Texte 7 du concours "Les petits papiers de Chloé" : Rencontre du troisième type

Publié le par christine brunet /aloys

L’enlèvement.

 

Je me retrouvais là, nu sur ma pelouse humide. La lumière blafarde du réverbère m’indiquait que c’était la nuit. J’avais froid. J’étais fatigué. Tandis que les étoiles commençaient à tourner, j’ai entendu le crissement des pneus sur les gravillons des voisins puis une voix familière :

— Ho ! Chéri ! Regarde ! C’est Claude. Il faut appeler les ...

 

— Il reprend connaissance.

— Monsieur Charpentier ! Je suis le docteur Besson. Comment vous sentez-vous ?

— Bien, je crois.

Autour de moi, les murs sont blancs. Un flacon suspendu m’indique qu’une perfusion est reliée à mon bras droit. Je suis à l’hôpital.

— Que vous est-il arrivé Monsieur Charpentier ? Vous en rappelez-vous ?

 

Que m’est-il arrivé ? Que m’est-il arrivé ?

Les souvenirs me glacent, me perturbent. Une douleur insiste. Des regards attendent des réponses.

Je commence mon récit mais je bafouille, tant je suis bouleversé. Des blouses blanches, attentives, m’écoutent. Par moment, elles se regardent en hochant la tête comme si... comme si je n’avais pas toute la mienne. Et pourtant...

Je n’aime pas cela. J’ai besoin de réfléchir et de me remémorer seul les événements.

Après leur avoir expliqué ma promenade nocturne pour cause d’insomnie, le bruit strident consécutif à un flash qui m’a laissé aveuglé quelques minutes, la sensation qu’on me saisissait et qu’on m’emportait dans les airs à une vitesse qui m’en a retourné les tripes, le retour de ma vision accompagné d’une frayeur en me retrouvant face à des créatures monstrueuses, j’ai ajouté :

— Je suis fatigué.

Puis j’ai fermé les yeux, comme si je tombais dans un profond sommeil.

 

Maintenant que le silence et la solitude habitent ma chambre, je peux passer en revue ce lieu incroyable, là-haut, quelque part. Celui que ma personne, choquée, a gravé dans ma mémoire.

Une lumière rouge et chaude éclaire une pièce ronde aux cloisons qui semblent onduler en vagues régulières. C’est très étrange et même dérangeant. Cela me donne la nausée mais moins que les créatures qui me maintiennent debout avant de commencer à me déshabiller avec brusquerie. Elles sont à la fois légèrement collantes et rêches.

— LÂCHEZ-MOI !

Tandis que je me débats, on me tâte, on me pince avant de m’attacher sur un support mou et spongieux.

 

Malgré ma vision encore perturbée de points lumineux, j’essaye de détailler de grandes, fines et poilues créatures qui m’observent d’un œil noir, central et irisé de vert. Au dessus, perchés sur des antennes mobiles, deux sortes d’yeux globuleux font des mouvements saccadés de concert avec leurs cils épais qui bougent sans cesse.

Ces globes semblent être des organes pour communiquer.

 

Je crie. Je supplie. Ces monstrueux bipèdes ne réagissent pas. Sont-ils sourds ?

Ils observent ma bouche. Une patte velue vient la toucher.

Eux, ils ont une trompe, fine et enroulée comme celle de certains insectes. Mon orifice buccal semble être une découverte. Un ongle crochu insiste et inspecte ma langue. Un goût âcre m’écœure. Je mords. Le membre supérieur, semblable à la patte d’une mouche, se retire.

Cette comparaison me glace. La panique monte. Je voudrais m’échapper mais maintenant je suis comme englué par des liens verdâtres.

Les créatures parcourent tout mon corps sans tenir compte de ma pudeur. Elles me tournent sur le côté. Elles tâtent mes fesses. Leurs globes s’agitent.

Elles s’intéressent à cette partie charnue de mon corps. Je crie mais elles ne m’entendent pas. C’est sûr. Elles sont sourdes.

