Philippe WOLFENBERG : l'écriture est "gravure d’émotions, de sentiments et de souvenirs sur le papier "
Ah, curiosité, quand tu me tiens ! Dès qu'un nouvel auteur pointe son nez chez Chloé des lys, je n'ai de cesse d'en apprendre plus, de le cerner, de comprendre ce qu'il écrit et comment. Le plus souvent, cette curiosité se solde par un flop : l'auteur garde son univers pour lui et seulement pour lui. La frustration me guette alors.
Mais parfois il accepte de répondre à mes questions... Philippe Wolfenberg n'a pas hésité une seconde et je l'en remercie. Les questions se pressent comme d'habitude. Je dois faire un tri.
Alors, commençons par le commencement : une courte présentation, histoire de faire connaissance...
Je m’appelle Philippe WOLFENBERG (Philippe étant mon véritable prénom et WOLFENBERG, un pseudonyme qui veut dire « Montagne aux loups »). Je suis né à Liège, il y a un peu plus de 48 ans et j’habite à une dizaine de kilomètres de cette ville (l’avantage des espaces verts à quelques minutes de la métropole). Je travaille dans une asbl où j’occupe le poste de secrétaire. Je suis célibataire… Sans doute, mes chats sont-ils les seuls à supporter mon caractère impossible?
Pseudo original: pourquoi ce choix ? Tout simplement parce que je suis proche de la nature ; donc, de la faune et de la flore et que le loup est un animal qui me fascine. J’avais donc opté, au départ, pour « Philippe WOLF »… Mais ça ne me semblait pas assez « accrocheur ». J’y ai ajouté « BERG » (montagne) et changé « WOLF » en « WOLFEN » (qui est le pluriel).
Depuis quand écris-tu ? Mes premiers textes sont vieux d’une vingtaine d’années. Du moins, ceux que j’ai gardés.
Sinon, auparavant, j’avais déjà « griffonné » quelques ébauches, ça et là.
Tu écris en prose... Pourquoi ne pas avoir choisi la poésie, par exemple ? en as-tu déjà écrit ? J’ai débuté par la poésie… Et j’ai quelques dizaines de poèmes dans mes cartons (que je soumettrai, peut-être, à Chloé des Lys dans le futur).
Je pense que la poésie est plus esthétique que la prose mais ne permet pas de développer suffisamment un sujet.
Sans doute, oui. Définis le mot « écriture », s'il te plaît... Tâche ardue que celle-là ! Je dirais : mise des mots en musique ; thérapie ; gravure d’émotions, de sentiments et de souvenirs sur le papier ; besoin vital…
Pourquoi écris-tu ? Un déclencheur ?
Comme je l’ai déjà dit, c’est une sorte d'auto psychanalyse. Ca me permet, également, de vivre des vies qui ne sont pas (et ne seront, sans doute, jamais) les miennes. Enfin, il arrive que les événements m’obligent (le terme n’est pas trop fort) à martyriser le clavier. Ainsi, le premier chapitre de mon roman (en cours de publication chez Chloé des Lys) est autobiographique et ne devait, au départ, pas avoir de suite.
Ah ? Pour quelle raison ? le choix de la publication s'est-il imposé par hasard ? Comme je considère l’écriture comme une thérapie, j’ai l’habitude de coucher sur le papier les événements (et les émotions) que j’ai des difficultés à gérer. Le premier chapitre de mon roman en est l’illustration. C’est le récit d’une soirée d’adieu. Je voulais en garder une trace écrite. Puis, l’idée d’en faire le point de départ d’une histoire plus longue s’est imposée ainsi que l’envie qu’elle soit publiée.
Ecris-tu pour toi, pour les autres ? Sans hésitation : pour moi… Mais il est vrai que voir mon « travail » apprécié par le plus grand nombre est une récompense que je ne néglige surtout pas.
Facile ou difficile d’être lu ? Trouver une maison d’édition n’est pas une sinécure. Sinon, pendant l’écriture de mon
roman, j’avais pris l’habitude de donner à lire le résultat d’une journée de cogitation à quelques personnes de mon entourage. C’était toujours intéressant – et souvent gratifiant – d’écouter leurs « ressentis ».
Comment voit-on ta passion de l'écriture autour de toi? Je dirais que les ¾ des personnes à qui j’ai fait lire mon manuscrit ont été enthousiastes quant à la forme et au fond mais les encouragements sont rares. C’est un peu frustrant mais puisque j’écris avant tout pour moi, ce n’est pas vraiment un problème.
D’autres passions ? Lesquelles ? Ont-elles un lien avec l’écriture ? La lecture (surtout d’essais, actuellement), la photographie (mes deux sujets de prédilection étant la nature et les vieilles pierres), les balades (source d’inspiration pour l’écriture et la photographie), la musique (il ne s’écoule pas un jour sans que j’en écoute), la minéralogie, l’ésotérisme (qui, parfois, a des liens avec la passion précédente), l’informatique et le jardinage (avec une propension à collectionner les beaux bonsaïs).
