Et voici le dernier épisode de la nouvelle proposée par Ani Sedent : L’étrange aventure de Zoé Calendula
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L’étrange aventure de Zoé Calendula – Épisode six
Les jours et les semaines qui suivirent, Zoé réalisa nombre d’analyses, celles commandées par les différents départements scientifiques, évidemment, mais aussi toutes celles que lui permit le matériel de pointe embarqué. Elle effectua plusieurs sorties dans l’espace, toutes plus inutiles les unes que les autres, se repassa encore et encore les vidéos du rover, étudia chaque pixel de chaque photo et chaque vidéo, mais ne découvrit rien ! Rien de plus que ce qu’elle avait vu.
Après chaque journée d’un travail acharné, elle s’écroulait sur sa couchette, épuisée, l’esprit en ébullition. Si les analyses révélaient quelques détails qui avaient jusque là échappés aux scientifiques et si de nouvelles données sur la composition des gaz entourant la planète s’ajoutaient régulièrement aux nombreuses déjà récoltées, aucune ne donnait d’indices sur la véritable nature de Vénus.
La véritable nature de Vénus… Le monde qu’elle avait aperçu avait éveillé en elle une certaine nostalgie. Ce sentiment, assez paradoxal pour une personne ayant fait des études scientifiques avant de se diriger vers l’aviation, puis l’espace, venait d’un lieu que Zoé pensait avoir laissé derrière elle en même temps que l’enfance. Un lieu fait de rêves et de magie, sans guerre, sans famine, sans tensions géopolitiques.
Au cours de leurs recherches, Sakura émit plusieurs hypothèses à propos du phénomène, mais sa nature, même évolutive, l’empêchait de comprendre ce que ressentait Zoé. Pourtant, la jeune femme sentit s’opérer chez l’IA des changements importants. Sa logique mise à rude épreuve, Sakura posa énormément de questions auxquelles Zoé tenta de répondre au mieux. Leurs conversations lui ouvrirent de nouvelles perspectives et, un jour, elle déclara se réjouir ‒ ce fut le mot employé ‒ de partager cela avec le docteur Higashino.
Les semaines passèrent, puis les mois et Zoé dû se faire une raison, Vénus ne livrerait plus aucun secret. Enfin, l’année de mission presque écoulée, elle prépara le retour vers la Terre.
‒ Sakura ?
‒ Oui, lieutenant Calendula.
‒ Peux-tu mettre un chiffrement inviolable sur mon journal personnel ?
‒ Bien sûr, lieutenant. Avez-vous une préférence pour l’enregistrement ?
‒ Oui, sur puce dermique s’il te plaît, dit Zoé en posant l’objet dans le réceptacle adéquat.
‒ Enregistrement du chiffre terminé.
‒ Merci Sakura.
La jeune femme récupéra la puce, l’inséra dans une seringue transdermique et se l’injecta à l’intérieur du poignet.
« Ouvre mon journal, transfères-y toutes les données relatives à la mutation de l’atmosphère de Vénus, ainsi que les photos et vidéos du rover et indique sa perte dans le journal de bord. Ajoute que je soupçonne une panne due à…
Zoé hésita.
‒ Un accident causé par l’acide sulfurique ? suggéra l’IA.
‒ C’est parfait Sakura, merci. N’oublie pas les enregistrements internes… si possible, crée un brouillage irréversible. Transfère aussi les données sensibles de la sonde atmosphérique et signale une interférence passagère pour le morceau manquant.
‒ Demande effectuée, lieutenant.
‒ Sakura ?
‒ Oui, lieutenant ?
‒ tu peux conserver ces données en mémoire, mais veille à ce que personne ne puisse y avoir accès. Si ce que nous avons entraperçu de Vénus est un tant soit peu réel, je ne veux pas que qui que ce soit ait la possibilité de venir l’abimer.
‒ Bien lieutenant… Données cryptées. Lieutenant Calendula ?
‒ Oui, Sakura.
‒ Cela veut-il dire que je ne pourrai pas partager cette expérience avec le docteur Higashino ?
Zoé soupira.
‒ Je suis désolée, Sakura…
‒ M’autorisez-vous à lui parler de nos discussions ?
‒ Bien sûr, tant que tu ne révèles pas ce que nous avons vu je te laisse juge de la confiance à accorder au docteur Higashino.
‒ Confiance ?
‒ Est-ce que tu as envie de papoter avec le professeur Rossolis ? demanda Zoé.
‒ Papoter, lieutenant calendula ?
Sakura chercha la définition du mot et répondit aussitôt :
‒ Je ne veux pas papoter avec le professeur Rossolis, lieutenant !
‒ Alors, demande-toi pourquoi tu penses pouvoir le faire avec le docteur Higashino.
Le silence retomba, puis…
‒ Merci, lieutenant Calendula.
‒ De rien, Sakura. Bon ! Je suppose qu’il va me falloir réintégrer le caisson pour le voyage de retour ?
‒ C’est une recommandation du professeur Rossolis, lieutenant Calendula.
‒ Bien sûr !
Pendant que Sakura préparait l’Argos à quitter l’orbite de Vénus, Zoé s’assura que rien parmi les données, analyses et échantillons attendus ne poserait question. De plus, vu le nombre d’analyses supplémentaires qu’elle avait effectué, ainsi que la masse de données ajoutées, il était peu probable que qui que ce soit s’inquiète de quelques interférences, ou de la perte du rover.
‒ Vaisseau prêt au départ, lieutenant Calendula.
Zoé posa un dernier regard sur la merveilleuse perle de nacre autour de laquelle tournait l’Argos, ferma les panneaux qui protégeraient la fenêtre pendant le voyage et rejoignit le compartiment où l’attendait le caisson de stase. Sakura se chargea de le rendre opérationnel et, à contre-cœur, Zoé s’y coucha.
‒ C’est bon, Sakura, je suis prête.
Le caisson se ferma. Sur la vitre, des lumières clignotèrent.
‒ Lieutenant Calendula, une photo vient d’être téléchargée dans notre banque de donnée, désirez-vous la voir avant qu’intervienne la mise en stase ?
‒ Une photo ? bien sûr que je veux la voir !
Sur la vitre s’afficha une image scintillante du rover tirant un petit chariot où se tenaient des enfants riant aux éclats. Curieusement, le robot semblait s’amuser, lui aussi.
‒ Image transférée dans votre journal personnel, lieutenant.
‒ Merci, Sakura.
‒ Bonne nuit… Zoé.
Fin
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