L'invité d'Aloys est Eric Allard
l’orage l’au revoir
I
donner de la voix du verbe
au nom des choses tues
sans mots aller à la mer
délivrer l’onde des vagues
où ce corps dans mes mains
prit la forme d’une plage
II
l’orage les limites abolies
du temps et de la pluie
puisqu’au ciel s’efface l’ondée
toute trace d’éclaircie
il faudra revenir à la place
que j’occupais dans les rêves
III
sans mouvement seule
l’ombre se défait de la lumière
l’été continue de brûler
dans l’âtre de l’hiver
des mots marchent sur les peaux
ceux que tu as laissés mourir
IV
bref orage suivi de riens
passé recouvert de bleus
cheveux pris à la gorge
cou rare pour les caresses
qui l’une l’autre se calment
s’ensuivent sans suite
V
tous les noms donnés
pour inventer une langue
s’éloignent des lèvres en pensée
pendant qu’on pèse une étoile
sans un regard se souviennent
de ce qu’étaient des yeux
VI
dans l’eau salée à souhait
plonger les moments perdus
de l’être ne faire qu’une bouchée
un avalement lent
retenir au bout des doigts
quelques pincées de ciel
VII
sans bruit se frotter au silence
pardonner au tonnerre
au poids lourd du temps
qui renverse les espaces
tomber en vérité
dans un monde sans dimension
VIII
d’herbes rouges en feuilles folles
parcourir le spectre des prairies
le corps embourbé sale
dans la bouche de la terre
verser des seaux d’orage
de minuscules poignées d’avoir
IX
semer jusqu’à obtenir
une terre riche de paroles
puis parler droit
à l’étroit dans les mots
pour le reste à dire
attendre un autre langage
X
sans nerfs rouler
ses os jusqu’à l’air libre
quelques mots plus loin
crier son amour
comme si de son corps
on avait perdu les clés
XI
produire des voix d’enfant
dans des gorges de papillon
sous les ailes du cri
poser une bombe
dans les fleurs éparses
recomposer un chemin
XII
à voix très basse
changer de saison
entre les yeux du temps
pousser sa mémoire
quitte à revivre
la nuit de sa naissance
Eric Allard