Chantal Parduyns et son dernier roman "Rencontres du métro-type"

Publié le par christine brunet /aloys

 

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J’achète un petit bout de papier Je me promène, l’œil aux aguets Dans les wagons, dans les stations. Des silhouettes grises s’allument. Et ces feux follets m’entraînent Dans une autre dimension. Derrière le voile du quotidien, Se déploient des mondes sans fin Où ces personnages animent mes fictions.

 

Le décor est planté, les personnages attendent le lecteur pour se remettre à vivre. Il me reste à vous appâter avec un petit extrait…

 

 

Les couloirs du métro sont quasi vides. Dans la grande ville, c’est encore le petit matin. Il faut être exilé dans la campagne profonde pour s’agiter aux aurores ! On pourrait aussi être tard le soir ; la cité souterraine est pareille aux heures extrêmes de la nuit. Ici, pas question de lire l’heure au soleil ; la lumière crue des néons tombe à la verticale, toujours la même. Il n’est d’ailleurs pas besoin de suivre la course du jour dans le ciel : partout, des horloges immenses et des panneaux horaires illuminés imposent le compte du temps qui file. Et puis, la cité du métro vit à son propre rythme, syncopé et rapide : celui des rames bruyantes qui vont, s’arrêtent, viennent, poussant devant elles de puissants souffles de poussières chaudes.

 

Les sans-abri viennent d’abandonner leur dortoir nomade au piétinement pressé des premiers voyageurs. Un petit troupeau de silhouettes armées de sacs brasse l’air ; le remugle suffocant d’urine, de sueur nocturne et de vomissures avinées qui s’agrippait au sol enfle, se répand, s’épanouit au niveau de mes narines. Plus tard, quand la masse des voyageurs envahira les souterrains, les effluves d’after-shave et de parfums absorberont le relent nauséabond. Pour l’instant, l’odeur âcre est insoutenable et je retiens ma respiration, comme tous les matins. Je traverse le couloir lugubre décoré de tags sans espoir ; mes yeux, encore perdus dans le sable des rêves, ne les voient plus ; mes pieds avancent évitant machinalement les aspérités du sol, les déchets variés et les flaques pisseuses. Je respire économique jusqu’à la placette souterraine où des commerçants affairés fournissent des nourritures rapides à des clients pressés. Ici, l’odeur chaude des croissants sature l’air. Toujours pas question de respirer à pleins poumons : les exhalaisons grasses, viandeuses ou sucrées, me soulèveraient le cœur.

 

Descente sur le quai presque désert. Une musique agressive essaie désespérément de créer une atmosphère entraînante et conviviale. En face, au-delà des rails, une foule compacte attend, résignée.

Bientôt, un mugissement accourt des profondeurs, une tempête de poussière se précipite : dans le trou noir, un métro surgit, freine, pile.

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Publié dans présentations

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C
<br /> Les impressions dans le métro, au petit matin... Un chef-d'oeuvre ! <br />
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J
<br /> j'aime bien cette façon d'écrire !<br />
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C
<br /> Un style! <br />
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