Karl Chaboum : "je crée et véhicule la musique des mots"
Donne-moi une définition de l'écriture.
Définis ton style d'écriture. Définis ton univers littéraire...
Je n’en ai pas. Je peux rire ou faire pleurer, selon ce qu’il y a dans ma peau, mes tripes. Je ne force jamais la note pour sortir de mon enclos. Je suis. Je ne fais pas l’extravagant pour me faire remarquer. Mon but n’est jamais de me faire remarquer. Comme c’est écrit sur l’endos de mon livre « Le sol à l’envers » : Chaboum n’y va pas de main morte quand il a quelque chose à dire. Quand il n’a rien à dire, il n’écrit pas. Il n’y a pas de clôture dans l’univers, il n’y en a pas non plus dans ma tête. Quand j’ai envie d’écrire un alexandrin, j’en écris un, mais je ne me cantonne pas dans des rimes qui sont plus que souvent des clôtures. Écrivain ludique est une étiquette qui me va sur mesure. Je ne me prends pas au sérieux mais je suis sérieux en faisant sourire.
La scène... Une autre passion, je suppose... Qui est le complément de l'autre ? écriture, complémentaire de la scène ou scène complémentaire de l'écriture?
Comme je suis implanté cochléaire, je suis un solitaire. Je me vois sur scène en solo, entouré de techniciens sympathique comme semble l’être l’équipe de Chloé. J’ai servi des cours d’improvisation à l’Université de Montréal : j’étais comme un poisson dans un aquarium. J’ai publié quelques livres; des centaines nagent dans mon aquarium. C’était par défaut. Me voir offrir la scène où se mêleraient textes, visuel et improvisation feraient mon bonheur : je ferais barrer les portes pour garder l’auditoire jusqu’à la fin (si je répète, c’est pour que cela entre dans le subconscient de mon futur public).
Ecris-tu pour toi, pour les autres ? le regard des autres sur ton univers littéraire.
J’écris toujours pour les autres mais c’est toujours pour moi et moi, dans le sens que mon écran ne m’a jamais embrassé pour me dire qu’il aimait mes textes. Si je me présente devant un public, je m’attends à être embrassé par plusieurs, sinon c’est moi qui irai les embrasser.
Comment choisis-tu tes sujets d'écriture... Pourquoi illustrer tes petits textes ?
À partir de mon vécu, qui peut reculer à loin en arrière, à loin en avant. Mon cerveau est toujours allumé, les synapses me conduisent à Balzac, La Fontaine. Je n’ai pas de recette préconçue. L’illustration est une nouveau dans mon monde d’écrivain. Quand j’ai entendu parler Robert Paul il y a quelques jours d’un nouveau style d’écriture, le stichou, en cinq lignes courtes, et que monsieur Paul nous a mis au défi d’en écrire, l’idée m’a boucoup plus. J’en ai huit d’écrits, tous imagés. Illustrés ? Parce que cela parle, un va et vient entre texte et illustration.
Comment écris-tu ? Impromptu, sur un coin de table ? Tu retravailles beaucoup tes textes ? développe...
Parfois j’arrête de conduire sur le bord de la route et j’écris, toujours d’un jet, après y avoir pensé pendant des jours parfois, mais généralement j’ai une idée en tête et je plonge. Je ne choisis mon titre qu’à la toute fin, rarement au début. Je retravaille avec ledictionnaire; il y a tellement de y et de rr, ll, nn; je me demande qui a inventé ça. Es espagnol… peut-être qu’ils ne donnent pas de dictée. Ma devise : cela doit toujours couler : s’il y a en trop un et, mais, pour, j’efface.
Pour mettre une boucle à tous ces mots de Chaboum, le vers solitaire est fait pour le poète inconnu; j’en suis à la phase de brouette souhaitant aller sur les planches, pas rester dessous.
Que t'apporte l'écriture et que ressens-tu quand tu écris ?
Elle m’emporte. C’est le jeu des synapses : incroyable ! Je n’ai pas besoin d’être membre du Circle du Soleil pour en faire le cercle, l’étirer, lui faire embrasser la lune dans un long baiser sombré. Je suis vraiment une brouette Christine. Je suis en train de découvrir un pan de Voltaire avec Micromégas dont Voltaire décrit la hauteur : « Il avait huit lieues de haut : j’entends, par huit lieues, vingt-quatre mille pas géométriques de cinq pieds chacun. »
Ludisme de haute voltige, et il n’arrête pas. Je m’en nourris, comme un veau tête sa mère.
Tu es, à l'évidence, un auteur ludique (ta propre définition et je le pense également): qu'apporte cette approche que n'apporterait pas le sérieux de vers purement satiriques, par exemple.
