Laurent Dumortier nous propose un extrait de BRUINES

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

bruines.jpg

 

 

 

6, rue du Bas Quartier

 

        - Les bonbons! Ou la baston ! entonnèrent en chœur les enfants déguisés en cette nuit d'Halloween.

        - Allez, petits garnements ! Tenez et régalez-vous ! leur lança Madame Matthis.

        - Meerrcci Maaadaaaamme !

        Les enfants s'éloignèrent et ouvrirent le sachet qu'elle venait de leur donner. Tous firent une moue dédaigneuse.

        - Oui, évidemment, il ne fallait pas s'attendre à quelque chose de mieux de cette vieille teigne ! Des raisins secs et des noix ?

        - Bah, on aura plus de chance avec les maisons suivantes...

        - Oui, tu as raison ! Allez, en route ! Héé... Regardez qui arrive là-bas!

        - Arthuuur confiture ! lancèrent-ils dans un grand éclat de rire.

        - J'ai une idée du tonnerre: on va bien rigoler ! Hé Arthur !

        Le jeune garçon, habitant depuis peu le village, mais déjà habitué aux brimades et aux moqueries de ses camarades, se tourna avec crainte vers son interlocuteur.

        - Oui ?

        - Ne reste pas tout seul ! Viens avec nous ! On récolte ensemble et on partage après...

        - Non merci, ça ne m'intéresse pas, leur répondit-il, se doutant qu'il ne reverrait jamais la couleur de sa part...

        - Ecoute, on n'a pas été très sympa avec toi, mais c'était pas méchant ! Tiens, pour preuve de ma bonne foi, choisis ce que tu veux dans ce qu'on a récolté, c'est ma part et je fais ce que je veux avec...

        Arthur hésita, puis finit par accepter...

        - 0k, Alex, tu as gagné. Je vous suis...

        Le groupe parcourut les rues du village en riant et en s'amusant beaucoup.

        Les copains d'Alex avaient beaucoup de mal à en croire leurs yeux : il était d'habitude le premier à se payer la tête d'Arthur et là, il était si (trop?) gentil...

        - Voilà, il ne reste plus qu'une maison : le numéro 6, en bas de la rue...

        Tous se regardèrent, n'osant prononcer un mot

         On y va ? proposa Arthur.

        - Je crois que ce n'est pas une bonne idée, répondit Lucas, le petit frère d'Alex. La maison est hantée...

        Arthur éclata de rire.

        - Vous ne croyez quand même pas à ces balivernes ?

        Alex tenta, tant bien que mal, de dissimuler un sourire...

        - On  voit  bien  que ça ne fait pas longtemps que tu es ici ! La maison est maudite, Arthur, sans déconner...

        Conscient qu'il tenait là sa revanche, le jeune garçon lança : « Bon, ben moi j'y vais.. » et joignit le geste à la parole.

        - Arthur, reviens ! Ne fais pas de conneries !

        Mais ce dernier poursuivit sa route, sans se retourner...

        - Alex, tu es vraiment dégueulasse ! tonna Angèle, sa cousine.

        - Ben quoi, c'était simplement pour déconner...

        Tous manifestèrent leur désapprobation, mais aucun ne se précipita vers Arthur...

        Le chemin qui menait au numéro 6 de la rue du Bas Quartier n'était pas éclairé et les arbres qui le bordaient avaient pris d'inquiétantes proportions... Le moindre bruit était amplifié par le calme de la nuit et Arthur semblait percevoir comme une respiration régulière… derrière lui. Il se retourna mais ne vit rien...

        Arrivé enfin devant la bâtisse en question, il frappa à la porte. D'abord un coup, puis un second. Aucun résultat, si ce n'était cette respiration régulière...

        Il se retourna mais ne vit rien...

        Arthur commençait vraiment à se demander si la maison était habitée. Il était sur le point de faire une troisième tentative, mais n'en eut pas l'occasion : la porte s'ouvrit…

        Il s'avança et, surgie de nulle part, une main énorme, hideuse... le saisit.

