Journal de bord... Hugues Draye...
Sur les chemins de Compostelle ...
18 juillet 2011
Ca fait une semaine, aujourd'hui, que je suis parti ... tenter la suite de cette belle aventure.
Heutregiville.
Ouf ! J'arrive à retenir le nom de la localité où j'ai atterri, hier. Pas des moindres. Il s'agit d'un lieu connu, dans le coin. Eprouvé par la guerre de 14. Faut dire : Verdun n'est pas loin. Brigitte, la dame de l'endroit, m'a montré de vieilles cartes postales, d'avant la première guerre, avec, notamment ... la ferme où nous nous trouvions et l'église de l'époque (détruite lors de la guerre 14-18).
J'ai partagé la chambre (de l'endroit) avec un pélerin hollandais, Frans. Ca s'est bien passé. Sur son lit, le gars lisait un bouquin (en néerlandais, bien sûr) sur une espèce de mini-ordinateur de la taille d'un livre.
J'ai juste eu un peu peur, à l'idée que, la nuit, je peux ... ronfler. Et que ça puisse causer des problèmes.
J'ai juste eu un peu peur, vers deux heures du matin, lorsque j'ai du, dans le noir, tenter de quitter la chambre pour me rendre à la toilette, dans la salle de bain située elle-même à côté de la chambre. Final'ment, lorsque, le plus discrèt'ment, j'ai réintégré la chambre, c'est lui qui se levait ... pour se rendre au même endroit que moi.
Comme quoi !
Il a soixante-quatre ans, le FRans. Il est taillé comme un athlète.
Ce qui est fou, c'est que la rencontre entre lui et moi aurait pu se passer mal. De ... ma faute, cette fois, je l'avoue.
Faut dire ...
J'étais parti, le matin, de Château-Porcien. J'avais un peu tourné en rond dans le village, avant de trouver les bonnes balises. J'avais eu un mal fou à repérer les deux bras de l'Aisne, le canal des Ardennes, le terrain de sport, la coopérative agricole.
Ca f'sait plus d'un jour que je tentais de contacter un hôtel, à Bazancourt, renseigné dans le dépliant, où devait, logiqu'ment, se trouver la fin de l'étape. Sans réponse. Or, il était bien dit : réservation 48 heures à l'avance. Bien, bien. Heureus'ment que, dans le sillage, deux ou trois autres numéros de téléphone étaient renseignés. J'avais fini par tomber sur une dame qui m'avait dit de la contacter vers 18 heures, car son lieu d'hébergement se trouvait à dix kilomètres de là.
Faut dire, aussi ...
C'était la quatrième ou cinquième journée que je me remettais en marche, en repartant d'un point où j'étais arrivé, la veille. C'est passionnant, oui. On voit du paysage, oui. Mais ... poser ses bagages quelque part, dormir, reprendre ses bagages le lend'main, c'est de l'énergie physique, psychologique. Et je commençais à me dire qu'il serait temps que je me pose plusieurs jours quelque part, sans bouger. Heureus'ment que Reims n'était pas loin.
Faut dire, aussi ...
En chemin, une des bretelles de ma guitare a laché.
Alors, bon ...
Quand je suis arrivé, d'abord, à Bazancourt, que je suis tombé, une fois de plus, sur le premier bistro venu, c'était la Providence, la délivrance qui s'imposait d'elle-même. Et là, j'ai reçu un chouette accueil du tenancier et des clients du lieu.
A un moment donné ...
Le tenancier du coin me dit : "tiens, voilà un pélerin !". Il sort et appelle le gars en question. Je me réjouis. Je suis curieux. Un grand gars, avec des lunettes, une casquette et un sac-à-dos, entre dans l'enceinte. Mince : il parle pas français. Mince : il me rappelle sans doute quelqu'un que je ne garde pas dans mon coeur. Et ... quand il me parle, je m'arrange pour écourter. Je suis trop fatigué. Je veux pas écouter, c'est une torture. Et ... je lui tourne le dos. Le client, à côté de moi, a vu la scène et ... me comprend.
Quant au gars, lui, il ne désarme pas. Il s'assied, prend son portable (ou GSM), tente d'appeler des endroits pour loger. Et ... il repart.
Silence dans le bistro. Je sympathise avec la serveuse. Je sympathise avec un voisin de comptoir (venu de Guyane, je crois).
Et je commence à me dire : et si le gars "hollandais", que je viens de croiser, devait se trouver, ce soir, dans le même endroit que moi !
Et je commence à me dire : Hugues, prépare-toi, si le cas se présente, à retrouver le gars "hollandais", et à le vivre bien (il n'a pas à subir tes états de mauvaise humeur ... légitimes).
Et ... une heure plus tard (toujours dans le même bistro) ...
Une dame sort d'une voiture. Elle appelle un certain "Hugues" qui l'a contactée le matin. C'est bien là que j'irai loger ce soir. Et devinez qui je vois, dans sa voiture, qui l'a prévenue qu'il y avait un pélerin qui attendait au bistro : eh bien, Frans, le pélerin hollandais, comme je l'avais imaginé, comme je l'avais supposé ...
Et ... ça commence à bien se passer.
On ne passera qu'un jour à Heutregiville ... déjà le jour suivant, on nous conduit, Frans et moi, au début d'une espèce de voie romaine qui nous mènera vers Reims
on se salue bons amis ... on se reverra ...
allez : juste un regard vers la gauche
Frans me devance vachement, déjà ...
21 juillet 2011
C'est la Fête Nationale, aujourd'hui, en Belgique. Tiens, je l'avais oublié, pas plus tard qu'hier.
Trois jours passés à Reims. Trois jours que je ne regrette pas. Charlène, Julie, Dino, je vous emporte avec moi. Nous nous retrouverons toujours quelque part.
Ce soir, j'échouerai à Verzy. Je dois contacter un responsable de la maison paroissiale du village, sur le coup de six heures.
J'ai quitté Reims. Dans la pluie. J'ai entamé la Via Francegina. Que de ponts sur la route ! J'ai longé un canal. Aperçu une barque, avec des gosses qui ramaient, un chef de bande qui donnait le rythme au tambour, un prof' (ou un guide) qui dynamisait la bande.
Hier, j'ai aperçu une modeste chapelle, en face d'une des grandes usines où on fabrique du champagne. Foujita, un peintre d'origine japonaise qui a échoué à Montmartre, a décoré l'intérieur. Malheureus'ment, y avaient des chaînes tout à l'extérieur, je n'ai pas pu pénétrer dans ce lieu modeste.
Jusque Saint-Jacques de Compostelle : encore 2400 kilomètres à franchir. Pas encore pour moi !
Mon pied gauche commence à souffrir.
Dernier clin d'oeil à la chambre, à Reims, de la maison diocésaine où j'ai passé trois jours
Encore un ultime passage dans un bistro typé du coin
Heureusement que les rues de Reims sont des labyrinthes ...
Allez, Hugues ... on se remet en route ... tournons à gauche, là où y a un pont ...
douce campagne pluvieuse ... j'ai dépassé Sillery ...
saluons le moulin de Verzenay...