Gauthier Hiernaux: les extrêmes nourrissent mes récits...
Superbe bannière qui me rappelle mes livres d'Histoire... je vais sur son site...
Trois livres publiés chez Chloé des lys... et un univers que je découvre peu à peu avec étonnement...
Choisir le genre du fantastique plutôt que celui bien réel qui nous entoure, recréer à son gré, inventer à partir d'une réalité recomposée... Pas simple...
Avec Gauthier Hiernaux, j'ai tenté de comprendre de processus qui mène à cet autre monde... à une autre réalité... qui pourrait, pourquoi pas, être la nôtre... dans une autre dimension.
Depuis quand écrivez-vous et pourquoi? Une envie soudaine, immodérée, longuement mûrie...?
J’ai envie de dire « depuis toujours » mais j’écris véritablement depuis mon adolescence.
A quinze ans, je commence à raconter la carrière d’un jeune noir dans la Mafia de Chicago dans les années 30. La saga, baptisée Torpedo Black Man, est constituée de quatre tomes dont le dernier n’a jamais été achevé.
Au début des années 90, je change de veine et écris un thriller en huis-clos (Le Maître du Sourire). Ce premier livre, j’ose l’envoyer à une maison d’édition. Je n’obtiendrai qu’un refus poli qui m’échaudera pour quelques années.
C’est au cours de l’année 95 que commence à germer dans mon esprit le monde de la Nouvelle Ere.
Nourri de mes cours de religion romaine, de la grande Histoire, d’histoire de l’art et de littérature européenne, je façonne un univers qui connaîtra plusieurs évolutions et plusieurs supports. Avec le talentueux dessinateur Olivier Mangin (Intox, L’Ultime Chimère chez Glénat), je propose dix planches de bande dessinée aux éditeurs français Delcourt et Glénat. Le projet, initialement intitulé Les Terres de Babell n’est finalement pas accepté car « trop ambitieux pour des jeunes qui débutent » (.sic). Je décide donc de faire cavalier seul en réécrivant totalement Les Terres de Babell et en en faisant deux romans :L’homme sans chiourme et Le Dieu unique.
Ces ouvrages décrivent la déchéance d’un Empire totalitaire qui s’écroule sous son propre poids.
Mais en clôturant ce récit, je me suis dit que j’avais envie de raconter la genèse de ce monde et surtout, de peindre par petites touches, à la manière d’un impressionniste, les éléments annonciateurs de sa déchéance. Une dizaine d’années plus tard, je suis fier du résultat.
Depuis, j’ai écrit quatre mini-récits, un recueil de nouvelle et un thriller fantastique.
Comment écrivez-vous ? sans parvenir à vous arrêter, d'un seul jet, l'estomac noué? Travaillez-vous longuement vos textes? peut-être n'aimez-vous pas vous relire? (Utilisez-vous encore le stylo ?)
J’écris quand je peux surtout. Directement en word.
Mon travail et ma vie de famille ne me permettent pas autant de libertés que je le souhaiterais. D’ailleurs, en profiterais-je autant si je ne faisais que cela ? Je ne le pense pas…
Et puis, je ne suis pas le genre d’auteur à me dire : Allez, j’allume la bécane et j’écris 2 heures ou 5 pages. Il faut une mise en condition, il faut l’inspiration et les circonstances. C’est une délicate alchimie qui peut, malheureusement, m’interdire d’écrire pendant des jours et des jours.
Par contre, je n’écris jamais mieux qu’au restaurant. Je devrais peut-être un jour en faire mention dans mes remerciements…
En ce qui concerne la relecture des textes, voici comment je procède : j’écris, sans presque me relire. Je laisse les personnages vivre leur vie.
Généralement, je n’ai pas de plan de lecture, juste les grandes lignes de l’histoire. Au début, j’en réalisais mais je m’en éloignais tellement que j’ai fini par laisser tomber.
Par contre, je me suis baladé un certain temps avec un grand cahier ATOMA où je collectais toutes sortes de renseignements. J’ai fini par retaper mes notes mais je ne les consulte plus. Peut-être devrais-je un jour les placer sur mon blog…
Quoiqu’il en soit, Lorsque j’ai achevé le premier jet de mon roman, je laisse décanter. Six mois, un an, parfois davantage.
J’ajuste à nouveau lorsque mes premiers correcteurs ont fait leurs remarques.
Où puisez-vous votre inspiration ?
J’imagine être pareil à d’autres auteurs. La vie m’inspire. Le malheur également… Il suffit de regarder les journaux pour être inspiré.
Mais au-delà de toute chose, ce sont les manipulations dont est capable le pouvoir quand le besoin s’en fait sentir qui me fascinent. J’en parle beaucoup dans mes bouquins (Le Saint-Canal, les Frères de la Censure et, dans mes derniers romans : le Grand Penseur,…). J’aime aussi les mouvements de résistance indépendants ou organisés face aux tyrannies ainsi que les réseaux clandestins. Ce seront d’ailleurs les sujets de mon prochain bouquin envoyé en avril chez mon éditeur.