        Il hurla et se débattit de toutes ses forces, mais celle-ci l'entraînait, irrémédiablement... Il lança un dernier cri, avant que la porte ne se referme...

        Les autres l'avaient entendu crier et étaient terrifiés : jamais Alex n'aurait dû l'envoyer là-bas... Finalement, ils décidèrent de rentrer chez eux, le plus rapidement possible... Pour gagner du temps, ils coupèrent à travers champs...

        Ce qui semblait être une bonne idée au départ se mua en une grossière erreur lorsqu'ils se retrouvèrent face à un champ de maïs.

        - Que faisons-nous ?

        - Pour ma part, je ne me sens pas capable de rebrousser chemin... Traversons-le, nous ne devons plus être très loin maintenant...

        Tandis qu'ils pénétraient dans le champ, un oeil mauvais les regardait.

        Ce fut Alex qui fut sa première victime : il hurla, terrorisé, tandis que ses compagnons s'enfuyaient : la créature était nettement plus petite que lui, mais semblait très rapide et disposait d'une force colossale...

        Il tenta de lui échapper, mais son adversaire ne lui en laissa pas l'occasion: jeté à terre, il se protégea avec ses bras, mais sans succès... La créature plaça ses mains autour de son cou et serra... serra...

        Alex était mort. Son meurtrier éclata de rire et ôta son masque...

        - Il était le premier... mais pas le dernier !

        Les yeux d'Arthur brillèrent dans le noir et un affreux rictus apparut sur son visage...

 

 

Laurent Dumortier

gsl.skynetblogs.be

http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:o0YOuIz-NJ0UnM:http://www.bandbsa.be/contes/chloe/laurent.jpg

 

 

 

Publié dans Textes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
&quot;Dans &quot;Bruines&quot;, certaines des nouvelles se trouvent être terrifiantes, vraiment. Aussi, je conseille sa lecture en plein jour, en ayant pris soin de fermer portes et fenêtres, et encore... La mort pour cet écrivain est du domaine du fantastique ; la mort, qui chez lui demeure une fin en soi, se met en scène avec tous les visages possibles, et ce, jusqu'à vous glacer les os.<br /> Ecriture très moderne pour un livre foisonnant d'idées dans lequel on sent un esprit de synthèse exercé.<br /> L'univers de Laurent Dumortier s'avère proche de celui d'Edgar Allan Poe. <br /> Ah Laurent, quelle imagination, imagination sans limite rationnelle !<br /> Jeanne R. <br /> (Octobre 2014)&quot;
Répondre
P
<br /> Une atmosphère inquiétante ...<br /> <br /> <br /> Brrr, j'ai peur !!!<br />
Répondre
J
<br /> Pour une fois que Laurent nous confie un texte ! C'est un plaisir de découvrir son style et d'apprécier la construction de ses histoires !<br />
Répondre
J
<br /> Brrrr, froid dans le dos ! Tellement bien amené ... Tu nous fais peur, Laurent, avec de gentils petits enfants!<br />
Répondre
M
<br /> On pourra bientôt chanter, comme Boris Vian, "Arthur où t'as mis le corps ?"... Sacré non, il fait pas dans la dentelle... Laurent ! A la prochaine fête d'Halloween, je n'ouvre à personne,<br /> compris ? <br />
Répondre
M
<br /> Vif, sombre à souhait, j'ai adoré.<br />
Répondre
C
<br /> Lire de telles histoires, ça fait du bien aux frissons, ils s'activent, se propagent et tôt le matin vs vs sentez envahie de secousses incontrôlables! <br />
Répondre
S
<br /> un conseil  : à ne pas lire le soir, seule dans son lit, quand le vent souffle dehors et que la pluie sur les fenêtres empêche d'entendre le danger qui rôde....  <br />
Répondre
B
<br /> Voilà le Dumortier qui m'attire ! La face sombre de la force...<br />
Répondre
C
<br /> Ce livre dégage une atmosphère pesante... J'ai adoré !<br />
Répondre