PREMIERS MOTS SUR LE PAPIER... EDMEE DE XHAVEE
Premiers mots sur le papier
Ma première oeuvre écrite fut, je dois l’admettre, un plagiat. Je recopiais le catéchisme dans un cahier à l’intention de ma mère qui ne voulait plus entendre parler de curés, de servante du curé, de bouteille de porto du curé ni de confession. Comme les chères sœurs, dans leur tact infini, m’avaient bien annoncé que cette orientation funeste la conduirait en enfer et que je comptais alors aller au ciel au ciel au ciel pour la voir un jour, cette Vierge Marie que l’on disait si gentille, j’ai décidé de sauver l’âme de ma mère et de lui faire changer de destination.
J’ai donc repris les leçons essentielles – sans doute assez transformées car le premier jour d’école j’ai cru qu’on nous racontait les aventures d’Adam-le-lièvre et non pas d’Adam et Eve. J’ai aussi illustré les leçons pour que le retour de ma mère vers le ciel soit plus agréable. Lors de la montée vers le Golgotha, j’ai mis une emphase remarquable. Jésus passe, la croix sur l’épaule, abondamment couronné d’épines, des gouttes de sang grosses comme des nez tombant autour de lui – je n’avais pas le sens des proportions, et il fallait que les détails y soient. Il est dans une rue bordée de maisons. Dans l’une d’elles, sans porte pour des raisons de facilité, Marie égrène un chapelet devant un crucifix planté au mur, éclairée par le lustre de notre salle à manger, une roue de bateau avec 4 lampes. Des larmes de la taille de feuilles de marronnier tombent de ses yeux. Elle est si absorbée qu’elle ne regarde pas passer son malheureux fils, qui ne se tourne d’ailleurs pas vers « sa maison »….
Les leçons étaient suivies d’une interrogation à laquelle ma mère n’accordait jamais le sérieux nécessaire, trop amusée par les illustrations.
Plus tard, j’avais sans doute 12 ans, j’ai donné naissance à mon premier roman. Deux amies – belles, blondes, avec de gros seins (j’illustrais aussi !) – acceptaient de tester la machine infernale d’un ami (comme il était inventeur et savant, il avait des lunettes et un tablier blanc, un type sans charme). Cette machine les emportait au temps de la préhistoire. Elles y rencontraient un « ancien belge » vraiment beau, inspiré d’un film péplum de l’époque (muscles, barbe bien taillée, parlant le belge moderne sans accent ni fautes de grammaire). L’amour naissait, et aucune jalousie ne sévissait entre les amies du fait qu’il n’y avait qu’un seul homme potable dans tout cet ancien monde. Il faut dire qu’à cet âge, l’amour et ses affres n’étaient pas clairs pour moi, et tout me semblait bien simple. Il y avait aussi un épisode où on trouvait un bébé abandonné que l’on nourrissait avec du lait de jument grâce à une petite bouteille de privine (gouttes nasales pour les rhumes !!!) qu’une des deux amies avait judicieusement gardé dans sa poche, et dont la tétine venait à point.
Je ne sais plus comment l’histoire finissait. L’ancien belge remontait-il le temps pour devenir vendeur itinérant d’aspirateurs à Verviers, ou restaient-elles dans le lointain passé, couvertes de peaux de mammouths, coiffant leurs cheveux blonds avec des arrêtes de poissons, jouissant d’un heureux farniente ? Le bébé… irait-il en classe pour apprendre ses tables de multiplications ou devenait-il le chef du clan tandis que les blondes enseignaient les secrets du maquillage aux autres femmes ?
Je ne sais plus !
EDMEE DE XHAVEE
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