Les personnages en demi-teinte m’attirent également. Je pense notamment à Larsen Voltine dans mes deux premiers livres ou Archiabald Von Espen dans ‘Le Triangle sous le sable’. Je n’apprécie ni les héros ni les super-vilains, ceux qui n’ont jamais de doutes et réussissent tout du premier coup.
Pourquoi avoir choisi de recréer un monde ?
J’ai tenté de recréer un monde pour deux raisons. La première et la plus évidente est que le procédé m’attire. Si j’avais les pieds plus ancrés dans le réel, j’aurais fait un polar traditionnel.
La seconde, plus pratique, est que cela me laisse une énorme liberté par rapport aux faits et à l’histoire. Cela ne m’empêche évidemment pas de mêler des événements de notre monde à celui de la Nouvelle Ere. Au fil des dix tomes, le lecteur pourra être témoin de la redécouverte des Amériques, d’un nouveau massacre de la Saint-Barthélemy, de la Blitzkrieg ou de la Prohibition.
Que vous apporte l'écriture ?
Je pense que celui qui crée, quels que soient son sexe, son milieu ou sa nationalité le fait pour les mêmes raisons : le besoin de se confier à une feuille blanche ou de se défouler.
Pour ma part, j’ai commencé à écrire parce qu’enfant, je ne me sentais pas à l’aise avec les autres. On a plein de frustrations tout au long de sa vie mais j’ai l’impression qu’elles se cristallisent à l’adolescence.
Aujourd’hui, les choses ont changé, naturellement. J’écris certes pour mon plaisir mais, depuis que je suis publié chez Chloé des Lys, pour les autres également.
Je suis dans l’attente des commentaires ou réactions de mes premiers lecteurs. Je me demande comment ils vont réagir, s’ils vont rire ou s’ils vont se poser des questions. Le ‘must’ évidemment est quand ils me demandent : « A quand le prochain tome ? »
Plus de frustrations donc mais une furieuse envie de partager.
A vous lire, j'ai l'impression que vous avez du mal à poser le point final d'une histoire. Vrai? Faux?
Oui et non. Je m’attache certes aux personnages mais je ne pense pas qu’on puisse affirmer que je m’attache à mon histoire. A mon univers par contre… Car si celui-ci reste identique, les héros ne sont jamais les mêmes. Les histoires, même si elles ont un lien entre elles, peuvent tout à fait être lues séparément.
En outre, j’ai écrit bien d’autres choses depuis : un thriller fantastique, un recueil de nouvelles et quelques mini-récits.
Vous n'aimez pas les extrêmes... Pourquoi?
Ce n’est pas que je n’aime pas les extrêmes, que du contraire, ils nourrissent mes récits. L’Empire de la Nouvelle Ere n’en est-il pas un ? Si le système n’avait pas été perverti, il n’aurait pas pu donner lieu à mes histoires. Car un extrême en attire toujours un autre. Des systèmes forts, répressifs, naissent toujours des mouvements contestataires. De la « cuisse » de l’Empire sont nés les Enfants de Jafez présents dans « Le Triangle sous le sable » ou Babel Céleste que le lecteur pourra découvrir dans les derniers tomes.
Mais dans la vie, c’est vrai que je ne les apprécie guère. Surtout les extrêmes liés aux croyances religieuses.
Est-ce que, selon vous, votre écriture a évolué au fil du temps au gré des aléas de votre vie?
Bien entendu. Lorsque je relis ce que j’ai écrit des années plus tôt, je suis toujours étonné… et pas toujours positivement.
Je pense que le style d’un auteur varie avec le temps, se bonifie au mieux. Je n’oserais plus faire lire mes écrits de jeunesse.
Comment décririez-vous votre rapport avec vos personnages? Sont-ils très différents de vous?
Les principaux traits de caractère de mes personnages sont façonnés avec des bouts de moi mais également des gens qui m’entourent. Des gens que j’apprécie ou non, tout dépend de ce à quoi on veut aboutir.
Le reste est constitué de fragments volés à des personnages de l’histoire ou de l’actualité.
Ces morceaux mis bout à bout constituent un personnage qui, s’il est viable, acquiert au fil du récit, une véritable personnalité. Je me rends vite compte si l’un d’entre eux sonne creux. C’est alors que j’ai mal joué au Dr Frankenstein…
Un long processus de maturation, de réflexion sur notre société... Des fragments de vie volés ici ou là pour créer un univers à part entière, fort de sa structure sociale, de ses luttes, de ses personnages construits à partir d'une matière disparate pour devenir uniques... Un monde différent qui amène la réflexion par des routes détournées mais bien tracées... Le "fantastique" propice à véhiculer la critique sociale ou culturelle? Sans aucune doute...
Je ne lui ai pas posé la question, mais... En spectateur critique des événements qui ont secoué et secouent encore notre civilisation, Gauthier Hiernaux se considère-t-il comme un auteur "engagé" ?
Quelle que soit sa réponse, c'est en se plongeant dans les travers de cetEmpire que le lecteur trouvera, s'il ouvre son esprit, matière à réflexion.
Retrouvez Gauthier Hiernaux et son univers sur son sitewww.grandeuretdecadence.wordpress.com