QUI EST L'AUTEUR DE CETTE NOUVELLE ?

Publié le par christine brunet /aloys

QUI EST L'AUTEUR DE CETTE NOUVELLE ?

AVANT LE PETIT JOUR

C’est au petit jour que la peur envahit la ville. Elle s’y installe, sûre d’elle, sûre de n’être pas chassée avant l’apparition du soleil, sûre aussi que lorsqu’elle devra céder la place, il restera en nous une trace indélébile de son passage et une appréhension sans nom du lendemain. Elle reviendra. Elle revient toujours, seule ou accompagnée de son âme damnée…

Mais ce n’est pas encore le jour. La froide lueur de l’aube n’a pas effleuré la fenêtre. Et pourtant, déjà, les ténèbres s’éclairent, là-bas, à l’est, vers la lointaine plaine, d’une faible lumière argentée ; blafard et terne, chétif enfant de la nuit, le jour va naître. Sa forme n’est encore qu’incertaine, mais peu à peu, son image se dessine sur l’horizon, plus ferme et plus pure à chaque instant.

Souvent, mes cauchemars oniriques cèdent la place au cauchemar réel. La nuit me voit alors debout, errant à travers le dédale des chambres, à la recherche de je ne sais quel réconfort, d’un oubli précaire, d’une présence rassurante et cependant impossible. Sans doute est-ce un bruit insolite qui m’a tiré de mes rêves ; le store qui bat contre la fenêtre, au moindre souffle de vent…

Les gratte-ciel des banlieues commencent à se découper sur l’horizon. J’essaie de ne pas penser aux heures interminables qui vont grignoter cette nouvelle journée. Si la nuit m’était un refuge, j’appellerais déjà sa venue ; mais la nuit elle-même s’est dressée contre moi et je ne peux plus espérer en sa trompeuse douceur.

La flamme des bougies vacille sous la caresse de l’air matinal. Leur lueur incertaine et tremblotante est désormais inutile. Elles ont accompagné ma promenade silencieuse dans l’appartement, mon errance nocturne et d’avant le petit jour, elles m’ont permis de découvrir au hasard des miroirs un visage étrange, presque inconnu, le mien, surgi de l’obscurité le temps d’une apparition et happé de nouveau par la nuit, le silence, l’oubli. Le plancher n’a pas craqué sous mes pas tandis que je glissais le long des couloirs. J’ai posé le bougeoir, j’ai voulu me regarder dans le miroir, mais j’ai eu peur de mon image, peur de découvrir un reflet que mes yeux ont perdu l’habitude de contempler. Souvent, avant, je marchais jusqu’à sa chambre ; je restais immobile devant cette porte close. Derrière moi, la flamme des bougies exécutait une danse sauvage, presque indécente, comme pour se moquer de mes velléités. Elle dessinait sur le mur des arabesques folles au milieu desquelles, en me retournant, il me semblait lire les mots que mon esprit ne cessait de me hurler. Vaincu par la lumière, j’ai fui vers le refuge obscur de mes fantasmes, où les désirs inassouvis se confondent avec la réalité, et j’ai attendu l’aurore.

*

Les matins d’antan… Ils n’étaient pas tous aussi désespérés… Cette aube blafarde ne ressemble en rien à celles d’avant, quand le soleil naissant réchauffait une ville vivante, que le sommeil fuyait peu à peu. Je ne savais pas apprécier les bruits qui montaient vers moi, les rires, les cris des gens qui m’entouraient. De mauvaise humeur, découragé à l’idée d’affronter une nouvelle journée de travail, j’aspirais au silence à la solitude douillette de mon lit. Je n’ai pas su aimer ces somptueuses aurores. Je ne voyais en elles que d’indésirables obstacles à ma plongée dans des rêves qui, alors, n’avaient rien de terrifiant. Ce silence absolu que je réclamais si fort, je l’ai, maintenant. Il me cerne, me dévore petit à petit, sans hâte ; il est en moi, il est sur moi. Je le sens qui coule sur mon visage, mes bras, mon corps. Ces gens qui m’exaspéraient et dont l’absence est un de mes plus cruels tourments, je les cherche inlassablement, chaque jour, dans les rues de la ville. Et parfois, le silence est si intolérable que je me mets à hurler. Un jour, alors que je traversais le fleuve, j’ai tout à coup frappé le parapet du pont à grands coups de pied, comme si je le rendais responsable de l’incroyable distraction de l’Ennemie qui les avait tous fauchés –tous, sauf moi.

Après son retour, je n’ai plus éprouvé le besoin de briser à tout prix cet épouvantable silence. Mais sa présence n’empêchait pas l’angoisse, chaque matin, de me submerger. J’ai peur de l’avenir, de la journée qui va s’écouler, de la nuit qui va tomber. J’ai peur de celle qui rôde, à la recherche des retardataires, des oubliés. J’ai si peu d’armes à lui opposer… Je devrais, le matin, me terrer sous mes couvertures et laisser naître le jour sans le regarder. C’est l’heure où l’Ennemie parcourt la ville et elle finira bien par me découvrir, aux aguets derrière ma fenêtre, redoutant et espérant sa venue… Elle n’a pas encore tourné ses regards vers moi. Patience. Que je l’aide un peu, que j’essaie de lui échapper, et elle saura bien se souvenir de moi, me découvrir, s’avancer à ma rencontre, amicale, presque bienveillante, dissimulant son visage haïssable sous le plus séduisant des masques.

Publié dans auteur mystère

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C
J'ignore totalement qui peut bien être l'auteur de ce texte, mais il est remarquable...
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M
Quelle atmosphère superbement rendue ! Comme d'autres, je pense à Joël.
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C
Philippe Desterbecq?
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C
non, à ce soir !!!! Je pense que la surprise sera de taille...
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J
Si Laurent avait le temps et écrivait des nouvelles, peut-être bien lui. Mais je pense aussi à Joël. Pas Jean-François. Pas Louis, pas Micheline, pas Christina, pas Christine, pas Martine, pas Bob, pas Carine-Laure (quoique), (non), pas Philippe (peut-être), pas Edmée, j'en suis certain, pas Victor, pas ... A demain. Rires.
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E
Je pense aussi à notre ami Joel Volpi;.. il y a un zeste de Dorian Gray ici :)... Mais voici qui nous fait démarrer l'année dans les brumes de l'antichambre de la mort, hou la!
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C
Je m'amuse...
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C
Une ambiance angoissante. Un beau texte. Qui l'a écrit? Jean-François Foulon?
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B
Ca ressemble fort à du Volpi ça ?????
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J
Très beau texte, ... mais je donne ma langue au chat ... Trop fatigué pour discerner. Bravo en tout cas. Quelle atmosphère bien implantée dans cette nouvelle.
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