croiser les bras, rouler des yeux, rire comme un cannibale repu parfois, pour que ses talents d’orateur l’illuminent. Quel talent d’orateur y-a-t-il dans des réflexions triviales telles que « mes jambes sont trop grandes et l’espace ne contiendrait pas un nain entre les rangées de sièges » ou « l’hôtesse sent le lait sûri » ?  Aussi avait-il abandonné Wynona à ses propres inquiétudes.

   Elle, c’était en largeur qu’elle se sentait compressée. Elle n’a plus de silhouette depuis longtemps, et ses jeans soulignent ses joyeuses rondeurs, ainsi que les T-shirts que pourtant elle prend en XXL, mais elle a, comme dit son fils Marvin, un fameux capitonnage et des réserves pour les disettes.

   Elle avait gagné un voyage avec destination de son choix en Europe en participant à un concours de mots croisés. Et surtout… en répondant à la question subsidiaire. Combien de personnes participeraient-elles au concours et n’auraient qu’une erreur ? Elle avait choisi l’année de sa naissance, 1947. Et elle avait gagné. Un vol pour l’Europe, destination au choix, et un budget de 2000 euros.

   Wes avait presque pâli en l’apprenant. Pratiquement, il avait eu la teinte d’un canari. Il ne se déplace que pour les pow-wows, avec les fancy dancers de la tribu, en autocar qu’ils affrètent spécialement. Les costumes prennent déjà tant de place, avec les tournures de front et surtout de taille en plumes, les coiffes de guerre qu’on surveille jalousement… Il aime ces voyages qui le tiennent sur la route parfois deux mois d’affilée sur le Pow-Wow Highway. Il aime surtout le gigantesque pow-wow annuel d’Albuquerque, « La réunion des nations », et eux, les Sioux, font figure de mâts de navire à côté des petits pueblos du coin aux yeux tendres et à la peau sombre tendue sur leurs visages ronds.

   Ça, pour Wes, c’est toute l’étendue du monde qu’il a besoin et envie de connaître. Son grand-père et son grand-oncle avaient vu l’Europe, mais en habits militaires. Une vieille carte postale de la Place Rouppe à Bruxelles figure en bonne position sur une étagère, entre une reproduction du pont de Brooklyn en plastique et la photo de leur fille Loretta avec Tim Littlebird le jour de leur mariage.

   Un de ses ancêtres avait aussi découvert la lointaine Europe avec le Wild West Show de Buffalo Bill.

 

A suivre...

Publié dans Textes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
J'attends la suite avec impatience.
Répondre
P
Un homme authentique ( leni-lenape😉), ce Wes! <br /> Vivement la suite!
Répondre
A
Les indiens, Edmée, elle connaît. Elle les a rencontrés ! Hâte de lire la suite de cette nouvelle 🙂
Répondre
C
Ce débarquement est prometteur.
Répondre
E
Comme tu vois... j'ai pensé à toi :D
P
C'est toujours un plaisir de lire Edmée...
Répondre