— A A Ah !

On me pique !

— Aïe !

On m’injecte quelque chose qui me brûle.

C’est horrible. J’ai mal.

J’ai l’impression qu’on m’arrache mes chairs, je m’évanouis.

 

Quand je me réveille, je grelotte. On dirait que je suis fiévreux. Je suis dans la pénombre. Mes membres sont libres. Ma fesse droite me lance. Ma main y découvre un trou sanguinolent.

Ces bestioles m’ont-elles goûté ? M’ont-elles bouffé ?

La panique monte.

Certains de leurs organes : leurs yeux, leurs pattes m’ont fait penser à des mouches. Mais ont-elles des ailes ? Je ne me souviens pas en avoir vu.

Elles arrivent. Non, elles en sont dépourvues.

Si ce sont des sortes de mouches, mangent-elles de la même façon, en injectant des enzymes pour dissoudre les chairs ?

Je pense à ma fesse. Je tremble d’effroi. Les créatures m’observent. De leurs globes mobiles, elles semblent échanger sur ma personne. Que me veulent-elles enfin ?

JE VEUX rentrer chez moi.

Tandis que des sueurs froides envahissent mon dos et mon front, je tente le tout pour le tout. Je me mets à cligner des yeux tout en bougeant mes globes oculaires de haut en bas et de gauche à droite.

Ça y est ! J’ai capté leur attention. Je continue de plus belle.

Les créatures partent soudain. Ont-elles compris que je suis doté de raison ?

 

Après un temps qui me semble une éternité, elles reviennent.

De nouveau, on m’emporte. Je me retrouve sur un sol transparent au dessus des nuages.

Tout à coup ! La surface élastique se dérobe

— AU SECOURS ! JE TOMBE !

NON ! Je ne veux pas m’écraser sur notre belle terre !

C’est à ce moment là que tout est devenu noir puis je me suis réveillé dans mon jardin.

 

Je touche ma fesse pansée dont la douleur persiste. Dans le couloir j’entends :

— Il a du se faire mordre par un chien. La fièvre l’a fait délirer.

— Oui, mais que faisait-il nu dehors ?

Si je leur dis la vérité, je risque d’être interné pour folie.

Somnambule ! Mais bien sûr.

Je leur dirai qu’il m’arrive de souffrir de crise de somnambulisme.

 

Je garderai pour moi mon incroyable enlèvement.

 

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C
2 voix pour le texte 1; 3 voix pour le texte 4
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J
Je choisis finalement le 4 plutôt que le 1. Quel foisonnement de textes … Bravo à toutes et à tous ….et merci à Christine et tous les participants.
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F
J'ai attendu la fin pour lire l'ensemble des textes et pouvoir comparer à chaud. Effectivement, comme aux autres, le 1 et le 4 m'ont plu le plus. S’il faut faire un choix unique je vote pour le 1.
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C
Donc, 1 vote pour le texte 1 ; 2 voix pour le texte 4 et Jean-Louis qui hésite encore... <br /> <br /> Allez, votez !!!! Encore quelques heures !
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P
Je me suis bien amusée avec tout les textes ! <br /> Un petit + pour le texte 4
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P
J'ai voté trop tôt. Je ne savais pas qu'il y en avait encore. <br /> Je garde quand même mon vote.
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E
Quels monstrueux êtres gluants et vilains en plus. Je voterais pour le texte 4...
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C
Ce texte est le dernier... A présent, il vous faut choisir ! Merci aux auteurs qui ont participé ! Résultats le 17...
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J
Ooooh, " ils" ne sont pas intelligents ni gentils et tout sympas comme dans le film de Truffaut, triiiiiiste ….<br /> AUTRE : vingt dioux , je n'avais pas compris hier qu'il y avait encore d'autres textes …. Mon vote reste à ce stade encore sur les textes 4 et 6 qui ont ma préférence …. Tout peut encore évoluer …
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