Ann Merkelbag : "écrire, c'est raconter une histoire, pas son histoire."

Publié le par christine brunet /aloys

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Une couverture qui ne passe pas inaperçue... pas plus que le titre ! "Dis-lui que tu l'aimes", un nouveau roman aux éditions Chloé des lys, à paraître... Ann a accepté de m'en dire un peu plus... un interview qui va à l'essentiel...  

 Tu te présentes, s'il te plaît ? 

J'ai vécu dix ans à bruxelles, dix ans en allemagne, vingt ans à liège et maintenant à bordeaux ; 
une formation de prof qui m'a emmenée dans le public et le privé, de la rtbf comme assistante culturelle d'abord, puis comme éditrice d'un journal télévisé pour enfants  jusqu'aux girondins de bordeaux comme professeur de français pour des joueurs de football professionnels et pour préparer le baccalauréat avec des jeunes footballeurs du centre de formation du club.  je suis maintenant dans une école supérieure. vous le voyez, des univers et des lieux très variés. 

Pourquoi écris-tu ? Un déclencheur ? j'ai une famille joyeuse et tapageuse mais sans maison de famille ni lieu de retrouvailles : ni chez mes grands-parents, ni chez mes parents. il y a toujours l'un ou l'autre qui se trouvait loin. la lettre était pour nous une évidence. elle a été assurément un déclencheur dans le besoin d'écrire. aujourd'hui, c'est moi qui suis loin d'eux. et je leur écris plus que je ne leur téléphone.

Tu écris quoi ?... Je veux dire, quel genre de littérature ? j'ai écrit des chroniques , des billets culturels, je collabore à un livre de recettes j'ai écrit un court roman et un conte ; je suis plongée dans le second roman que j'écris avec ma plus jeune soeur. j'ai toujours un stylo et un carnet dans mon sac. j'ai même écrit sur un mur de la maison !
    les phrases sont plutôt courtes, incisives. je n'aime pas les majuscules que j'oublie parfois d' utiliser dans les documents plus protocolaires.

Ecrire... C'est quoi pour toi ? écrire, c'est pour moi poser des émotions, des fêlures. je me nourris de fragments de viec'est surtout une liberté absolue que je sais précieuse. 

As-tu d'autres passions ? je peins, je lis beaucoup, j'aime le théâtre ; j'aime surtout partager mes passions : mes jeunes élèves footballeurs pourraient témoigner : je les ai emmenés au grand palais à paris, au théâtre national de bordeaux ; ils ont pu converser avec daniel pennac, participé à un atelier d'écriture et être publié dans le journal "Le Monde" ... j'ai des idées à la pelle pour partager mes passions.

Pour toi, l'écriture va-t-elle de soi ? facile d'écrire parce que c'est un besoin ;  mais pas facile d'être lue parce que je doute toujours de la qualité du texte.  

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Allez... Tu nous parles de ton livre à paraître chez CDL... et d'abord, quel en est le sujet ? être éditée est un vrai bonheur ; j'aime les livres, le papier, les mots ; ouvrir le mien, c'est une sensation nouvelle, exaltante. 
Et c'est grâce à cette petite maison d'édition . Cela me paraît encore incroyable.

C'est l'histoire d'un duo entre une petite-fille et son grand-père ; zoé  raconte des bribes de sa vie et essaie d'offrir à ce vieil homme qu'elle aime tant des moments légers, des histoires rocambolesques.
elle est dans une vie trépidante alors que lui est dans une vie lente.

Depuis le début de cet interview, un détail me gêne... Pourquoi zapper les majuscules dans tes textes ?
je ne sais trop. elle rend un texte officiel. trop peut-être.

Tes héros... Comment naissent-ils?
ils naissent lentement ; les personnages du deuxième roman, cela faisait cinqann-lanzarote.jpeg ans que j'y pensais. et puis, à un moment, tout se met en place et l'écriture devient fluide, tout d'un coup.

Sont-ils issus de personnes de la vie réelle ? Issus, oui. Il y a sans doute une Zoé quelque part. Mais c'est un roman, les personnages sont fictifs. 

Mets-tu un peu/beaucoup de toi dans ses écrits, ou pas du tout ? écrire, c'est raconter une histoire, pas son histoire. 

