Jeu de l'auteur mystère... Mais qui a écrit ce texte ???? Réponse demain soir...
Voici le texte qui m’a permis de remporter le second prix du concours de contes organisé par la bibliothèque de ma commune (il y a beau temps maintenant) et qui m’a donné le courage de présenter ................ à l’œil averti du comité de lecture de Chloé des Lys. Je vous le livre dans son intégralité, sans retouches… J’espère que vous serez plus indulgents que moi.
La boucle de cristal
Il y a bien longtemps, dans le petit royaume de Franchemaison, un jeune apprenti bottier prénommé Barnabé fit une étrange découverte.
Cela se passa au mois de mai. Comme chaque année, le château royal, embelli de fanions bleus et or, accueillait une ribambelle d’échoppes formant un ruban coloré aux pieds de ses murailles.
Pour leur grand festival, les artisans comptaient bien offrir aux regards des passants, d’incroyables trésors de savoir-faire.
Dès potron-minet, et sous le regard critique de maître Charles, Barnabé avait artistement disposé les plus belles pièces que le maître bottier présentait cette année-là. Cela lui avait pris beau temps pour satisfaire l’artisan, mais les quelques heures de liberté gagnées valaient largement la peine qu’il s’était donné.
Barnabé s’en alla flâner parmi les échoppes, les mains sucrées du jus encore tiède débordant de la succulente tartelette aux groseilles achetée chez Mamie Gougouille. Arrivé à la fontaine, où il se rinça les mains avec application, Barnabé leva le nez et aperçut une petite échoppe qu’il n’avait pas encore visitée. Il s’en approcha et découvrit avec plaisir un prodigieux bric-à-brac colonisant les présentoirs. Parmi tous les objets se trouvant là, il en fut un qui accrocha son regard pour ne plus le lâcher. C’était une chaussure comme Barnabé n’en avait jamais vue.
D’une ligne parfaite, taillée dans un matériau qu’il ne put identifier et ornée d’une boucle de cristal chatoyant dans la lumière.
« Je vois que cet article vous intéresse, mon garçon.
Un vieillard, aux cheveux et à la barbe incroyablement longs, sortit de l’ombre qui le dissimulait. Il raconta à Barnabé l’histoire de ce grand magicien qui, un jour, alors qu’il s’ennuyait, avait créé les brodequins à boucle de cristal et les avait dotés de pouvoirs étranges.
Malheureusement, l’un des deux avait disparu et, magique ou pas, personne ne voulait d’une seule chaussure…
Bien qu’il n’ait pas cru son histoire, le jeune apprenti tendit tout de même quelques piécettes au vieillard. Le vendeur se lissa la barbe, l’air pensif, mais n’hésita pas très longtemps à céder l’objet convoité. Barnabé était ravi et il se réjouissait déjà de montrer sa trouvaille à maître Charles. Mais à peine fit-il quelques pas que le prit une irrésistible envie d’essayer la chaussure. Elle lui allait parfaitement !
« Elle me fait le pied d’un prince » pensa-t-il alors que le brodequin lui faisait la démarche insolente. Bientôt, Barnabé s’aperçut que la foule lui ouvrait un passage avec déférence. Le grand sénéchal en personne vint l’accueillir, se confondant en excuses pour n’avoir pas été mis au courant qu’un prince étranger les honorait de sa présence.
Incrédule, le jeune apprenti baissa les yeux sur le brodequin où la boucle de cristal rayonnait de toute sa magie. Il s’inventa alors une suite en grand équipage qui envahit la cour du château en paradant. Les soldats, arborant des étendards aux broderies précieuses, les pages et serviteurs, revêtus d’uniformes richement colorés, tout comme les chevaux aux caparaçons d’or et d’argent, firent grande impression. Le sénéchal s’empressa d’inviter ce prince, si charmant, à rencontrer le roi de Franchemaison.
Barnabé vit la journée se finir en banquet et grand bal donnés par le roi, en son honneur. Le lendemain, son hôte l’invita à venir admirer son nouveau bateau. Le port, qui se trouvait à peine à deux lieues du château, accueillait divers bateaux dont un magnifiquement décoré. Sa coque, encore brillante de résine et ses mâts à la voilure peinte aux armes du royaume rappelèrent à Barnabé les histoires de pirates que lui contait son grand-père.
Aussitôt, il se retrouva à bord d’un bateau semblable à celui du roi si ce n’était le pavillon noir claquant au vent tel un fouet menaçant. Groupée sur le pont, une bande de coupe-jarrets à la mine féroce attendait ses ordres. Le capitaine Barnabé ordonna de hisser le grand cacatois ; le bateau pirate se mit en chasse. Alors que le voilier courrait vers l’aventure, les embruns balayèrent le pont et tourbillonnèrent autour du jeune garçon comme une pluie d’argent dans le halo étincelant de la boucle de cristal.
