Texte 2 sur le thème de la magie pour le 3e hors série de la revue
Le lutin du mouchoir
J'ai cinq ans, la grippe et la fièvre.
Je suis dans mon lit. Dans la chambre, trois autres lits vides : papa, maman, ma sœur.
L'appartement est silencieux. Christine est à l'école, papa est au travail et maman s'occupe à des tâches silencieuses, pour protéger mon sommeil.
Je ne dors pas. J'ai le nez bouché. Pour l'instant, la position la plus confortable, c'est couchée sur le dos.
Je m'ennuie mais je n'ai pas la force de me lever.
Je sors mon mouchoir du dessous de mon oreiller.
Je l'étale devant moi sur le rabat du drap de lit.
Il ne s'est pas mis à plat. Il fait des collines et des grottes.
Je m'étonne et fixe une des entrées.
Du fond du mouchoir, au tournant d'une galerie apparaît soudain un tout petit lutin. Sa tête ne touche même pas le plafond de la grotte. Il sourit gentiment. Il a un chapeau pointu rouge, un peu tordu. Je crois qu'il est torse nu. Il porte un petit collant. Je n'ai pas eu le temps de voir la couleur, ni si les pieds sont couverts. Il est reparti vers une autre galerie.
Émerveillée et curieuse, je guette. Il y a trois ou quatre autres entrées de grottes.
Il n'avait pas l'air méchant. Faut-il un peu secouer le mouchoir ? Et si les grottes disparaissaient ?
Et si, dérangé, il devenait méchant ?
À force de surveiller les grottes, j'ai les yeux qui piquent.
Sans crier gare, le voici ! Son collant est bleu et les pieds sont couverts.
Il me fait signe de le rejoindre, son tout petit index s'agitant, levé au bout de son poing.
Oui mais comment faire ? Je n'ai rien dit. J'ai juste pensé. Pourtant, il hausse les épaules comme pour dire « Où est le problème ? ».
D'un seul coup je me retrouve debout à l'entrée du mouchoir. J'ai encore le temps de réaliser que c'est un mouchoir blanc garnis de petits papillons.
Et je suis dans la grotte. Plus de petits papillons.
Du gris et du bosselé. Il fait un peu sombre mais je vois très bien le lutin qui sautille devant moi.
Je le suis, un peu craintive et très curieuse.
Les galeries sont trop étroites pour que nous marchions l'un à côté de l'autre.
Je me surprends à penser que l'on devrait bientôt se retrouver de l'autre côté du...du quoi ? Je ne sais plus.
Il commence à faire plus clair.
Nous débouchons sur une prairie couverte d'herbe bien grasse et bien verte. Le lutin s'est retourné. Il danse et cabriole devant moi en souriant. Il ne dit jamais rien. Moi non plus d'ailleurs.
Je me sens prise de langueur. J'ai entendu maman dire ça l'autre jour quand elle était fatiguée.
Un ruisseau très étroit serpente dans a prairie. Je pourrais le traverser d'un pas.Un pas de la taille de la petite fille que j'étais avant d'entrer ici.
Le lutin cueille une grande feuille recourbée et en fait une cuillère pour puiser de l'eau dans le ruisseau.
Les sourcils levés, les yeux interrogateurs et encourageants, le sourire aux lèvres, il me propose de boire.
Ça doit être froid. C'est peut-être mauvais. J'ai soif.
Oh, je n'hésite pas longtemps ! Je suis prise de langueur, je ne sais plus réfléchir.
C'est froid, c'est bon, ça coule dans la gorge.
Je me couche dans l'herbe. Je ne sais plus où est le lutin.
Une main caresse mon front, écarte mes cheveux.
-Tu vas mieux, bout de chou , tu n'as plus de fièvre.
-Maman ? C'est le lutin du mouchoir. Il m'a fait boire l'eau du ruisseau.
-Hum...Tu vas encore un peu rester au lit. On mettra le thermomètre tout à l'heure.
Je souris, je prends le mouchoir, je le garde en main.
Je m'endors.