Bob Boutique a lu "Par la fenêtre" d'Alain Delestienne
"Par la fenêtre” d’ Alain Delestienne
Un petit préambule pour commencer.
Vous savez sans doute que j’ai horreur qu’on m’envoie un livre en cadeau et ce pour diverses raisons. La plus évidente étant que cela m’oblige indirectement à le commenter et alors… quid, s’il ne me passionne pas ?
Lorsque j’ai reçu le bouquin d’ Alain par la poste, avec une très belle dédicace, j’ai d’abord râlé, avec la ferme intention de ne jamais le lire. Puis je me suis rappelé le personnage que je ne connais que par facebook mais qui m’a toujours donné l’impression d’être le contraire du m’as-tu vu et de l’intriguant. Un internaute calme, mesuré et particulièrement attentif à ce que font les autres. Bref, je me suis aussi vite radouci.
Puis j’ai admiré la couverture que je trouve magnifique et qui a été realisée par une de ses filles, Anne. Et enfin j’ai remarqué au verso de l’ouvrage le commentaire d’une auteure pour qui j’ai le plus grand respect, Laurence Amaury: “le paradis retrouvé, avec un parfum d’enfance ! On voudrait que ce soit plus long…”
J’ai compris qui’il y avait méprise dans mon chef. Alors j’ai deposé le livre sur la tour de mon pc en me promettant d’y revenir, lorsque j’aurai terminé ce superbe “Lovebirds” d’ Edmée De Xhavée. D’autant plus que Christine Brunet venait de publier son propre commentaire sur ce bouquin et que la connaissant, elle avait dû aimer? Pas le genre à cirer les pompes… je n’ai pas lu bien sûr, histoire de ne pas me laisser influencer.
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Bon ! Voyons voir… j’ai un petit quart d’heure, le flacon à moitié enfouï dans le sable est à portée de bras, je tends la main, prends l’objet, même pas cent pages, l’ouvre, parcours rapidement les remerciements et autres mentions souvent intéressantes, car elles émanent d’un auteur qui a jugé important de les y mettre…
Vous allez trouver tous ces details futiles. Mais pour moi, lire un livre c’est une histoire, une affaire sérieuse, ou si vous préférez, une sorte d’engagement d’offrir à un(e) écrivain(e) une des deux choses les plus inestimables qui existent dans cet univers: l’amour et… le temps. Le premier étant inimaginable sans le second.
“Ca faisait déjà pas mal d’années qu’il passait ses matinées à regarder par la fenêtre…”
Je n’ai plus arrêté avant le mot “fin”, après 74 pages !
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Henri, le héros ou l’anti-héros, ressemble furieusement à l’auteur: une santé précaire qui le cloue définitivement à la maison avec trois chiens et une grande fille visiblement bien éduquée car elle tient une compagnie joyeuse à son enfant de père qui lui prépare en retour les repas du soir. Il est divorcé mais en ayant réussi ce tour de force de faire de son ex sa meilleure amie ( je m’incline jusqu’au parquet )…
Henri vivote donc doucement et s’ennuie avec douceur.
Le matin, il contemple par la fenêtre de la cuisine un jardin qui change de couleurs et d’animaux avec les saisons. Et l’après-midi il va faire les courses puis se promène dans un parc, toujours le même, pour terminer en sirotant un café à la terrasse du café de l’étang. Voilà.
Ah bon ? Et c’est tout ? Ca fait pas un roman ça !
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Attendez ! Un peu de patience nous répète l'auteur chapitre après chapitre, mon histoire va bientôt commencer. Mais laissez moi d’abord vous décrire ce jardin qu’envahissent les oiseaux, les insectes et les fleurs, chacun servant de nourriture à l’autre. Un microcosme grouillant qui joue sous ses yeux attendris la pièce immuable d’une vie qui se perpétue de l’infiniment petit à l’ infiment grand. Le tout est de savoir regarder… Ouf ! C'est pas de lui, mais de moi. Il l'aurait écrit plus simplement.
