"La réconciliation selon le Judaïsme (La Torah)" abordée dans l'essai d'éthique politique de Cyriaque Maixent Ebenga "Reconstruire le Congo-Brazzaville"

La réconciliation selon le Judaïsme (La Torah)
Il est significatif que le verset le plus célèbre de la Bible : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19,18) commence par ces paroles : « Tu ne vengeras ni ne garderas rancune ». Pour la tradition juive, il est plus qu’évident que le commandement d’amour, repris à à l’envie par Jésus dans les Evangiles, n’est praticable que si l’homme extirpe de son cœur toute velléité de vengeance, et même toute rancune.
Difficile exercice pour l’homme que celui de l’amour de son prochain ! Peut-être même impossible, au point qu’il a fallu exiger au moins qu’à défaut, il ne haïsse pas. Car le verset précédent celui de l’amour du prochain (Lévitique 19,17) dit : « Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur. » Si nous récapitulons la progression des deux versets 17 et 18 du chapitre 19 du Lévitique : 1 « Tu ne haïras pas » ; 2 « Tu ne vengeras ni ne garderas rancune » : 3 (seulement !) « Tu aimeras ».
C’est sans doute à l’aune de cette constatation (qui a le mérite du réalisme) qu’il faut envisager la position juive traditionnelle sur la réconciliation. Qu’on ne se hâte pas trop, pour autant, de lui plaquer l’étiquette de sévérité. L’inadmissible comparaison entre le soi-disant Dieu vengeur du Judaïsme et le Dieu d’amour du Christianisme n’a heureusement plus cours dans la théologie chrétienne depuis qu’elle ignore moins ses racines juives.
Le Judaïsme veut simplement affirmer qu’il n’est de possibilité de réconciliation pour l’homme vis-à-vis de son prochain ou pour un peuple vis-à-vis d’un autre, que s’ils éliminent le ferment de la haine, de la vengeance et de la rancune. Ce n’est qu’après avoir fait table rase de ces obstacles qu’ils peuvent prétendre se réconcilier. Et aussi en ne tournant pas le dos à la mémoire. Deux autres commandements de la Torah, apparemment synonymes, disent en effet : « Za Khor », « souviens-toi ! » (Du mal que t’a fait Amalek), et « Lotishkakh », « N’oublie pas ! ». Il y a là l’expression des formes active, et passive de la nécessaire mémoire sans laquelle aucune réconciliation n’est possible.
Pardonner appartient aux victimes, et à elles seules. Se réconcilier appartient à leurs descendants : réconciliation basée sur la reconnaissance de la faute chez leurs bourreaux ou leurs descendants et sur la mémoire indestructible des forfaits. C’est par cette voie étroite que passent la réconciliation, la paix, et l’amour.