La démarche arrogante, le capitaine rejoignit sa cabine. Elle était telle qu’il s’était toujours imaginé la cabine d’un pirate ; encombrée de coffres et coffrets recelant bijoux, soieries et pièces d’or en pagaille. Sur une table d’acajou, un sabre d’abordage et un pistolet à silex servaient de presse-papiers à plusieurs cartes. Barnabé continuait à explorer son domaine quand un pirate au visage tatoué vint le prévenir qu’un vaisseau se profilait à l’horizon.
La poursuite dura longtemps et c’est sur une mer embrasée par le soleil couchant que les pirates rattrapèrent le riche bateau marchand. Armés de leurs sabres, le capitaine et ses hommes se tenaient prêts à l’abordage, mais soudain, le vent se mit à souffler furieusement, gonflant les voiles à les faire craquer. Sur le grand hunier volant du navire marchand, le dragon peint étala ses couleurs pourpre et or. Poussés par la tempête, les vaisseaux bondirent sur les flots, mais Barnabé était déjà en quête d’une nouvelle aventure.
Le dragon représenté sur la voile lui avait remémoré ce conte de son enfance où un chevalier chevauchait l’animal mythique. Et voilà qu’il se retrouvait les yeux dans les yeux, face à un énorme dragon. Lestement, il enfourcha le cou écailleux. Revêtu d’une cotte de laine et d’un surcot de cuir, une lourde rapière accrochée dans le dos, il était devenu Chevalier-Dragon !
Quelle sensation merveilleuse que celle de voler ! Pourtant, ils finirent par se poser sur une terrasse rocheuse où le dragon s’installa, les écailles brillamment enflammées par les rayons du soleil déclinant. Derrière lui, Barnabé pénétra dans l’antre de sa monture qui était aussi son nouveau logis. L’espace occupé par le dragon était encombré d’objets hétéroclites, en or pour la plupart. Au-delà, une salle de belle taille, confortablement aménagée, accueillit un Barnabé ravi.
Douillettement installé sur un amas de coussins, le jeune garçon observa son pied où luisait la boucle de cristal et se demanda ce qu’il serait advenu s’il avait possédé les deux brodequins. Quelle chance que ce vendeur n’eût point essayé la chaussure ! Il laissa ensuite son esprit dériver, pensant aux magiciens qui pouvaient créer de si extraordinaires objets.
Puis, il jugea que maître Charles, à sa façon, créait lui aussi des objets extraordinaires.
« J’aimerais être une petite souris et observer le magicien modeler cette boucle de cristal », songea Barnabé, en bon apprenti. À peine cette pensée formulée, se retrouva-t-il dans une pièce démesurément grande emplie d’objets étranges, baignant dans une atmosphère où les volutes colorées des élixirs se mêlaient au scintillement des poudres magiques. De ses petites pattes de souris, Barnabé grimpa agilement le long d’une étagère d’où il put observer un magicien occupé à façonner une chaussure tout de sortilèges et formules. Tout à côté, un cristal aux reflets maléfiques reposait sur les pages d’un grimoire, tel un simple presse-papiers. Le brodequin terminé, le vieux magicien soupira, bailla et s’affala dans un coin sur une paillasse aussi usée que son propriétaire. Barnabé reconnut alors le vieillard qui lui avait vendu la chaussure.
Au rythme des ronflements du magicien, le jeune garçon descendit de son perchoir et trottina jusqu’au lutrin soutenant le grimoire. Le papier parcheminé était couvert de signes étranges, comme une farandole de petits démons. Cependant, tout en haut de la page, quelques mots bien lisibles s’étalaient froidement : « La Boucle de Cristal ou la Voleuse de Vie » ! La suite racontait comment, grâce à un cristal nommé Crapaudine de Sorcière, un mage pouvait recouvrer sa jeunesse en volant celle d’un petit naïf.
Barnabé comprit que sa vie se réduisait à une peau de chagrin… Il devait se débarrasser de la boucle de cristal ! Il redevint un jeune garçon dès qu’il en émit le souhait, renversant le lutrin, le grimoire et le cristal posé dessus, alors qu’il retrouvait sa taille normale. Le magicien, réveillé par le fracas, posa des yeux chafouins sur l’intrus. Rapidement, Barnabé ôta la chaussure maléfique et la lança au vieillard. Le sorcier ne put que jeter un regard horrifié au cristal malfaisant, juste avant de tomber en poussière. En un étourdissement, le jeune apprenti se retrouva à Franchemaison. Courant parmi les échoppes vers celle où l’attendait maître Charles, Barnabé pensa au bonheur simple d’être soi-même !