Ann Merkelbag : "écrire, c'est raconter une histoire, pas son histoire."
si tu veux dire spontané comme vrai ou sincère, alors il n'est pas spontané ; l'histoire ne doit pas me ressembler ; si vous voulez dire libre, sans cadenas, alors il est spontané ; travailler un texte, c'est lui donner le plus possible de la puissance, de la force.
Revenons à tes personnages : te hantent-ils pendant l'écriture ? le point final posé, passes-tu facilement à autre chose ?
les personnages ne me hantent pas pendant l'écriture mais je les habite, tous pour qu'ils soient crédibles.
charles
elle est belle. je l’attends. elle va venir. il est onze heures trente. elle ne rate jamais un rendez-vous. elle est en retard. elle est toujours en retard. je m’en fous, j’ai le temps. je me suis levé tôt ce matin pour savourer chaque minute qui précède son entrée. j’ai mis le pullover qu’elle m’a offert la fois dernière. je suis fou d’elle. elle est mon soleil. son énergie me transperce et me nourrit pendant plusieurs jours. chaque fois qu’elle annonce son passage, je débouche une bouteille de pessac léognan ; un rite immuable et un plaisir qui me grise, un peu plus encore.
il est midi. aujourd’hui, j’ai choisi un petit restaurant italien près de la gare. un endroit animé, où on parle fort. elle va adorer. j’entends ses talons marteler le pavé vivement. elle est en retard. elle le sait. elle aussi s’en fout.
zoé
il va m’attendre. comme toujours. même si j’arrivais à l’heure convenue, je le trouverais là, assis dans son vieux canapé, prêt depuis une heure au moins. une habitude militaire : ponctuel, impeccable, disponible. j’ai laissé la radio allumée ; le linge traîne mouillé dans la machine ; la vaisselle déborde dans l’évier. quand je le vois, j’abandonne tout. je veux savourer ces quelques heures de complicité. je me dépêche. mes talons claquent sur le pavé. je veux être belle, pimpante pour lui.
Christine Brunet
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