Christian Eychloma nous propose un extrait de son nouveau roman (à paraître): "Mon amour à Pompéï"

Publié le par christine brunet /aloys

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L’ancien policier reposa son stylo avant de lever les yeux pour observer plus attentivement son interlocutrice.

« En nous résumant, madame Lévêque,  votre mari aurait disparu depuis plus d’un mois ? Et vous ne vous en préoccupez vraiment que maintenant ? »

Françoise Lévêque eut du mal à maîtriser son agacement devant le ton un peu trop inquisiteur du détective.

« Comme je vous le disais, les choses ne se sont pas passées aussi simplement. Au début, il m’appelait tous les jours au téléphone et je n’avais donc aucune raison particulière de m’inquiéter.  Puis il a cessé brusquement de me téléphoner, au bout d’une semaine environ. Et nous n’avons plus eu de contact qu’à travers quelques courriers électroniques…

-                          Je suppose donc qu’il ne répondait pas lorsque vous-même l’appeliez sur son portable… Car vous avez bien dû essayer ?

-                          Bien entendu… » répondit la femme du juge avec un haussement d’épaule trahissant son énervement. « C’est ensuite que j’ai commencé à recevoir ces autres messages…

-                          Et que disaient-ils, en gros ?

-                          Pas grand chose, justement… Mais ce n’est que petit à petit que j’ai commencé à nourrir des soupçons. En recevant jour après jour ces mails archi creux qui ne m’apprenaient rien du tout et dont j’ai fini par douter qu’ils étaient bien envoyés par mon mari…

-                          Mais vous y répondiez néanmoins ?

-                          Oui, oui… Mais il me devenait de plus en plus évident que quelqu’un d’autre faisait de louables efforts pour se faire passer pour Roland…

-                          Et vous dites en avoir conclu, au bout de deux semaines de ce dialogue de sourds, qu’il était certainement retenu quelque part contre son gré ? Et que quelqu’un tentait juste de vous faire prendre patience en se chargeant des communications ? 

-                          C’est exact. Et c’est seulement là que j’ai commencé à me demander sérieusement ce qu’il convenait de faire. Je me suis dans un premier temps rendue dans un commissariat où mes explications n’ont pas eu l’air d’être prises très au sérieux. Il m’a même été proposé de faire lancer une recherche dans l’intérêt des familles ! »

Charles Boileau, en bon détective, évitait soigneusement de laisser trop tôt filtrer les sentiments que lui inspirait cette étrange histoire. Ne surtout pas laisser deviner à sa cliente ses premières impressions. La laisser parler d’abord. Le plus possible.

L’expérience acquise au cours d’une carrière d’inspecteur de la P.J. l’avait en effet assez vite amené à penser que tout ceci était plus compliqué qu’il n’y paraissait et n’avait pas grand chose à voir avec une disparition volontaire ou un enlèvement.

« Je suppose que votre mari disposait ici d’une pièce où il avait l’habitude de se retirer lorsqu’il désirait travailler sur un dossier qu’il n’avait pas eu le temps de traiter à son bureau ?

-                          Tout à fait… Avec un petit coffre-fort pour mettre ses documents en sécurité. Je lui ai d’ailleurs assez souvent reproché d’amener du travail à la maison !

-                          Très bien… Afin de ne négliger aucun indice, puis-je alors vous demander si vous y avez remarqué quoi que ce soit d’un peu inhabituel ? Réfléchissez… Même la plus petite chose, à priori sans importance, peut se révéler utile !

-                          Dans cette pièce ?

-                          Oui… Un objet qui manquerait, par exemple, ou un papier quelconque qui traînerait sur le bureau et qui n’y était pas peu de temps auparavant… N’importe quoi, en somme ! »

Françoise Lévêque se prit le front entre les mains, s’appliqua à réfléchir pendant quelques secondes, puis redressa la tête en haussant les sourcils.

« Maintenant que vous le dites, j’ai effectivement remarqué un petit changement… Mais je ne vois vraiment pas en quoi ceci pourrait vous aider…

-                          Dites toujours, madame Lévêque…

-                          Eh bien… Il s’agit d’un tableau… Une ancienne peinture sur bois que j’avais toujours vu accrochée au mur et qui ne s’y trouve plus…

-                          Un tableau ? Tiens donc… Et que représentait-il, ce tableau ?

-                          Une jeune femme. Coiffée et habillée à la romaine… Une beauté antique qui fascinait bien davantage mon mari que n’aurait pu le faire la Joconde, je crois ! Il l’aura probablement emmenée avec lui pour continuer à l’admirer dans sa chambre d’hôtel ! » précisa Françoise Lévêque avec le sourire indulgent d’une femme habituée aux petites manies de son époux.    

Le détective nota mentalement l’information en se demandant quelle pertinence cette histoire de tableau pourrait bien avoir avec l’affaire qui venait de lui être confiée. Mais il s’agissait pour le moment d’éviter soigneusement de tomber dans le piège des idées préconçues…

« Par quoi comptez-vous commencer ? » demanda abruptement Françoise Lévêque devant l’expression pensive de l’ex-policier en train de tripoter distraitement sa ridicule petite moustache.

« Par une rapide enquête auprès des relations, professionnelles ou non, de votre mari… Auprès de tous les gens avec lesquels il a pu se trouver en contact, seul ou avec vous, au cours des quelques semaines qui ont précédé son départ pour l’Italie ».

Puis le détective parut soudain se souvenir de quelque chose d’important.

« Vous me disiez à propos avoir tous deux été reçus, peu avant, chez le professeur Liévin ? Le prix Nobel de physique ? Avec qui monsieur Lévêque paraissait engagé dans un travail de révision de je ne sais trop quel procès qu’il aurait instruit ?

