Lorsqu'un conte de Bob Boutique se rebiffe, ça donne... les dix petites négresses !
Bob Boutique... Je me souviens le jour où, juste après la signature de mon premier contrat chez Chloé des lys, il m'a contactée pour son interview... Très intimidée, à l'époque, j'assistais, médusée voire apeurée ou suffoquée (tout dépend des moments) à ses interventions sur le forum, par exemple.
Et puis, j'ai décidé de créer le blog passion créatrice et ma première idée a été de lui demander de répondre, à son tour, à quelques questions. Mais j'ai mis des semaines avant d'en avoir le courage... et le résultat a été un jeu rapide et mordant que j'ai eu bien du mal à maîtriser... parce que Bob est du genre "immaîtrisable" ! Vous lui posez une question, et il vous renvoie un interview quasi bouclé ! Et cette fois n'a pas fait exception !
Avec certains d'entre vous, (les auteurs concernés se reconnaîtront), j'ai du mal à obtenir les infos que je cherche... Pas simple de décortiquer son écriture, j'en suis consciente... Pour Bob, ça va de soi... Une facilité qu'on retrouve dans ses réponses...
Les années passent... Pas trop, quand même et voilà Bob avec un nouveau bouquin, différent des deux précédents, plus... enfin, faudra le lire pour comprendre !
Bon, je commence, alors... Dis, Bob, c’est curieux... On s’attendait à te voir publier un « Contes Bizarres III » et voilà que tu nous sors un roman « Les 10 petites négresses » !
C’est une erreur ! J’étais effectivement en train d’écrire un troisième recueil de contes bizarres et me lançait dans une cinquième nouvelle, lorsque celle-ci s’est rebiffée…
Rebiffée ?
Tout à fait. Normalement mes contes font, grosso modo, une trentaine de pages, après quoi j’en arrive tout naturellement au fameux « et arriva ce qui devait arriver » suivi de la chute. Un processus bien huilé dont je ne suis absolument pas responsable, car tout cela se trame dans ma tête sans que j’aie le moindre mot à dire… un matin vers sept heures je commence à écrire, sans trop savoir où je vais, je tape sur les touches, je tape, je tape , l’histoire se développe sans que j’en connaisse la fin, pas de plan, pas de notes, rien… et trente A4 plus loin, ben… c’est fini.
Et pour Les petites négresses ce ne l’était pas ?
Exactement, j’arrivais plus à terminer ! Chaque fois que j’achevais un paragraphe, un autre se profilait… faut dire que c’est un peu particulier.(ça, je confirme !!!!)
Dans ce conte devenu un roman, je mets en place des personnages qui ressemblent quand même très fort à des amies que nous connaissons toi et moi et ça, ça m’ amusait, tu peux pas savoir… ( oh, mais je m'en doute !!!) Je crois que j’ai rigolé du début jusqu’ à la fin…
Et comme en plus tu les as dessinés, le doute n’est plus possible ! D'ailleurs l'une de tes négresses me ressemblerait que ça ne m'étonnerait pas... Je me trompe ?
Bah, tu connais l’ expression… toute ressemblance avec des personnages existants etc…
… Est difficile à prouver, c’est ce que tu as mis dans ta préface, hein !
Pour le cas où. Je dois admettre à ma grande honte ( mais aussi à ma grande jubilation) que je ne les ai pas favorisées. Mais bon… je les adore et elles ont toutes beaucoup d’humour. Enfin, je l’espère.
Comment as-tu choisi tes têtes de turc, comme ça à pouf ?
Si je me moque de quelqu’un, c’est que j’ai de l’admiration ou même du sentiment pour lui. Il me viendrait jamais à l’idée de ridiculiser une personne qui m’est indifférente (perte de temps) ou que je déteste. Dans ce dernier cas, je vais la trouver et lui mets un coup de boule. Et, croyez-moi, ce n’est pas une figure de style. Ici, je me suis limité à dix, mais j’aurais pu en ajouter encore l’une ou l’autre.
Pas peur des retours de bâton ?
Ben quand on ouvre une porte, faut s’attendre à ce qu’elle se referme… parfois même en coup de vent. Je sais là contre, comme dit à Bruxelles.
Toi qui as pas mal baroudé, tu connais l’endroit où l’histoire se passe ? On peut expliciter ?
Oui, je connais. Tout comme toi, je suis incapable de parler d’une région sans y avoir été… Poussin, Juju et moi avons traîné nos godasses dans le coin. Tout est vrai et vérifié, garanti sur facture.
Pourquoi ce titre qui évoque évidemment Agatha Christie ? Tu venais de le relire ?
Non. Mais c’est un policier qui m’a marqué à l’époque. D’ailleurs, je l’explique dans le bouquin… Pour moi « Les 10 petits nègres » est une espèce de modèle du genre. Une histoire qui vous scotche et vous énerve tout autant, car on n’arrive pas à trouver la clé, sauf à la fin lorsque… enfin, je vous laisse lire, je ne vais pas déflorer le sujet, même s’il a été pas mal copié depuis.
