Carine-Laure Desguin : l'écriture, c'est chez moi comme des vents qui déboulent... Un interview de Christine Brunet

Publié le par christine brunet

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Chaque artiste met un peu de lui-même dans son oeuvre: un lieu commun, me direz-vous...

Mais l'écrivain n'est-il pas un créateur à part dans le paysage créatif?

A priori, je dirais que la littérature est plus abordable pour le commun des mortels (là, je ne parle pas de Spinoza ou de Nietzsche...) que la peinture ou la sculpture qui, au-delà du jugement instinctif (j'aime ou pas), demande plus de référentiels. L'écrivain prend le lecteur par la main et l'entraîne dans un univers qui lui ressemble finalement beaucoup... En cela, l'écriture et la musique se rejoignent.

Je vois d'ici mes amis peintres, musiciens ou sculpteurs se dresser, le regard outré. Chacun aura son droit de réponse!

Alors... Vrai ou faux?

Afin de répondre à cette question, j'ai fait appel à Carine-Laure Desguin... Auteur de Rue Baraka, paru chez Chloé des Lys...

Un drôle de personnage... Toujours de bonne humeur... Une optimiste... 

Une bonne humeur qui explose dans son blog... et, au-delà, au fil de son texte... Tellement éloigné des textes que j'écris que j'ai voulu savoir où elle puise son inspiration et, surtout, quel est son processus de création.

Lorsque j'ai demandé à Carine-Laure de m'expliquer un peu sa vision de l'écriture, je pensais qu'elle jouerait la carte de l'instinctif... Les jours passent et elle peaufine sa réflexion, aiguise ses mots... Elle veut faire mouche, être précise... Pas simple d'expliquer ce qui se passe dans sa tête lorsqu'on éprouve le besoin  irraisonné de créer... Voilà ce que je pensais avant d'avoir reçu son texte... et son commentaire...

 

"Hé hé", m'écrit-elle avec sa bonne humeur habituelle, " y'a rien que je ne veuille ... Sauf peut-être ajouter que tu n'as pas attendu la fin de l'article because "perfectionnisme " mais parce que j'attendais le souffle d'Eole ...LA vérité quoi !"

 

Et bien , la vérité de Carine-Laure, la voici, la voilà !!!!

 

Alors, à la question: "c'est quoi, l'écriture"? Carine-Laure Desguin répond...

image2" L'écriture, c'est chez moi comme des vents qui déboulent et qui soufflent tellement fort que rien ne leur résiste!".

Quelle  première phrase magnifique qui résume à elle seule tout ce que je ressens...

Je me plonge alors avec un mélange de curiosité et d'impatience dans son explication... D'ailleurs plus un texte, une instrospection qui colle parfaitement à son auteur...

Je vous le livre tel quel...



"J'aime dire que je ne choisis pas l'histoire, c'est elle qui me choisit !

Me choisit-elle parmi une floppée d'auteurs, de scribouilleurs des temps modernes, je l'ignore. A présent, j'ai vécu le recul suffisant pour dire que chaque texte a son histoire et qu'à chaque fois, je me surprends ! Pour moi qui aime les choses inattendues, les cadeaux de la vie qui sonnent à votre porte ou qui déferlent par la cheminée sans attendre le 24 décembre à minuit,  se surprendre soi-même, c'est un comble ... En quelque sorte, l'histoire de l'arroseur arrosé !

 
Mon regard balaie tout ce qui m'entoure et comme je circule sans cesse, ça crée des mouvements, des repérages, de la matière première, me direz-vous ! Oui, vous avez raison...

desguin


L'autre jour, une amie se fracture le sacphoïde, un petit os du pied situé tout près de l'astragale; je lui dis, par boutade et pour la distraire de son manque d'autonomie momentané tu sais, on connaissait l'astragale d'Albertine Sarrazin et bien maintenant, il y aura le scaphoïde de XXX !

