Deux autres extraits du nouveau roman de Danièle DEYDE
Petit rappel :
L’histoire débute en 1959 en Algérie, sur une rive de la méditerranée. La guerre dure depuis cinq ans. Dans un petit village des environs d’Alger, deux sœurs, Adèle et Choline, perdent leurs parents et trouvent refuge dans la famille de Samia, leur amie algérienne. Le sort va les séparer, elles vont grandir loin l’une de l’autre. Elles finiront par se retrouver mais connaitront des destins différents que croisera parfois la route de la fidèle Samia, devenue militante pour le droit des femmes dans son pays et journaliste engagée.
Ce roman pose le problème du choix face aux aléas de la vie ainsi que celui de la condition féminine.
Premier extrait...
Ce fut par le hublot de l’avion qui l’emportait qu’Adèle vit s’éloigner ce pays qu’elle avait cru le sien. De là-haut, la côte se découpant sur le bleu de la Méditerranée, la grande ville blanche étalée au plein soleil lui furent dévoilées un instant, puis échappèrent soudain à sa vue. Le voyage lui parut bref ; très vite, l’atterrissage fut annoncé à Marignane, l’aéroport de Marseille. Un autre pays, une autre vie se profilaient ; la jeune fille se sentait pleine d’appréhension et dépourvue de toute certitude. La chaleur la saisit dès la descente de l’avion. A petits pas incertains, elle pénétra dans l’aérogare, les yeux à l’affut de tous les visages inconnus, et, soudain, ce fut un choc : elle les reconnut ! Sa tante, son oncle étaient là parmi la foule, un peu raides, un peu gênés en voyant approcher cette jeune fille qui, dans leurs souvenirs, était encore une petite fille. Eux aussi avaient changé, ils avaient vieilli ; le temps et le chagrin sans doute s’étaient chargés de marquer leurs visages………..
Sa tante la prit dans ses bras et Adèle comprit qu’elle pleurait. Elle sut alors avec certitude qu’elle n’était pas seule de ce côté-ci de la Méditerranée, qu’elle retrouvait une famille.
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Un autre extrait comme un avant goût...
Le soir tombe sur Alger. Samia et Adèle sont accoudées au balcon qui surplombe le jardin de l’hôtel. L’air devient plus frais et leur amène des senteurs fleuries. La ville est calme, mais elle ne dort pas ; elle grouille encore de signes de vie qui arrivent assourdis dans ce lieu protégé. Adèle s’inquiète pour son amie : « Tu fais un métier dangereux. Beaucoup d’intellectuels, de journalistes quittent le pays pour se mettre à l’abri. Viens en France, tu seras en sécurité chez nous. »
Samia secoue sa crinière brune dans un geste de dénégation : « Je ne peux pas abandonner les miens. »
« Il ne s’agit pas de les abandonner. Tu peux écrire de là-bas et envoyer tes articles ici. Tu seras aussi utile et tu ne craindras pas pour ta vie à chaque instant. »
« Et je laisserai d’autres personnes plus courageuses se faire assassiner à ma place. De loin, j’aurais l’impression de les trahir. »
Adèle s’énerve un peu : « A qui seras-tu utile quand tu seras morte ? »
Danièle DEYDE
"L'une ou...l'autre rive"