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Bien, d’accord… on est très content pour Henri… les insectes, les oiseaux, les fleurs et croyez-moi il en connaît un bout, mais tout ça ne fait pas un roman !
Attendez, un peu de calme et laissez vous porter par le style étonnant de l’auteur dont c’est pourtant la première oeuvre… ses paragraphes sont courts et son écriture fluide, policée, agréable. C’est bien simple, on ne se rend même pas compte que les pages défilent. Et puis ne lui dites surtout pas qu’il ne se passe rien lorsqu’une saison vient chambouler l’autre et révolutionne l’envers de sa fenêtre où des populations entières disparaissent tandis que d’autres apparaissent pour se nourrir de nouvelles plantes… et ainsi de suite.
Et puis, quel évènement ! Henri a decidé de rafraîchir sa cuisine avec de nouveaux meubles, d’autres couleurs, des faïences sur les murs…le va et vient des amis avec leurs rouleaux et pots de peinture… ça secoue son homme, non ?
Soit, à la rigueur, on compatit, on applaudit… mais n’empêche, tout ça ne fait pas un roman !
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Ha bon ? Et cette semaine qu’il passe chaque année avec ses filles à Nieuwpoort , à la Mer du Nord, dans un appart de location ? Les promenades interminables le long de la plage, à la lisière mouvante des vagues, le cerf-volant d’Eglantine et les glaces qu’on mangeote pendant des heures à la terrasse d’un resto de plage, en regardant defiler la Belgique en uniforme de vacanciers ?
Je pourrais vous citer trois lignes ciselées à la plume d’oie à chaque page…
D'accord, on apprécie... mais en signalant quand meme qu’on vient d’humecter son doigt pour tourner le Feuillet 50 ( sur 7O, je vous le rappelle) et qu’on a pas encore vu un seul drame, un petit meurtre, pas même un vol de sac à main !
Non. On reste sur notre première impression… c'est de la belle ouvrage, mais ça ne fait pas un roman !
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Et pourtant je continue ma lecture. Un, parce que tout est juste ,dans le ton et les images, et deux, parce qu'on sent, on pressent, qu’il va arriver quelque cbose d’inattendu !
Hé bien oui…
En se balladant sur la plage, à la ligne des déchets que depose la marée, notre flâneur qui se promène toujours le nez au vent, à observer le monde des crabes et autres vers de sable découvre une bouteille à la mer.
Ou plutôt non, un flacon à la mer, avec un bout de papier enroulé sur lequel une personne du sexe feminin a écrit un message…
La voilà notre histoire, enfin, ça y est, on démarre… et là, je dois vous avouer que le Sieur Delestienne m’a bluffé ! Roulé dans la farine...
Tout se dénoue. Mais ne comptez pas sur moi pour vous révéler en quoi et comment, même sous la torture. Un chèque à la limite et encore, pas sûr !
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Ce livre est un vrai petit bijou et je ne résiste pas à l'envie de vous donner un extrait de la fin, une scène grandiose, digne d’un grand film romantique:
“une ombre obscurcit la page où il écrit. Un vilain nuage de plus ? Non, derrière la fenêtre, une gigantesque nuée d’étourneaux qui occupe Presque tout le ciel. Par leur danse synchronisée, à plus de mille, ils dessinent une variété infinie de figures et l’imagination d’ Henri n’a plus de limites.
Au centre de cette masse sombre et mouvante entourée d’un fin liseré bleu ciel, il aperçoit resplendissante, la belle déesse indienne. Grande et mince, très droite, sa longue chevelure noire s’agite en tous sens avec le mouvement des oiseaux…”
“De ma fenêtre” est un vrai beau livre, touchant, tendre, émouvant, gentil… et profondément triste.
“Du bist ein Ezel” Alain !
Bob Boutique
www.bandbsa.be