Donc,  tes histoires qui ne s'inspirent pas de faits réels... Est-ce de l'imagination totale ? certes, c'est une partie de soi mais cela doit déborder. Beaucoup déborder.  C'est donc de l'imagination mêlée à la réalité : la mienne, mais aussi celle des autres. 

Tes récits gardent-ils, néanmoins, un peu de toi ? je m'y retrouve dans le style : bref, vif. je m'y retrouve en partie seulement dans le récit .  

Es-tu une auteur qui peaufine ses textes ou préfères-tu la spontanéité du premier jet ? j'écris un premier jet ; puis je triture, je malaxe. j'y reviens encore et encore. même aujourd'hui, quand le texte est imprimé, si je le pouvais, je troquerais encore un mot pour un autre, je raccourcirais une phrase.


Mais ce travail de relecture ne nuit-il pas, justement, à la spontanéité de tes récit ? 

si tu veux dire spontané comme vrai ou sincère, alors il n'est pas spontané ; l'histoire ne doit pas me ressembler ; si vous voulez dire libre, sans cadenas, alors il est spontané ; travailler un texte, c'est lui donner le plus possible de la puissance, de la force.

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Revenons à tes personnages : te hantent-ils pendant l'écriture ? le point final posé, passes-tu facilement à autre chose ? 

 les personnages ne me hantent pas pendant l'écriture mais je les habite, tous pour qu'ils soient crédibles. 

le texte me procure un plaisir pendant l'écriture, jusqu'au point final. après, je lui souhaite une existence en-dehors de moi.

Même si, finalement, tu écris depuis toujours, comment voit-on ton travail d'écriture/auteur autour de toi ?
Mon travail d'écriture amuse certains, émeut d'autres. J'en parle peu en fait. La sortie de ce premier livre va surprendre certains.

Pourquoi avoir choisi, pour t'exprimer, plutôt la prose que la poésie ? 
La poésie demande une musicalité et un pouvoir d'évocation que je n'ai pas. j'aime la poésie mais je ne suis pas à l'aise avec ce genre littéraire en tant qu'auteur.



Un extrait en guise de conclusion ?

charles

 

elle est belle. je l’attends. elle va venir. il est onze heures trente. elle ne rate jamais un rendez-vous. elle est en retard. elle est toujours en retard. je m’en fous, j’ai le temps. je me suis levé tôt ce matin pour savourer chaque minute qui précède son entrée. j’ai mis le pullover qu’elle m’a offert la fois dernière. je suis fou d’elle. elle est mon soleil. son énergie me transperce et me nourrit pendant plusieurs jours. chaque fois qu’elle annonce son passage, je débouche une bouteille de pessac léognan ; un rite immuable et un plaisir qui me grise, un peu plus encore.

il est midi. aujourd’hui, j’ai choisi un petit restaurant italien près de la gare. un endroit animé, où on parle fort. elle va adorer. j’entends ses talons marteler le pavé vivement. elle est en retard. elle le sait. elle aussi s’en fout.

 

zoé

 

il va m’attendre. comme toujours. même si j’arrivais à l’heure convenue, je le trouverais là, assis dans son vieux canapé, prêt depuis une heure au moins. une habitude militaire : ponctuel, impeccable, disponible. j’ai laissé la radio allumée ; le linge traîne mouillé dans la machine ; la vaisselle déborde dans l’évier. quand je le vois, j’abandonne tout. je veux savourer ces quelques heures de complicité. je me dépêche. mes talons claquent sur le pavé. je veux être belle, pimpante pour lui.

 

Christine Brunet

www.christine-brunet.com

Publié dans interview

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Commenter cet article
M
I think the life of a teacher is not that great when they need to work in many countries. It is mainly because the criteria’s for being a good teacher will be different in some countries. Thanks for sharing your experience.
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D
<br /> Un sujet, un style qui me parlent.  J'ai hâte de découvrir ce livre.  Merci.<br />
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P
<br /> Zoé et son grand-père, des personnages attachants qu'on a envie de découvrir ...<br />
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E
<br /> L'interview révèle des particularités de l'auteur qui donnent envie de lire le livre.<br /> <br /> <br /> L'extrait semble trop court : on veut connaître la suite de l'histoire<br />
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C
<br /> Pas de musicalité dans ses mots dit l'auteur? Et pourtant, je relis cet extrait et je perçois entre les lignes des mots qui dansent encore. Les talons qui claquent sur les pavés. L'écho? <br />
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