Tu m'as dit : "Qui es-tu ?" de Martine Dillies-Snaet
Poésie,
Je laisse déjà échapper trop de mots,
Poissons d’argent se faufilant entre les doigts
Entre les lèvres.
Ma tête, mon esprit sont tiraillés
Entre le non-dire et les dires
Mais une seule façon de vivre.
En se taisant.
Tu m’as dit « Qui es-tu ? » Réponds-moi !
Tu n’osais pas me le demander, combien de temps t’es-tu retenue ?
Tu veux que je te parle de moi
Mais.
Je ne parle jamais de moi,
Je ne peux pas.
Que dire de soi sachant que tout moi est continuité
Comment parler de soi sans parler des reçus,
Sans mettre à nu l’intime, l’éducation, la vie, l’émotion des manques ?
Et quel nom donneriez-vous à ce droit qui vous autoriserait
A juger, critiquer l’ascendance ?
Je ne puis prendre cette liberté.
Après tout, c’est la vie qui a fait de nous ce que nous sommes
Et le poète n’est que nudité d’une vie entière.
Les mots en sont les voiles, les manteaux
Dont il essaie tant bien que mal de fermer, de croiser les pans.
Tu me demandes de parler de moi.
Je suis poète, je suis poète, je suis poète, je suis
Poète !
Et si je te le dis c’est parce qu’on me l’a dit.
Risible ! Quel poids ai-je à côté des maîtres ?
Non, je ne puis te parler.
Il faudra accepter. Se sentir touché ou pas
Aimer ce que j’écris ou pas
Mais pour soi
Et non parce qu’on m’y aura cherché.
Pour soi.
Non, je ne puis te parler, raconter.
Pourtant, je te l’assure, j’y ai pensé !
Ta question,
J’en ai fait le tour, en ai dessiné les pleins et les déliés,
Décortiqué les lettres, l’alphabet,
Je l’ai couchée sous mon oreiller
Et
Et lorsque les musiques jouaient en diapason avec mon cœur.
je l’ai entendue me murmurer.
Mais, désolée, Criquette, Criquet,
Désolée, je n’ai pas pu lui parler.
Quelqu’un, un jour, après une conférence-poétique, lors de la séance de dédicaces, m’a dit :
- On ne devrait déjà acheter vos livres rien que pour la dédicace. Après deux minutes de paroles, vous laissez couler des mots personnifiés. Jamais je n’ai vu cela. Le plaisir est immense. Merci.
J’ai souri. Ce plaisir à donner est incommensurable, mais il vous vide.
La question suivante serait : - Pourquoi donner, offrir ?
Rires ! Je te préviens, Criquette, je n’y répondrai pas.
Bien à toi.
08/10/2010
martine
Martine Dillies-Snaet
http://users.skynet.be/TheDillies/