Quelques jours plus tard, je m'éveille en pensant à cette Albertine Sarrazin, ce petit oiseau d'Alger aux envols malmenés... Vers quatorze ans, j'avais lu  "L'astragale "... ça faisait longtemps, très longtemps..Mais je me souvenais que l'histoire m'avait plu; lire le récit d'une cavale d'adolescentes dans un Paris aux rues incertaines, quoi de mieux...

Donc, ce matin-là, je file à la bibliothèque et je demande tout tout tout au sujet d'Albertine Sarrazin; je reçois biographies, romans... Et Carine-LAure passa son jour de repos - car hé oui mes enfants le hasard voulut que ce jour-là, je fus en repos - à potasser une biographie de cette rebelle à la naissance infortunée, à l'enfance faussement ouatée...
Les jours qui ont suivi ? me demandez-vous ? Et bien, j'ai composé un long texte ...Je voyais dans ma tête comme un film, celui de la vie d'Albertine ...Ces images s'imposaient à moi et me demandaient de noter tout ce que je voyais...Une espèce de fièvre m'envahissait et je percevais que contrarier mes idées ne servirait à rien.

Alors laisser aller le crayon était la seule solution. Il m'emmena dans les rues d' Alger, j'ai marché à côté de la maman d'Albertine, juste avant qu'elle ne dépose le bébé dans cette maison de l'assistance publique... et je l'ai vue repartir, vide et alourdie d'un fardeau plombé... Et puis de cette rebelle, j'ai entendu les mots... Je ressentais un très vif contentement, celui de faire revivre en quelques mots une femme d'exception qui aujourd'hui, si elle avait survécu aux indélicatesses humaines, serait citée parmi les plus grands auteurs de langue française..
 
Et, pour Christine, je vais lâcher une confidence... Mon second roman "les enfants du grand jardin " est, en fait, le troisième...Comment cela se peut-il, me demanderez-vous, curieux lecteurs que vous êtes ?

Durant l'écriture de mon second roman "MAdemoiselle Lucas ", je m'aperçus que mon style d'écriture changeait... Ne m'en demandez pas plus...Je terminais l'écriture du roman et un dimanche après-midi, il me prend l'envie de me rendre à une fête villageoise, une de ces fêtes rurales qui s'étend dans des vertes vallées, où les gens rigolent, grillent des saucisses et boivent de la bière; seule, je m'aventure donc dans ces contrées et j'arrive dans cette fête; des artisans présentaient leurs créations, des tableaux, des ouvrages au tricot, des produits fermiers locaux... Je respire là deux ou trois heures parmi ces gens généreux dans une campagne ensoleillée et chaude.

Le lendemain soir, une histoire commençait à cogner dans ma tête. Cogner, je dis bien. Cogner. 

Les enfants du grand jardin
 se bousculaient et je sentais que du texte nouveau vivrait bientôt. En effet. Les jours qui suivirent, un stylo et un cahier m'accompagnaient dans la voiture et je devais m'arrêter pour noter l'histoire qui se proposait...Elle s'écrivait toute seule, dans le style que j'avais pressenti quelques jours auparavant ! 


 " Rue Baraka", mon premier roman, c'est une autre histoire... En refermant le roman de Michel Cyprien ( édité chez Julliard ) vieillir sans toi, l'envie d'écrire se rappela à moi et, presque sans réfléchir, des personnages se présentèrent , un à un ! Un casting !... Et je le répète, je ne choisis pas grand'chose...

