Premier chapitre "les rendez-vous de Marissa" de Claude Danze, partie 3
Louxor: le complot III
Cinq heures moins le quart. Le muezzin de la rive ouest reprenait du service sans demander l’avis de personne, accompagné bientôt par les deux autres occupants des minarets voisins. Nick se réveilla, comme tous les matins. Il remarqua Marissa, la couverture venue de nulle part (sacrée Saadia !), ses courbatures qui s’installaient.
Il caressa les cheveux de Marissa, qui se réveilla vaguement.
« On va s’coucher ?
Mmm… »
Il l’emmena dans sa chambre et la mit littéralement au lit. Il la couvrit, se dirigea vers son propre logement.
« Hey, where do you think you are going to?
Ben, je vais m’coucher.
Salopard, tu m’abandonnes déjà? Viens ici, tout de suite!
Hé, on n’est même pas encore ensemble et tu me tyrannises déjà ?
Pas encore ensemble !? T’en veux, des baffes ?
Bon, ça va, fit-il, hilare.
Tu vas quand même pas prétendre que tu veux pas passer la nuit avec la plus jolie femme que tu connais !?
Ça t’monte à la tête, on dirait… »
Il se laissa entraîner, se coucha près d’elle, gardant une dernière distance. Elle vint contre lui, dans le lit un peu étroit. Il l’entoura timidement de ses bras, elle se blottit contre son épaule, se rendormit presque aussitôt.
◊
L’autre avait mis fin à ses psalmodies nocturnes, Nick savourait chaque seconde… Il n’entendit ni les étourneaux de six heures ni les tourterelles de six heures et demie… Ni même le muezzin qui remettait le couvert à sept heures…
◊
Dans le couloir, des bruits de pas, des murmures, des « chut ! » plus sonores que le silence qu’ils voulaient imposer. De vagues bruits de vaisselle, de table que l’on dresse. Nick ouvrit les yeux, les referma aussitôt pour ne pas rompre le charme…
Marissa était bien là, toujours endormie. Il lui déposa un baiser sur le front à la limite des cheveux et respira profondément son parfum. S’y décelait une odeur de fleurs des champs, de roses, peut-être… Marissa se réveillait, s’étendait de tout son long, remarquait enfin l’inhabituelle présence… d’un homme dans le lit trop étroit.
Ils restèrent ainsi de longues minutes, savourant leur bonheur tout neuf.
« On se lève ? fit-il.
Mmm, j’ai faim, répondit Marissa. Mais qu’est-ce qu’on sent ?
Je sais pas, une odeur de fleurs du jardin, sans doute… »
Ils s’assirent côte à côte sur le bord du lit. Il se dirigea vers la fenêtre, ouvrit les tentures. Le lit et le sol étaient couverts de pétales de roses, jaunes et rouges, et un bouquet de fleurs sauvages ornait la petite table. Sacrée Saadia...
◊
Marissa enfila son sweater rayé par-dessus le T-shirt qui lui avait servi de pyjama. Nick enfila son short, rajusta sa chemise, la boutonna à peu près correctement.
Elle ouvrit la porte et vit que le chemin de roses continuait dans le couloir, jusqu’à ... Elle prit Nick par la main, l’entraîna à la découverte du merveilleux secret des pétales répandus.
Saadia dirigeait la manœuvre… Ce vieux gamin de Belaid finissait de dresser une belle table pour le petit-déjeuner. Clare et Julie-Ann, Logan et Michael, chuchotaient en pouffant d’égrillardes plaisanteries. Ramadan arrivait dans l’escalier d’un air fendard, précédé de Yasmina et Salah, les petits-enfants de Saadia et Belaid, impatients et malicieux.
Quand Nick et Marissa arrivèrent dans la pièce, Saadia et Yasmina déclenchèrent les youyous, rythmés par les autres qui frappaient dans les mains.
Marissa, les mains sur les hanches, regarda les comploteurs d’un faux air de reproche, se mit à les poursuivre en rond dans la pièce. Ils s’enfuyaient, riaient. Ce fut l’embrassade générale. Seul Nick restait en retrait, les yeux humides. Quand Marissa vint pour l’associer à la joyeuse farandole, il l’attira à lui et se cacha le visage dans ses cheveux…
Les joyeux Irlandais les entourèrent de leurs bras, les filles s’embrassaient en se passant des kleenex, les hommes se donnaient de grandes claques dans le dos, riaient pour ne pas pleurer à leur tour. Le couple d’intendants restait en retrait, avec les enfants. Nick embrassa Saadia, comme une mère, Marissa serra dans ses bras un Belaid intimidé, qui ne savait plus quoi faire de ses mains.
◊
Ramadan, déjà en retard, partait en courant. Les quatre Irlandais disparaissaient mystérieusement. Belaid descendait préparer sa felouque. Saadia et les enfants regagnaient le rez-de-chaussée.
Et le muezzin d’en face repassait les plats…
Les rendez-vous de Marissa
Chapitre 1/3
claude-danze.over-blog.fr