Hymne à la vie... Le regard troublant de Frédérique Noël sur son combat

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

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Frédérique née  dans un très beau  pays est expatriée avec ses parents et son grand frère en France dans les premières années de sa vie. Elle découvre le racisme de la part de ses camarades de classe, alors qu’elle est française ! C’est une élève studieuse qui apprend facilement. Pour répondre au désir de son père, éleveur de chevaux, elle fait des études d’agriculture et travaille à la ferme avec lui.

A 20 ans, après une altercation avec son père et sur un « coup de tête », elle donne naissance à une belle petite fille. Elle quitte la maison familiale pour travailler et devenir indépendante. Sa mère garde et élève sa petite fille qui passera son enfance au milieu des chevaux.

Eprise d’une grande culpabilité, elle rentre dans une communauté religieuse. Son amour pour son père va se déplacer vers un autre père : celui qui est appelé Dieu. Après une dizaine d’années elle s’aperçoit de plus en plus qu’il y a un « gouffre - des incohérences » entre ce qui est dit, enseigné et  ce qui se vit au sein de cette communauté.  Un grand doute s’installe alors dans sa foi et dans sa vie. Elle quitte la communauté et récupère sa fille.

Elle reprend ses études, tout en travaillant comme secrétaire. Elle réussit sa licence d’anglais et enseigne dans un lycée qui appartient à la communauté qu’elle a quittée !  Elle rencontre son mari, six mois après elle se marie. Après quatre ans  elle donne le jour à un garçon. Leur amour grandit dans une vie calme, tranquille quand un jour l’annonce du diagnostic tombe « vous avez un cancer du sein ». La maladie remet tout en cause dans la tête de Frédérique : son corps qu’elle a toujours voulu ignorer, sa foi qui n’est plus dans un idéal,  son mental avec son caractère fort qui ne veut pas voir la réalité.  Tout ce qu’elle a volontairement  nié jusqu’à ce jour ressurgit comme une violente  et forte « vague » qui vous met à terre.

Elle construit  une reconversion professionnelle et obtient  un master en évaluation. Bien que soutenue par son mari, le couple traverse une forte tempête douloureuse pour toute la famille. Elle accepte de faire une thérapie avec son mari et là surgit une nouvelle vague : une « renaissance » qui lui permet de garder la tête hors de l’eau, de se battre, de profiter le plus possible des joies de la vie quotidienne et enfin d’établir enfin une « vraie relation » avec sa fille alors âgée de 35 ans.

Jusqu’à la fin de sa vie, elle est dans le doute, recherche « la Vérité »  celui auquel elle a donné 10 ans de sa vie, celui qu’elle a aimé, celui en qui elle a cru. Elle dit souvent que ce n’est pas facile de vivre sa maladie en n’ayant plus la foi, et pourtant….quelle exigence dans sa  recherche de la Vérité !

Malgré sa maladie, elle croit à la Vie, se bagarre pour son fils encore  jeune, pour vivre mieux qu’avant,  pour voyager entre deux chimio, pour  profiter de chaque instant comme un « hymne à la Vie » pour donner tout son amour à ses enfants, à son mari, pour organiser son départ.

Elle quitte cette vie en avril 2012,  (le même jour où 20 ans avant elle avait dit « oui » à son futur mari)  avec le sourire sur le visage lorsque son mari qui l’accompagne en cette fin de vie  lui rappelle  leur amour et ce tout qu’elle a donné à ses enfants.

Dans ce livre, elle raconte sa traversée du cancer, avec sa légèreté, son humour, ses  intransigeances, ses inconsciences, ses questions. Elle aime égratigner les médecins et les administrations en passant, mais elle aime aussi révéler les contradictions du malade, de la femme, de sa recherche, de ses tâtonnements, des ses aveuglements. C’est un hymne à la vie, avec ses ambigüités et ses incertitudes.

 


 

 

ARTICLE

 

DSC00909.jpgSur le cancer, il y a toute une littérature : témoignages, conseils, recettes, sans parler des livres médicaux, scientifiques, et j’en passe.

Ce petit livre là me parait très différent. 

Sur un ton léger, quotidien, qui fait que le lecteur a l’impression de converser avec le narrateur, ou plutôt la narratrice, celle-ci raconte à la première personne sa "traversée du cancer", avec humour souvent. 

Le lecteur voit défiler les maladresses, voire les "bavures" médicales, administratives, les maladresses aussi de l’entourage, qui change de regard et de comportement, tout cela sur fond de bouleversement d’une vie quotidienne et de ressenti intense. 

La personne s’affronte non seulement à ces changements radicaux dans sa vie, mais aussi à la souffrance physique et morale, et surtout à l’idée de la mort qui devient omniprésente.

Cependant, rien, dans ce livre, n’est morbide. 

Il s’achève dans une sorte de délire sur l’après, l’après la vie, en fait, plein d’humour et de fantaisie, et qui est en même temps un hymne à la vie.

D’ailleurs, la couverture du livre est un tableau dont le titre est "hymne à la vie", et c’est d’ailleurs ce qui m’a  attiré au départ vers ce livre : inutile d’imaginer, regardez la couverture, avec ce personnage, cet oiseau, cette vague en rouleau, dont on ne sait si elle va engloutir la femme, ou si elle la rafraichit. Regardez le visage de cette femme, dont on ne sait pas si elle est en train de se cramponner à la vie pour ne pas être engloutie, ou si elle se baigne languissamment dans cette eau remuante. Regardez l’oiseau dont on ne sait pas s’il est blanc ou noir, et enfin lisez ce titre : "Plus con tumeur !" en forme de jeu de mots macabre. 

