Georges ROLAND nous propose un extrait de "C'est le Brol aux Marolles"
Extrait de « C’est le Brol aux Marolles »
(voir le lexique à la fin)
Ce matin, on a eu une drache carabinée, que Jef ne voyait plus rien à travers mon pare-brise ! Rien que le temps de rouler du dépôt jusque dans mon tunnel, et j'étais mouillée comme une loque à reloqueter ! Ça a duré deux heures, avant que je sois séchée. C'est ça que j'aime pas, dehors : la drache. Quand je dois faire la ligne d'Auderghem, je sors dehors à Delta et alors, je roule dans la pluie. Ça est pas gai, moi je te dis.
Madame Gilberte, elle a un espèce de capuchon en plastique transparent, qu'elle a toujours avec dans sa sacoche, et qu'elle met sur ses cheveux mauves pour mettre sa permanente à l'abri, quand il pleut. Ça est une maline, madame Gilberte. Si tu savais tout ce qu'elle met dans sa sacoche, tu tomberais paf. Moi, je l'ai vu le jour où elle l'a laissée tomber sans le faire en exprès, et que tout son bazar est roulé par terre, sur mon plancher.
Le capuchon en plastique était bien plié en accordéon, pour pas prendre de la place, mais il y avait aussi son porte-monnaie avec une pince qu'on sait refermer pour mettre les nickels et un soufflet derrière pour ranger les billets et sa carte d'antiquité, un parapluie replié aussi comme son capuchon. Eh, il pouvait pleuvoir, hein ? Elle avait tout ce qu'il faut ! J'ai vu aussi une espèce de bonbonne de laque pour ses cheveux, et des petites boîtes de poudre, du rouge à lèvres, un paquet de mouchoirs en papier, la liste des commissions, un téléphone portable ... Je te dis que ça ! Mais il n'y avait pas de raton laveur.
Et elle porte tout ça à son bras partout où elle va. Même quand elle va au cabinet, elle prend ça avec. Je te pose la question : qu'est-ce que tu sais faire avec un parapluie, un porte-monnaie, et de la laque au cabinet ? Hein, dis-le moi.
Quand je te répète qu'il sont un peu maft !
Ça y est de nouveau une fois ! Je sais pas arrêter de zieverer sur les gens ! Tu vas croire finalement que je les aime pas. Et c'est pourtant pas vrai, ça. C'est pas car on trouve quelqu'un bête qu'on l'aime pas ça tu dois quand même savoir.
Ici, je peux te dire que j'ai vu des choses que tu oserais pas raconter à ton voisin. Tu sais ce que c'est un receveur ? Non, excuse, pas un receVeur, mais un receLeur ? Un receveur, ça est un qui prenait l'argent sur le tram, et que maintenant il est à la poste car au tram on veut plus de lui. Un receleur, ça est un peï, ou bien une meï, ça arrive aussi, où les voleurs vont échanger leur brol contre de l'argent.
Parfois, on trouve un bazar au Vieux Marché, c'est quand ils sont sûrs que la police le reconnaîtra pas. Sinon, ils vendent ça loin d'ici. De l'exportation, si tu veux. Le commissaire l'appelle la filière. Moi, je croyais qu'une filière, ça est une machine pour faire des filets pour mettre des nouvelles vis, quand j'ai un morceau qui joue schampavee. Comme on sait se tromper, quand même !
Madame Gilberte disait l'autre jour contre Saïd qu'on a beau se donner de la peine, il y a les vis et situdes de la vie. Ça, c'est encore des mots que je comprends pas bien, mais je te l'ai dit, madame Gilberte elle cause sur son trente-et-un. Surtout avec Saïd, qu'elle veut toujours faire de son nez contre.
Et Saïd il s'en fout : il comprend pas le parisien.
LEXIQUE
drache : averse
loque à reloqueter : serpillère
maline : maligne
tomber paf : être étonné
faire en exprès : faire à dessein
des nickels : de la monnaie
carte d’antiquité : carte d’identité
cabinet : les toilettes
maft : cintré
zieverer : bavasser
peï , meï : homme, femme
jouer schampavee : se faire la malle
faire de son nez contre qq’un : faire de l’esbrouffe
Georges ROLAND
http://bernardiennes.wifeo.com et http://www.georges-roland.com
Extrait de "C'est le Brol aux Marolles"