Papy NZILI nous propose un extrait de "Mon histoire avec eux"
« J’aimais l’appeler ainsi, il était mon prince, Lucas. Je vais vous dire d’où cela me venait de l’appeler prince et je sais à l’avance ce que vous allez penser de moi : que je suis un enfant qui a refusé de grandir. C’est très bien. Laissez-moi vous dire que grandir pour moi n’est pas renoncer à son enfance. Y’aurait-t-il une raison à vouloir absolument tourner la page sur son passé ? C’est là que se trouve aujourd’hui encore le meilleur de ce que cette vie m’a apporté. Je chéris mes souvenirs, je les entretiens comme un horticulteur prendrait soin de ses fleurs. Ils sont éphémères, ils s’estompent, ils perdent leur éclat, leur fraîcheur et leur parfum, ils finissent par disparaître et on les oublie. »« J’ai partagé avec mes contemporains la même attente cocasse. J’attendais un homme, qui serait un homme, qui serait mon homme. Puis j’ai vite compris que je devrais savoir manier ma plume si je voulais un jour faire la rencontre de cet homme-là car il n’existerait nulle part ailleurs que dans des scénarios fictifs. Alors, j’ai choisi mon second métier : écrivain. Ainsi, je me suis offert tous les hommes que je n’aurais jamais su approcher dans le monde réel, soit parce qu’ils m’étaient inaccessibles, soit parce qu’ils n’existaient pas. Je me suis contenté de ma fiction. Néanmoins, cela m’a permis de vite tirer une ligne de démarcation entre ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, une ligne de démarcation entre ceux qui attendent l’amour de leur vie et moi. Puis un jour, je rencontrai Cecilia. »« Je vais vous dire pourquoi je pense avoir connu l’amour avec René : je l’ai aimé sans savoir pourquoi. Il était d’une gracieuse prestance, mais ce n’était pas mon type d’homme. Je ne me serais pas retourné sur lui dans la rue. J’avais mes critères pour apprécier le physique des hommes. Ceci n’a rien de réducteur car vous en avez tous. René ne correspondait pas à ces critères. C’est pourtant par lui que l’amour vint me visiter dans ma vie. Je l’ai aimé pour son être, pour ce complexe qui était lui. L’ai-je aimé pour la promesse de son amour ? Pareille promesse n’a jamais émané de lui en ce qui me concerne. Il me demanda mon amour, c’est tout. Il ne promit pas de m’aimer. On n’aime pas une personne comme votre cœur vous le dicte. Aimer quelqu’un c’est être capable de lui donner l’amour qu’il attend de vous. Je pense que je le fis, en bousculant mes habitudes. »« Je m’abstiens de vous parler de la réalité de notre vie conjugale. Ce que nous faisions ou que nous ne faisions pas ne regardait que nous. Moi, je le voyais ainsi. Les Rouvrin, eux, avaient une conception quelque peu différente du lit conjugal. Il s’est passé des choses graves dans cette famille. Ils ont eu des rites d’initiation lorsque Jeanine eut ses dix-huit ans. Son père devait être le premier homme de sa vie. Ils faisaient partie d’une loge très secrète d’occultisme dont je ne révèlerai pas le nom. Jeanine a grandi là-dedans, cela lui a toujours semblé normal. C’était cela la voie de la réussite, c’était cela le monde des gagnants. Elle y a vu plein de grands noms de notre pays, il n’existait pas d’autre voie pour atteindre les sommets. Vous savez, pour vous et moi qui avons appris à réussir par des moyens humains normaux, je veux dire sans cultes mystiques, il est invraisemblable ce genre de pratiques. Jeanine s’est allongée avec son père, puis a été consacrée membre de la loge. Par la suite, elle a pris part à d’autres cérémonies et, au fil des années, elle a avancé dans l’organisation. »
Papy NZILI