Réflexions tout à trac de Claude Colson: Le voyage
Treize heures.
On roule depuis une heure et demie. Le TGV traverse au grand ralenti une gare importante. J’ignore totalement où je suis, je n’ai pas eu la curiosité de m’intéresser par avance au parcours. Vaguement curieux, pour tuer le temps, je guette les panneaux indicateurs. Ah ! enfin en voilà un : P...Un choc ! Le passé resurgit. Gare de P… Quatre ans et demi déjà. Je n’y étais pas revenu depuis.
On ne remonte pas le temps si ce n’est en rêve, et encore ! Le train a maintenant oublié P… Moi, j’ai été un instant rattrapé par le passé. Brièvement.
Le trajet est très long, impression de monotonie.
Petit assoupissement post-prandial.
Quatorze heures. Le train fonce toujours. Je suis assis à l’inverse du sens de la marche. Par la large baie je regarde et découvre sous un autre aspect ces morceaux de France qui défilent. Dans les roux de l’automne, ce sont campagnes, vallons et bois plaisants, sous un ciel à son bas encore couleur d’été. Plus haut s’accumulent des ouates en dégradé, du gris cendre au marron foncé. Je n’avais d’abord pas aperçu ces menaces farouches, si hautes qu’elles se font oublier.
Elles resteront menaces car – déjà plus loin – le convoi a retrouvé un soleil plus pâle par endroits. La lumière faiblit. Le TGV est entré en saison.
Une heure plus tard. C’est effectivement, à présent, la grisaille et la pluie. Elle vient frapper la vitre comme du grésil et cela m’a tiré de ma lecture. C’est sans doute local car revoici un ciel tout bleu et ensoleillé. Pourtant, dessous, la nature est restée en automne.
La tuile du midi, sans son éclat, est dépourvue de la gaieté qui, dans mon esprit, lui est consubstantielle.
Trop tôt parlé car, deux minutes après, elle a retrouvé ses feux, sous un soleil d’orage indécis.
Les façades blanches de maisons serrées là-bas sur la hauteur ont comme un air breton.
Quatre heures que je suis dans ce train lancé à vive allure : la France est vaste.
Les gens, pourtant très proches, ne se parlent pas ou, s’ils se connaissent, très peu. Les heures s’entassent, nombre de passagers s’assoupissent. Je « fatigue» moi aussi et laisse errer mes yeux : des collines roussissantes, quelques ifs ou cyprès – je ne sais – puis, plus loin, soudain sur un éperon une croix austère contre le ciel sombre engendre le frisson. Bientôt les douces arcades d’un pont enjambent une rivière. Presque à l’horizon quelques maisons forment le collier d’ un clocher : le spectacle est infini.
Seize heures : soleil aveuglant.
En une demi-journée j’aurai traversé les régions, les climats et presque les saisons. ! Merveille de la technique et également… cadeau de mon agenda.
Claude Colson
claude-colson.monsite-orange.fr