Tarek, le vieux peintre et Clara prirent rapidement leur place et commencèrent leur pertinent dialogue; le décor fut planté chez un peintre car durant cette période, je me souviens que je me plongeais chaque soir au milieu de nos amis les peintres de Montmartre :  Toulouse-Lautrec , Van Gogh , Utrillo,  Picasso, Valandon ... Tarek , lui,ressemble à s'y méprendre à un jeune turc que j'avais rencontré lors d'une escapade à Antalia, il a ses beaux yeux verts et ses cheveux bouclés...Le peintre et sa compagne Clara sont nés comme ça, juste pour m'accorder un menu plaisir ! Depuis longtemps mûrissait chez moi l'envie d'écrire un roman dans lequel une personne jeune et une plus âgée se renverraient les balles. Nous avons tellement à apprendre de nos aînés et nous leur laissons trop peu souvent la parole ! Et comme le peintre et sa compagne sont des créateurs d'ambiance, ils ont invité.... ça je ne vous dirai pas ! L'intrigue me direz-vous ? Un message peut-être ? Oh, " Rue Baraka" , ce n'est ni un thriller ni un roman fantasy...Non, la vie nous offre parfois des rencontres, des hasards heureux , des coïncidences... Ce roman nous laisse croire que l'impossible peut devenir possible, même pour un jeune garçon aux rêves escamotés. Et ça, ce vieux peintre, rencontré par hasard,  il a le chic pour les lancer, les rêves ...et le secret des secrets pour leur donner l'image de la réalité... 

 Bientôt, "Rue Baraka" sera disponible en librairie. Quelques amis ont lu mes premiers exemplaires, ceux que la maison d'édition " Chloé des lys" met à disposition des auteurs, en avant-première, si j'ose dire ! Leurs avis m'étonnent et me touchent...
- Allô, Carine-Laure
- Oui..
- Ah, c'est A.M., tu as cinq minutes ?
 - Heu oui, dix si tu veux !
- Je viens de terminer la lecture de "Rue Baraka" !
- Déjà ! Nous sommes jeudi, tu l'as eu mardi !
- Oui , tu sais que je lis vite ...
- Ah c'est certain !
- Et bien ton livre - tu vois je frissonne, rien qu'à en parler- est arrivé dans ma vie au moment où j'en avais le plus besoin !
 - ....
- Et je peux te dire que demain matin, en me regardant dans la glace, je ne serai plus la même ..
- Ah..
- Non, je me trouverai jolie ...  

Croyez-moi, quand vous écrivez et que votre première lectrice prend la peine de vous contacter d'une ligne fixe vers un gsm ( ! ) et vous raconte entre deux pleurs les impressions ressenties, ça touche !   A ce moment-là, les horizons n'existent plus et l'impossible devient possible. Rendre heureuse une seule personne me laisse penser que le vieux peintre n'a pas perdu son temps, que son secret vivra toujours et, qu'à l'instar de Tarek, il suffit de déposer sur l'écran de ses pensées les quelques mots du livre bleu ...
"

Le mot de la fin, déjà... Tout est dit, n'est-ce pas? Plutôt, avec Carine-Laure, tout est ressenti... Tout est dans le perceptif et la relation avec l'Autre...

Carine-Laure prend le lecteur par la main, l'entraîne et lui fait partager un univers , reflet de ses acquis, de sa personnalité, de son âme.

Pour en savoir plus sur l'auteur, cliquez surlink

Un autre avis sur "Rue Baraka"? link

Et laissez-vous surprendre...
Christine Brunet

Cet interview est paru sur le blog "recreaction" le 19/03/2010...

