Carine-Laure Desguin en invitée avec son "Digue de cuesme, quatre-vingt deux"... Une lecture d'Edmée de Xhavée
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Digue de cuesme, quatre-vingt deux
Si ce n’est pas un chant d’amour que ce chant de Jane Carine-Laure Desguin, je n’y connais rien.
Christian-Zéphirin - dit Boule - passe dans la vie comme un boulet. En musique de fond, un rire plein d’enfance. Un rire qui ne sera jamais adolescent, mature, vieillissant, non. Autour de lui cependant, il y en a qui rient aussi, certes (comment ne pas rire, n’est-ce pas, malgré tout) mais brièvement, entre deux hurlements de désespoir.
une toute petite vie
doit-on dire si
petite si petite
si
exsangue de tant de choses
une vie de rien
une vie pour rire
une vie de rigolade
de rires de rades
je ne sais trop
Il a grandi comme un chiot indiscipliné, sans collier, sans gros yeux ou gros doigt.
alors pour toi
pas de phrases sévères
pas de refus, pas de discipline
libre enfant tu étais
errant dans la ville
juke-box à gogo
potes de comptoir très tôt
jeux de billes et puis de billards
et que sais-je
bien pire encore
Oh, Boule ne comprend pas le pourquoi de tout ce sérieux, ce besoin de mettre tout à sa place, d’ordre et propreté, des choses bien ennuyeuses et inutiles, il le sait bien, lui.
C’était d’ailleurs si bon de faire des concours de crachats et puis les 400 coups, et puis de faire rire les filles. Faites rire une femme et elle est déjà à vous. Il les a collectionnées, comme les cuites, les chats, les emmerdes, les dettes, les fous-rires, les potes-tapeurs, les grands sourires.
c’est dégoûtant de respirer tout ça
entre les crottes de ces chats chattes
chatons et combien sont-ils
incomptables comme tes bouteilles
des enveloppes fermées ou mal ouvertes
Insupportable et tant aimé pourtant. Exaspérant et incorrigible, inoubliable aussi. Et ce qui reste, c’est cette cascade de rires, mal à propos, déconcertants, mais aussi sa seule vraie richesse à partager : une joie surréaliste, une insouciance indécente – car les soucis, eh bien… les autres en faisaient les frais et les nuits blanches.
Toute petite vie, en dents de scie, en chute libre, un toboggan de plus en plus nauséabond et chaotique au fur et à mesure que l’atterrissage approchait. Boum ! Et pourtant sa cousine, il la reconnait jusqu’au bout de ce qui lui reste de souvenirs, sa complice de jeux sauvages et de crachats.
Une fois le halètement de colère/douleur épuisé, c’est l’amour qui se déploie et se dépose, comme une fleur coupée, sur ce qui reste de Boule, le boulet sans conscience…
nous regardons tous glisser
ces quatre planches bon marché
toi dedans Boule et ta toute petite vie
si petite
une vie de rien de rires seulement
et de bières fraiches
et de potes
et de meufs
Un petit livre, petit comme cette petite vie, mais qui chante fort, et imprègne, et partage cette étrange hommage fait de mots qui s’indignent et s’attendrissent, pour enfin s’apaiser et dire « C’était Christian-Zéphirin, et je l’aimais ».
Edmée De Xhavée
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