-                          Oui… Une semaine environ avant que mon mari ne réserve son vol pour ce qu’il m’a présenté comme un déplacement dans le cadre d’une commission rogatoire. Ce qui n’était évidemment pas la première fois…

-                          Il me semble aussi que vous avez mentionné la présence d’autres personnes avec vous, ce jour-là, chez les Liévin…

-                          Juste un autre couple. Serge Audibert et son épouse. Serge Audibert était l’avocat chargé de défendre l’accusé au cours du procès que vous évoquez, procès ayant abouti à la condamnation de ce dernier.

Charles Boileau croisa les jambes et se laissa aller contre le dossier du confortable fauteuil de salon où il avait été invité à s’asseoir, tout en s’accordant un instant de distraction consacré à admirer de loin les tableaux naïfs décorant cet intérieur plutôt cossu.

« Fichtre… Un prix Nobel de physique étudiant un dossier d’instruction ?

-                          Oui, enfin, pas exactement… » rectifia un peu impatiemment Françoise Lévêque. « Jacques Liévin n’a bien entendu jamais eu accès au dossier ! Il a seulement essayé de faire valoir, à la demande de Serge Audibert, un certain nombre d’arguments propres à démontrer selon lui l’erreur judiciaire ayant entaché ce procès…

-                          Vous voulez dire qu’il s’efforçait en fait d’en persuader votre époux ?

-                          C’est tout à fait ça, oui… En développant les conséquences d’une théorie avant-gardiste dont il prétendait avoir prouvé la validité.

-                          Compte tenu de la qualité d’un tel intervenant, il est à supposer que ces arguments devaient être bien subtils ? L’opinion de votre mari en avait-elle été modifiée ?

-                          Il en avait été en tout cas passablement ébranlé. Et il y avait de quoi, vous pouvez me croire… Mais il a attendu, avant de se rallier définitivement à l’avis du professeur, que celui-ci lui permette d’assister à un certain nombre d’expériences. 

-                          Des expériences ?

-                          Oui… Portant sur des transferts temporels…

-                          Des quoi ?

-                          Des expériences consistant à envoyer un caméscope dans le passé de façon à en ramener des images… »

Le détective, d’abord sans réaction, se redressa lentement en décroisant les jambes, se pencha en avant et, posant ses avant-bras sur ses genoux, fixa attentivement sa cliente.

« Vous pouvez me répéter ça, madame Lévêque ?

« Vous avez bien entendu… Je vous ai dit qu’il s’agissait d’une théorie d’avant-garde !

-                          Soit… Mais vous avez bien parlé d’expériences ? Ces expériences ont-elles selon vous été concluantes ?

-                          C’est en tout cas ce que Roland m’a affirmé en rentrant. Apparemment bouleversé, après avoir passé une demi-journée dans le laboratoire du professeur Liévin… »

Charles Boileau, en proie à toutes sortes de sentiments contradictoires dont la très désagréable impression d’être la victime d’un mauvais canular, récupéra pensivement son stylo et son bloc-notes.

« J’imagine que vous ne verriez aucun inconvénient à me communiquer l’adresse de ce Jacques Liévin ?

-                          Non, pas du tout, mais vous ne trouverez que sa femme à son domicile. C’est elle qui m’a dit récemment au téléphone qu’il se trouvait en mission expérimentale à l’étranger. En Italie…

-                          En Italie ? Je suppose que son épouse pourra se montrer plus précise…

-                          Demandez-lui confirmation, mais si je me souviens bien, il se trouverait aux environs de Naples. En fait, à Pompéi.

-                          À Pompéi… Où votre mari vous avait-il dit avoir à travailler lorsqu’il s’est lui-même rendu en Italie ?

-                          À Rome. Il était supposé au départ passer une quinzaine de jours à Rome… »

Le détective resta à regarder fixement, sans vraiment le voir, le grand tableau se trouvant au mur auquel il faisait face. Une représentation ancienne des ruines du Colisée.

« À quoi pensez-vous, monsieur Boileau ? » demanda Françoise Lévêque au bout d’une dizaine de secondes.

« À la distance qui sépare Rome de Pompéi, madame Lévêque ».

 

 

Christian Eychloma

http://futurs-incertains.over-blog.com/

 

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Publié dans Textes

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F
<br /> Ce passage tient le lecteur en haleine du premier mot au dernier. (Et en plus une très belle écriture!) En un mot: bravo!<br />
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C
<br /> Merci encore ! <br /> <br /> <br /> Toute petite précision : la couverture ci-dessus est celle de mon premier roman (un roman d'anticipation). La couverture du second dont est extrait ce passage (un voyage<br /> temporel), toujours en  attente d'impression, représentera une jeune romaine sur fond d'éruption du Vésuve !<br /> <br /> <br /> Joyeuses fêtes !<br />
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P
<br /> Une mise en bouche qui donne envie de continuer...<br /> <br /> <br /> J'aime la couverture originale.<br /> <br /> <br /> Bonne journée à tous.<br />
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C
<br /> Mais c'est qu'on va finir poar l'acheter, ce polar... Impossible de dormir, maintenant: on en sait trop ou trop peu! Excellent, c'truc-là.<br />
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C
<br /> Merci beaucoup ! <br /> <br /> <br /> Passez toutes et tous d'excellentes fêtes de fin d'année !<br /> <br /> <br /> Christian<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
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M
<br /> En effet, on est pris dès le début. Belle écriture également et belle couverture. Un livre qui, indiscutablement, suscite l'intérêt...  <br />
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M
<br /> Quel suspense vraiment ! Bravo Christian.<br />
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E
<br /> On est pris dès le début, c'est bien amené...<br />
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C
<br /> Une histoire passionnante: mystère, disparition, enquête...Tout y est ! <br />
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