L’an dernier, deux éditeurs français, un belge, huit québécois ont refusé mon manuscrit que plusieurs ont aimé (sic). Pourquoi ? Parce qu’ils avaient une tonne de livre à fouiner dedans (je coule moins dans ces cas-là). Un Français m’a dit : « La poésie ne se vend pas en France. » Avec tout ce que j’ai lu, je comprends – tu peux prendre un autre de mes pseudonymes pour me protéger des poètes). On ne voit pas les couilles – écrire en plus petit si tu veux), on ne soit pas la souffrance, ou si on la voit, ça n’en finit plus. La lecture est là pour ressourcer l’humain. Quand je n’aime pas ce que j’écris, je le jette aux poubelles. Je suis de nature pince sans rire, on me compare souvent à Louis de Funès. Quand j’écris, je m’éclate de rire – pas chaque fois quand même . Vu que mon public est moi-même, il faut que j’aime ça. J’ai aussi des périodes crues, sensuelles, petite dose grande dose. Ce n’est pas pour tout de suite le temps du dévoilement.
Penses-tu que ces petites strophes ainsi que ton approche de l'écriture se rapprochent d'un univers un peu particulier de l'écriture qui est celui des chansonniers ? " Je ne me prends pas au sérieux mais je suis sérieux en faisant sourire": n'est-ce pas, justement, le propre du chansonnier de faire passer par le jeu des mots, de la physionomie parfois, des messages plus caustiques...
Christine, mon désir est d’apprendre à poser ma voix. J’ai enregistré un vidéo, ce que je referai bientôt, La conscience de Victor Hugo. Caïn poursuivi par un œil immense, à en devenir dément. J’en frissonnais de vivre la peau du premier meurtrier de la race humaine. Je laisse la chanson aux chansonniers. Un spectacle solo avec support visuel, musique appropriée – avec La conscience c’est le Boléro de Ravel en crescendo, de quoi perdre ses cheveux-, un mentor pour que je passe plus mon temps à tout et rien faire, cela ferait mon affaire.
Tu expliques l'affiche avec tous tes masques ? (fallait bien que je te pose la question ! )
« Les masques tombent » furent pour moi un délice à présenter devant des amis. Des maîtres du XIX’sièce comme Victor Hugo, La Fontaine, Jacques Prévert, Edmond Rostand : un texte de chacun avec un masque pour chacun. En deuxième partie, Karl ChaBOUM, sans masque, avec ses textes (cette semaine, un ami de longue date m’a dit : Tu t’appelleras dorénavant ChaBOUM – je vais faire du ménage dans tout ça, je reviens à l’ordre). J’ai mangé du XIX’ pendant… un siècle. J’ai vu, et transmis, l’actualité de ces hommes qui s’adressaient au peuple. Je suis un vulgarisateur Christine. Conférencier pendant 20 ans je m’adressais aux enfants… leurs parents comprenaient.
Pourquoi multiplier les noms ? tentes-tu de te cacher derrière des mots ?
C’est certain, tout comme la majorité des humains se cachent derrière leur mutisme chronique. Balzac avait une panoplie de personnages, il leur faisait dire ce qu’il voulait, il se cachait derrière un, derrière l’autre. Pourquoi pas ? Quand une femme se teint le cheveux et passe du noir au blond, que fait-elle ? Elle veut attirer, se faire remarquer. Quand je porte une grosse barbe et qu’aujourd’hui je suis chauve, non seulement je ne me cache pas, je me révèle plutôt. Carl du Toit a été crée en souvenance de Charles Dutoit, grand chef d’orchestre de réputation internationale qui a passé plusieurs années à Montréal. Je crée et véhicule la musique des mots, ce qui explique Mots + Art = MotzArt.
Comment t'es venue l'idée du site acrostiche ?
B atifoler est ta marque visagesque : tu es un contagieux professionnel.
O rchestrer est de ton calibre, sans chercher les fausses notes comme des puces.
B ombeur tu mets ta griffe partout. Si c’est trop, tu cloé la porte en liste.
Ce que je viens de pondre. De nombreux psaumes écrits il y a trois mille ans par le roi David étaient des acrostiches écrits en hébreu. Tout au long des siècles des acrostiches ont été écrits.
Une vague de prénoms/cartes de souhaits ont inondé le marché. Puis sont disparu. Saturation. B comme dans « belle » - C comme dans « courageuse ». Etc comme dans etc. Cela me sortait par les oreilles, redondant. Un grossiste en cadres m’a encouragé à écrire une collection, ce que j’ai fait avec 6-8 dictionnaires autour de ma table. Nous avons rompu. Ma tête n’est pas rompette à relever le défi : j’ai une banque de 275 prénoms ainsi que l’offre de service d’écrire n’importe quel prénom de n’importe nationalité – style Bichnouwa – en français.
J’ai vidé mon sac Christine. Tu avais de bonnes questions.