L'étranger du square, un texte de Louis Delville
L'ÉTRANGER DU SQUARE
Il ou elle est assis(e) sur un banc. Pas d'ici. Mais d'où ? Il ou elle paraît un peu perdu(e).
Vous l'observez du coin de l'œil. Et alors ?
Le vieil homme s'est assis là, il semble somnoler et pourtant à chaque bruit, à chaque passage, il a observé, il a écouté.
Un chien est venu près de lui. Un de ces chiens sans race qui traîne ses puces dans les jardins publics à la recherche d'un peu de nourriture ou d'une hypothétique caresse.
L'homme a probablement tendu la main, le chien s'est approché prudemment puis est venu se frotter contre la jambe du vieil homme. Déjà, ils semblaient amis, la main s'était attardée sur la tête de l'animal.
Pendant de longs moments, ils sont restés ainsi, liés par cette caresse. Le chien s'est assis et a posé la tête sur les genoux de l'homme avant d'oser y mettre une patte puis deux.
Le contact s'est fait plus intime. Maintenant, le chien est couché sur le vieil homme. Ils semblent ne plus former qu'un seul et même personnage étrange à tête d'homme et à pattes de chien : Le symbole même de l'amitié et de la connivence...
Tout le monde n'a d'yeux que pour eux. Pourtant personne n'ose s'avancer plus près. Il y a bien deux ou trois touristes qui osent une photo mais en faisant attention à ne pas troubler leur doux repos.
Le guide s'éloigne à pas feutrés, le groupe suit.
"Et maintenant, Mesdames et Messieurs, après "le dresseur de chien" de Rodin, nous passons à la statue suivante, "Hercules et Apollon"…
Le lendemain, en repassant par ce jardin public rempli de statues, j'ai revu Héraclès, Apollon et bien d'autres. À la place du banc et de l'étrange couple de bronze représentant un guerrier grec et son compagnon à quatre pattes, il n'y avait qu'une pancarte : "Les chiens doivent être tenus en laisse".
Louis Delville
louis-quenpensez-vous.blogspot.com