Marcelle Dumont nous présente un extrait de son roman "Nuageux à couvert" : "Albert et Marguerite"

Publié le par christine brunet /aloys

Le petit soldat de la Grande Guerre s’appelait Albert et sa dulcinée se nommait Marguerite. Comment s’étaient-ils rencontrés ? À l’occasion d’un bal, d’une réunion de bienfaisance au bénéfice des Poilus ou tout simplement dans un lieu quelconque où Cupidon avait décidé de lancer ses flèches. Peu importe car ils étaient tombés en amour. De cet amour il reste un poignant témoignage : une série de cartes postales envoyées à Marguerite depuis les tranchées ou pendant les périodes de repos.

Ces messagères ont dormi longtemps dans un grenier et, par un hasard heureux, elles sont tombées entre mes mains. Leurs images aux couleurs passées, « rehaussées » de sentences douceâtres et consolatrices, tentent  d’enjoliver la dure réalité.

Un couple y figure généralement. Une jeune femme, en blanc et rose, y accueille les effusions d’un poilu bien rasé – il n’a gardé qu’une petite moustache de bon ton – son uniforme sort du pressing et son casque qui n’est jamais loin ne comporte pas une tache de boue. Le décor est aimable et paisible. Il y figure souvent des roses, tantôt dans un vase, tantôt dans les bras de la belle. Et lorsque le soldat songe à la femme sur laquelle il veille, si d’aventure il se la représente au lit, elle y est blottie sous une courtepointe violine, recouverte du large rabat d’un drap ajouré, brodé et bordé de dentelle qui semble un écho affaibli des fanfreluches et affutiaux que les dames s’appliquaient à produire à cette époque, afin d’enjoliver leurs pudiques dessous.

La première carte postale d’Albert, envoyée de Montauban et datée du 12 mars 1915, est cérémonieuse car le scripteur dit vous à la destinataire qu’il appelle « Ma Chère Amie ». Mais elle est en même temps brûlante quand Albert assure Marguerite qu’elle pourra compter sur lui dimanche car il me tue de vous revoir, quand l’on aime un petit ange comme vous, que ne ferait-on pour lui. Tue, serait-ce un lapsus révélateur ? En effet il lui tarde de la revoir, à la condition qu’il ne soit pas tué entre-temps, pauvre pioupiou soumis à la mitraille. Il est heureux de pouvoir l’aimer cette jeune fille car c’est un rêve pour la vie. Vient ensuite le côté prosaïque : il ira à sa rencontre si elle n’est pas arrivée à l’heure qu’ils ont fixée. Puis, à nouveau, une grande flamme jaillit de l’âme du petit ami qui embrasse sa mie de tout son cœur, lui envoie ses meilleures amitiés et mille baisers.

 

Marcelle DUMONT

Publié dans Textes, présentations

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C
Ces fameuses cartes postales de l'époque qui nous feraient presque nous écrier "Dieu, que la guerre est jolie"... Bravo ! Tout à la fois émouvant et attristant, quand on sait le nombre de ces idylles que cet épouvantable conflit a brisées.
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E
Ils sont touchants, Albert et Marguerite, avec leur amour qui flotte bien au-dessus et au-delà de la guerre, et leur met le coeur dans la lumière... Une des très belles nouvelles de ce recueil...
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