Céléna Flore et son ouvrage "Le poids des larmes" : une interview entre l'héroïne et sa créatrice

Publié le par christine brunet /aloys

 

Esther versus Céléna

Des pas résonnent. Esther entre en scène avec entrain. Céléna est assise sur un canapé en velours, un foulard sur les épaules. La lumière est douce.

 Esther : Bon, Céléna, on va inverser les rôles. Cette fois, c’est moi qui pose les questions. Tu pensais vraiment que je resterais sagement enfermée dans ton roman ?

Céléna Flore : Je m’y attendais un peu, c’est le jeu. Ecrire c’est risquer d’être poursuivie par ses personnages.

Esther : D’accord, mais pourquoi m’avoir choisie pour porter cette histoire ?

 Céléna Flore : Tu ne portes rien. Tu es comme moi, une funambule sur un fil. C’est ta mère qui porte. N’inversons pas les rôles.

Esther : Difficile d’exister à ses côtés, Virginia prend toute la place.

Céléna Flore : Je te l’accorde. Je vous ai plongées dans une relation mère-fille, tendue par l’ambivalence, entre dépendance affective et violence. Et à ton corps défendant, je t’ai contrainte à passer du temps avec ton père. Tu as de bonnes raisons de m’en vouloir.

 Esther : Parlons de lui. Pierre. Trop lointain, trop absent. Pourquoi m’obliger à le confronter ?

 Céléna Flore : Parce qu’il fallait que tu saches si l’absence pouvait encore faire du bruit. Certaines réponses ne viennent que dans le face-à-face.

 Esther : Tu aurais pu me laisser tranquille. Je vivais très bien avec mes contradictions et mes fuites en avant. Pourquoi des voix off et pourquoi m’imposer de dire « tu » ?

 Céléna Flore : Tu avais besoin d’un nouveau souffle. Le théâtre a des ressources que le roman ignore. Je ne te cache pas que je me suis follement amusée à lui voler des Chœurs. Quant au tutoiement, c’était une évidence, et ce jusqu’aux dernières pages : tu devais avancer à la seconde personne jusqu’à ce que tu comprennes ton histoire.

Esther : Ils parlaient trop ces Chœurs. Je préfère le silence.

Céléna Flore : Moi aussi.

Esther s’assoit à côté de Céléna.

Esther : À propos de toi, justement… Que reste-t-il de de la romancière en moi ?

 Céléna Flore : Peut-être ton regard sur le monde, cette façon de capter l’instant et de le questionner sans relâche. Ce besoin de chercher la lumière, même dans l’ombre.

Désolée de te décevoir, mais je suis un peu dans chacun de mes personnages, c’est peut-être ma façon de n’être nulle part. A partir de là, je peux me concentrer sur ce qui me terrorise en en faisant le tour. C’est un moyen comme un autre de juguler mes peurs.

Ce qui m’importe, c’est de laisser de l’espace au lecteur : à lui de tisser ses propres liens, à lui de se laisser toucher ou non.

Tu t’appelles Esther, le prénom que j’aurais porté si mes parents s’étaient entendus.

 Esther : Dernière question. Si je devais te quitter et m’échapper de tes pages, où voudrais-tu que j’aille ?

 Céléna Flore : Où tu veux, du moment que tu continues à saisir la lumière. Peut-être dans un autre livre, peut-être dans la mémoire de quelqu’un qui te lira et te gardera vivante.

 Esther :  Marché conclu.

Esther pose sa main sur celle de Céléna, celle qui caresse, celle qui écrit.

Publié dans interview

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P
C'est original ! Il fallait y penser !
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M
Une rencontre unique en son genre. Bravo !
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E
Quelle belle présentation originale ! Très habile et efficace...
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A
Une rencontre vraiment originale et une mise en scène qui éveille l'intérêt !
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