Voilà, le ton est donné. 

J’ai aimé découvrir ce qu’il y a dans la tête de quelqu’un qui est obligé de penser à sa mort. J’ai aimé me dire, en lisant ce livre, qu’il n’y a pas que la vie quotidienne qui est bouleversé, qu’il y a tout l’univers de la personne qui chavire, et j’ai été rassuré de constater qu’on peut en parler dans une sorte de sourire de dérision, tout en montrant que la vie se récupère toujours dans l’intensité volontaire du vécu de tous les jours. 

C’est chez Chloé des Lys.

 

 

EXTRAIT

 

C’est fini les chimio, les rayons, tout ce qui était lourd, quoi. J’ose à peine y croire. Mes cheveux repoussent……Je ne vois plus les choses comme avant. Je me dis que la vie est un champ à explorer avant de mourir, qu’il faut arrêter de s’enfermer dans des contraintes idiotes qui nous font mourir idiots sans avoir vu le Kilimandjaro et les baleines à bosses, sans avoir gouté à  la liberté des enfants des hommes, que tous les matins sont le premier et le dernier matin du monde………..

Mon toubib habituel est en vacances. Sa remplaçante veut une consultation. C’est une jeune fille qui sort manifestement de ses études. Elle commence à me poser des tas de questions. Je m’y prête gentiment. Je lui explique tous les désagréments que j’ai en ce moment : douleurs d’estomac, crises de foie, cycle perturbé. - Oui dit-elle, tout se déglingue. – faites attention à se que vous dites, répliquais-je, vous n’avez pas idée de ce que c’est que de vivre cette maladie  et de se battre et de constater, effectivement, que rien ne va plus, avec l’angoisse que cela génère quand on a un garçon de huit ans. Après une phrase comme la vôtre, je n’ai plus qu’à me flinguer. Elle pâlit. Elle bredouille. Elle patauge : « je voulais dire que la chimio perturbe tout »…………….

Le psy m’a suggéré une explication pour le mystérieux soulagement ressenti après l’opération. D’après lui, j’avais des fantasmes incestueux vis-à-vis de mon père, j’ai pris la place de ma mère, et il en est découlé une nécessité de voir mourir mes parents pour pouvoir exister et prendre ma vraie place, d’où culpabilité, d’où désir d’autopunition, d’où soulagement quand enfin j’ai souffert l’ablation du sein : l’autopunition était faite, je pouvais vivre………….. 

Je m’éveillais. Il y avait autour de moi une lumière rose pâle, un peu orangée, nuancée. Très douce…….J’étais, moi, bien moi. J’avais ma mémoire, mon être, tout mon être, mais pas là où se situait la conscience de ma position allongée, sur un lit ? Peut être………….J’ai souvent fait des rêves bizarres. Celui là était rude, certes : mon fils, mon mari, ma fille, autour d’un lit…… «  Tu vois, ce n’était pas si terrible. Ce fameux « grand passage » dont vous avez si peur, tous. Ce n’est qu’un doux sommeil. Pas de quoi en faire tant d’histoires, non ? »……………Parfois je m’endors en pensant à l’instant de ma mort, et……j’aimerais qu’il y ait quelqu’un, qui ressemble à un homme, dans les 40 ans, beau, fort, et qui sait ce que c’est que la souffrance. Il s’approcherait de moi, et, sans un mot, il me prendrait dans ses bras pour me consoler de tout. Je n’aurais rien à lui expliquer, il saurait, il comprendrait. Alors, je pleurerais comme il y a longtemps que je ne l’ai fait, ou peut être comme je  ne l’ai jamais fait : soulagement et joie….Et je pourrais me reposer, enfin.

P.-S.

 

Publié dans présentations

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P
<br /> Comme Carine-Laure je pense que ces témognages peuvent aider, ce sont de belles leçons de courage !<br />
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C
<br /> Ces témoignages sont des exemples, le plus souvent. Ils aident ceux qui en ont besoin, de belles leçons de vie et de courage. <br />
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C
<br /> J'ai croisé quelques heures, il y a trois ans, une femme jeune (42 ans) qui savait qu'elle n'allait pas s'en sortir: sa fille est la fiancée d'un de mes fils. C'est elle qui remontait le moral à<br /> tout le monde et qui préparait tout pour que ses filles (18 et 23 ans) aient un minimum de tracas après son départ. Toutes ses "petites" déchéances, qui ont précédé son interminable<br /> agonie, elle arrivait à en rire et à en faire rire. Rude... Une certaine similitude avec Frédérique, je crois.<br />
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E
<br /> Je crois que c'est le genre de livre que je ne lirais que si tout d'un coup la vie m'y pousse, que je veux ou dois comprendre et partager. Sans avoir rien contre le thème, qui a sa beauté je le<br /> sais, et son courage, je ne suis pas attirée dans ces réflexions. Ce n'est pas une critique, et je suis heureusement certaine que beaucoup de gens ne sont pas comme moi! <br />
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C
<br /> Encore merci à son époux qui a fait cette promo. <br />
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P
<br /> Un titre que je retiens...<br /> <br /> <br /> Bonne journée et bonne rentrée à tous qu'elle soit littéraire ou scolaire ou autre. <br />
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