En plus, on y trouve les trois grands classiques du théâtre appliqués à la littérature policière : l’unité de lieu,- ici c’est une espèce de huis-clos -, de temps, - neuf jours-, et d’action : une mécanique qui fonctionne comme une horloge avec les douze coups de minuit.
Tu as donc dû faire un plan ?
A postériori. Le premier jet s’est fait en quinze jours… puis j’ai dû relire et relire, pour gommer toutes les invraisemblances et mettre les rouages au bon endroit.
Il y avait des couacs ?
Oui, surtout dans la répartition du temps et dans la désignation des personnages… chaque négresse a en effet son nom de carte d’identité et le surnom qu’elles se donnent entre elles. Là, il fallait pas que je m’emmêle les pinceaux. C’est pour ça que je les ai dessinées… afin que le lecteur les visualise et ne les confonde pas lorsqu’elles parlent entre elles ou bougent dans un même espace…
Une sorte de Cluedo en fin de compte ?
Tout à fait ! Qui a tué Miss Scarlet ou le professeur Plum ? Est-ce le colonel Moutarde ou le révérend Green ? On distribue les cartes et on tente de percer le mystère.
Sauf que dans les « 10 petites négresses »…
On n’en parle pas !!! Par pitié. L’ histoire est ce qu’elle est, mais la solution finale est, je crois, très particulière et je supplie ceux qui auront lu le bouquin de ne surtout rien révéler, je dirais même de ne pas faire de commentaire, car dans ces pages TOUT compte : le moindre mot, le plus petit détail…
Là, je confirme !!!! Dis, un truc me chiffonne... Chloe des Lys n’a pas fait d’ennuis pour accepter ce manuscrit ? Les clés y sont quand même grosses comme des serrures de portail et les négresses, qui se reconnaîtront, chargées à mort, non ?
Non, je crois que CDL a la chance d’avoir un comité de lecture d’une qualité et d’une intelligence hors du commun. Et je ne dis pas ça pour les flatter… d’ailleurs ils m’ont refusé le premier manuscrit !
Ah bon ?
Oui, pas pour le sujet qui je crois leur a plu, mais pour mes innombrables fautes d’orthographe ! Plus d’une par page et il y en a cent cinquante ! Je pourrais te montrer leur avis circonstancié : c’est oui, à la condition expresse que je leur propose un nouveau manuscrit corrigé ! Heureusement que j’ai trouvé une bonne poire bien blête, prête à tomber de l’arbre, pour revisiter mes textes et apporter les corrections… j’imagine d’ici les profonds soupirs qu’elle a du exhaler tout au long de son calvaire. Une sainte… c’est la même qui a fait cette splendide couverture qui donne le tournis. Vous la reconnaîtrez.
Passons. Donc pas de résumé de l’histoire ?
Surtout pas.
Et les autres contes déjà écrits avant que ce cinquième ne dérape ?
Ils seront repris dans un « Contes Bizarres III » que j’espère publier début 2014, si le comité de lecture l’accepte.
Toute dernière question, si tu veux bien... Tu as un style très particulier : à certains moments (pas si rares d'ailleurs), ton texte est poétique, très imagé. A d'autres, il est très parlé. Est-ce que cette ambivalence est un reflet de ta personnalité ( et est donc inné), ou est-ce que cette multiplicité de styles est là pour réveiller le lecteur, ou booster le texte ?
En tous les cas, il n'y a rien de préparé ni de volontaire, je suppose donc que c'est inné. En fait, je n'écris pas mais "raconte" des histoires et je le fais comme si nous étions toi et moi dans un resto ou à la maison à bavarder tranquillement. Je t'explique, je fais de grands gestes, je suppose que je dois tirer des mimiques pas possible, j'imite les voix de mes personnages et parfois même je crie ! C'est une sorte de one man show et je suppose qu'inconsciemment j'en ajoute un peu pour créer l'ambiance et maintenir le suspense.
Après y'a plus qu'à retranscrire...
Dans chaque village de France et de Navarre, tu trouveras un conteur capable de captiver son public de cette façon, sans l'avoir appris. C'est comme ça !
Peut-être, oui... Il est vrai que "Les dix petites négresses" tiennent autant du thriller, je dirais, que du conte. En tout cas, les personnages qui s'y cotoient sont plus vrais que nature !
Je n'en dirai pas plus, même sous la torture, juré Bob! Mais j'ai hâte que le livre sorte pour le tenir entre les mains et vous livrer une fiche de lecture pas piquée des hannetons !!!! Ma vengeance à moi...
Vous le savez tous, mais je vous rappelle que tout l'univers de Bob se retrouve dans ses deux précédents opus (Contes bizarres 1 et 2) et, bien évidemment, sur son site, www.bandbsa.be/contes.htm.
Christine Brunet
www.christine-brunet.com