Séverine Baaziz nous propose une nouvel extrait de son roman : Le premier choix.

Publié le par christine brunet /aloys

 

 
 
Situation de l'histoire au moment de l'extrait :
 
Martin vient de mourir et on lui offre la possibilité de renaître, qui plus est, dans la famille de son choix. Deux destins possibles, très différents mais tous deux idylliques en apparence. 
Invisible, Martin va accompagner leurs quotidiens, façonner son jugement, tenter de se projeter. 
Dans le passage qui va suivre, il suit Irina, la mère qu'il pourrait choisir, en consultation médicale, elle-même accompagnée de sa meilleure amie.
Les voici qui entrent dans la salle d'attente... 
 
Extrait : 
 
En gentleman, je reste debout. A vrai dire, le seul fauteuil libre se trouve aux côtés d’une femme qui me glace le sang. Derrière un lifting impeccablement épinglé, la blonde grisonnante sans âge, mitraille ses congénères, insupportée de tout et de rien. Un profond décolleté la révolte. Une adolescente rivée à son téléphone portable l’agace. La mastication d’un chewing-gum la rend nerveuse. Et pour couronner le tout, Irina et Victoria jacassent maintenant un peu trop fort. A se demander si elle ne va pas finir pas mordre. Dans le doute, vaut mieux garder ses distances.
Deux longues heures plus tard, Irina est appelée. Pendant qu’elle est allongée, les examens de circonstance se pratiquent : frottis et échographie. Après plusieurs « Hum, hum » et quelques étirements de bouche pincée, Irina n’en saura toujours pas plus. Cherchant à déchiffrer la moindre information dans les yeux du médecin semblant éviter le sien, elle finira par oser la question essentielle.
— C’est grave, docteur ?
— Je ne dirais pas grave mais plutôt sérieux.
— Vous m’inquiétez, Docteur, qu’est-ce qui m’arrive ? interrogent les yeux glacés d’Irina.
— Je dois vous dire, ma petite dame, que vous êtes enceinte de plus de deux mois.
— Mais non, c’est impossible. Comment est-ce arrivé ?
— Alors, ni par la cigogne, ni par le saint esprit. Nous ne nous connaissons que depuis quelques minutes mais je me dois de vous dire toute la vérité. Un homme a dû déposer une petite graine dans votre utérus.
— Très drôle, Docteur. Ce n’est pas ce que je voulais dire. Mon mari a subi une vasectomie il y a trois ans, donc je ne vois pas. Je suis une femme fidèle. Qu’est-ce qu’il va penser ? Vous êtes sûr que vous ne vous trompez pas ?
— Madame, calmez-vous. Cela fait trente ans que j’exerce, je sais reconnaître un utérus fécondé. Et puis, je vois dans votre dossier que votre mari est professeur en cardiologie. Croyez-moi, il doit savoir qu’il existe des cas, même rarissimes, de recanalisations spontanées.
— Mais, Docteur, je ne veux pas avoir d’autre enfant.
— Ecoutez, ma brave dame, vous devez prendre le temps de digérer la nouvelle. Parlez-en avec votre époux et sachez qu’une interruption de grossesse est encore possible. Il vous reste trois semaines. Pesez le pour et le contre et rappelez-moi.
Perdue dans ses pensées, Irina sort du cabinet médical. L’air absent, une main appuyée sur son sac à main, l’autre apposée sur son ventre, elle oublie même la présence de son amie qui la suit au pas de course.
— Irina, tu m’inquiètes. Que t’a dit le médecin ?
— Je suis enceinte.
Victoria frictionne l’épaule d’Irina comme pour la consoler. 
Et moi, qui me console.

Publié dans Textes

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P
Un sujet original !!!
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S
Merci beaucoup, m'ssieurs'dames !
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M
Ah oui, vraiment envie de lire "Le Premier Choix " ! Original et qui laisse supposer de riches réflexions.
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E
Sujet original, les descriptions ont de l'humour et de la précision, et ça commence fort comme on dit, cette grossesse qu'on n'attendait plus...
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P
Un roman qui me tente beaucoup, un sujet intéressant !
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