http://recreaction.over-blog.org
http://aloys.over-blog.com

Publié dans interview

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M
<br /> <br /> Belle formule !<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Faulkner disait q'un roman est la vie secrète d'un écrivain, l'obscure frère jumeau d'un homme-<br /> <br /> <br /> Marcelle<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Ça pétille, ça pétule, c'est tout Carine-Laure. Ne la connaissant pas de visu, c'est tout à fait ainsi que je l'imagine.<br /> <br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Et Carine-Laure ne quitte pas sa casquette!<br /> <br /> <br /> Le bonheur d'écrire, le bonheur de toucher les gens, de changer un peu leur vie. Oui, les mots mènent au bonheur, n'est-ce pas Carine-Laure?<br /> <br /> <br /> Bonne soirée.<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Oui, on retrouve bien dans cette interview la bonté, la grandeur d'âme, la gentillesse de Carine-Laure. "Rue Baraka" est à mon avis un livre à mettre avec profit dans les mains des ados.  <br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Ah, découvrir Carine-Laure, c'est l'aimer... on ne peut pas ne pas s'attacher à cette étoile de joie et de pétulence qui éclaire le ciel parfois tristounet. Un enthousiasme sincère, un sourire<br /> craquant, et une plume qui enchante ...<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> On retouve bien dans l'interview de Carine-Laure la générosité, la sensibilité et l'amour des autres qui se dégagent de ses poèmes.<br /> <br /> <br /> Quant à l'urgence qui la saisit quand une idée est apparue - s'arrêter pour noter une phrase, un mot - ainsi que cette impression que l'histoire s'écrit toute seule, que les personnages prennent<br /> vie tout de suite et génèrent leur propre parcours, je connais très bien. Je partege ce mode de fonctionnement, un peu tyrannique, assez épuisant, mais signe d'un engagement passionnel dans<br /> l'écriture.<br /> <br /> <br /> A bientôt pour moi le plaisir de lire "Rue Baraka"...<br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> On retouve bien dans l'interview de Carine-Laure la générosité, la sensibilité et l'amour des autres qui se dégagent de ses poèmes.<br /> <br /> <br /> Quant à l'urgence qui la saisit quand une idée est apparue - s'arrêter pour noter une phrase, un mot - ainsi que cette impression que l'histoire s'écrit toute seule, que les personnages prennent<br /> vie tout de suite et génèrent leur propre parcours, je connais très bien. Je partage ce mode de fonctionnement, un peu tyrannique, assez épuisant, mais signe d'un engagement passionnel dans<br /> l'écriture.<br /> <br /> <br /> Au plaisir bientôt pour moi de lire "Rue Baraka". <br /> <br /> <br /> Amitiés <br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Enthousiasme, passion et... talent sont les mots qui définissent bien Carine-Laure Desguin. Impatient de voir son interview sur ACTU-TV.<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> @ Lunessences : oui oui je suis vivante ! et aujourd'hui, ça va encore boumer, je le sens ! <br /> <br /> <br /> @ Josy : je n'sais pas nager dans l'insincérité! Alors, je coule ! Gloups gloups ! Et l'enthousiasme, ça me fait avancer ...J'ai besoin de vivre dans la passion, c'est mon moteur je pense...<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Si je devais qualifier l'auteur qu'est Carine-Laure, j'emploierais deux mots : sincérité et enthousiasme. L'encre qu'elle utilise est celle du coeur, qui tracent les sillons de la passion. Dans<br /> la Rue Baraka...une étoile est née. ...<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Je suis un peu plus Carine-Laure depuis que nous avons pris contact vraiment sur chloé des Lys, et je suis ici impressionnée vraiment par cette bulle d'oxygène ! Moi qui en manque souvent. Elle<br /> est vivante vraiment ! bravo Carine-Laure et merci beaucoup !!!<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Ah je me souviens très bien de ces moments-là, quand j'ai fait connaissance avec Christine; et démarrer les choses, j'adore ! En lisant ces réponses, je me<br /> disais qu'aujourd'hui, je dirais la même chose, exactement la même chose...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Les vents de l'écriture sont forts et ils vous arrachent des choses du dedans de vous dont vous ne soupçonniez même pas l'existence. Il faut s'accrocher aux<br /> arbres de la réalité pour ne pas fléchir les petites branches. L'écriture, c'est une nouvelle vie que l'on souffle et que l'on élance, comme ça, juste pour semer d'autres fleurs !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Merci christine pour tout ce que tu apportes aux auteurs de CDL: dynamisme, conseils ...Tu entraînes ....<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Heureuse fête à tous ! On vous aime !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Tout premier interview d'un CDL sur le blog passion créatrice... je ne connaisais alors Carine-Laure que via le forum... comme quoi, n'est-ce pas, le forum est un vrai outil.<br /> <br /> <br /> A l'époque, je n'avais pas encore lu son livre, non plus et sa façon d'aborder l'écriture m'y a poussée...<br /> <br /> <br /> Une belle rencontre, une première suivie de beaucoup d'autres ! Merci à tous ceux qui viennent ajouter leur grain de sel sur passion créatrice !<br /> <br /> <br /> <br />
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