Un lien entre toutes ces passions? Se retrouvent-elles dans tes écrits, les conditionnent-elles?
La recherche de l’esthétisme. La perfection de la nature a, sur moi, un pouvoir d’attraction extraordinaire. L’architecture et la décoration aussi. Et ça se retrouve, en effet, dans les descriptions qui parsèment mes écrits. Quelques touches d’ésotérisme sont, également, diluées dans l’ensemble. Bref, le lecteur attentif devrait en apprendre beaucoup sur mes passions (et sur moi-même) en lisant ce livre.
Quel est ton rapport avec tes personnages ? Fusionnel ! Je suis le héros de mon roman et il est moi, son créateur. Quant à sa « jumelle », je me suis inspiré d’une femme que j’ai adoré côtoyer par le passé. Je l’ai, bien sûr, rendue plus parfaite mais le souvenir que j’ai d’elle coïncide quasiment trait pour trait avec la belle méditerranéenne de mon livre. Il y a aussi une enfant qui personnifie mon regret d’avoir délibérément choisi de ne pas en avoir. Et les personnages secondaires sont, pour la plupart, calqués sur des gens que je connais (ou ai connus) et apprécie.
Nouvelle question, si tu veux bien... Peux-tu définir ton style ? J’aime que l’harmonie règne entre les mots… Que la façade soit belle et attirante. Je crois que le lecteur sera interpellé par les nombreuses descriptions (personnages et lieux) qui ponctuent le récit. Mais l’extérieur ne doit pas prendre le pas sur les émotions. Finalement, je ne raconte pas uniquement une histoire… Je tente de raconter la passion… Sans cette dernière, la vie ne vaut pas d’être vécue.
Compliqué de mettre le point final au récit ou est-ce un soulagement ? Au risque de me répéter, je suis le héros de mon roman. Et même si les aventures de mes personnages ne s’arrêtent pas au mot « fin », j’ai vécu le moment où mon index a frappé la touche « point » du clavier pour l’ultime fois comme très douloureux. Mais les nombreuses relectures que j’ai effectuées avant et après avoir envoyé mon manuscrit aux Editions « Chloé des Lys » ont été, au contraire, synonymes de renaissances multiples et bienvenues.
Me voilà au moment le plus délicat de l'interview, la conclusion... Allez, cette fois, ce sera un extrait choisi... Une autre approche, plus concrète de l'univers de l'auteur... Bonne lecture !
Je me suis levé tôt afin de profiter des premières heures de la journée. Caterina dort profondément. Au moment de quitter la chambre, je passe précautionneusement la main dans sa chevelure ébène. Cette assuétude tactile – que j’ai cultivée au fil de mes relations avec l’autre sexe – a, probablement, atteint son paroxysme depuis que cette merveilleuse strega1 m’a envoûté. J’écris un mot que je laisse à sa portée et, sans un bruit, je descends les escaliers. A mon passage, les chiens se redressent mais, sur un ordre de ma part, ne me suivent pas.
Le ciel est pervenche et vierge de tout nuage. Sous le souffle du vent, tiède et imprégné des senteurs matinales, le feuillage juvénile des arbres ondoie dans un bruissement feutré qui sied à la naissance tranquille du soleil.
Eparpillés aux quatre coins du parc, des massifs de fleurs printanières lui donnent l’apparence d’un tableau de Georges Seurat2.
Je longe l’étang, bordé de saules pleureurs et surmonté des volutes d’une brume ténue, puis remonte le cours du ruisseau qui s’y abîme après avoir donné vie à de multiples cascatelles.
A quelques mètres du pavillon, un chêne à la silhouette alambiquée protège le vieux banc sur lequel je viens de temps en temps me livrer à l’exercice délicat du retour sur soi.
Je repense à Elena. D’autres l’ont précédée mais elle incarne mon premier amour. Elle fut, en son temps, celle avec qui j’imaginais pouvoir défier les lois éternelles de la banalisation. L’aveuglement qui caractérise les esprits passionnés nous a conduits à répéter les mêmes comportements insensés jusqu’à ce qu’elle soit raisonnable pour deux. La raison… Parlons-en ! Elle conspire contre nous lorsqu’elle nous empêche d’atteindre la plénitude. C’est, du moins si mes souvenirs sont exacts, l’avis de Freud3. Et le mien aussi ! Même si Chloé a su pallier la dérobade de mon illusoire sœur incestueuse, j’ai cru ne jamais guérir.
Puis, Caterina est apparue. Les pages que nous écrivons, elle et moi, auraient dû l’être bien plus tôt. Le reste de mon existence ne suffira pas pour l’aimer comme elle le mérite. Y parvenir exigerait un millier de vies… Et encore ! Ce bonheur est tellement grand et tellement idéal qu’il est fait pour habiter les rêves et non une réalité trop étriquée qui l’emprisonne. Il fait mal tant il est impétueux, tel un océan déchaîné. Il est suffocant quand il s’insinue dans la moindre de mes respirations. Il est, surtout, l’étincelle primordiale qui me permet de trouver un chemin parmi les ténèbres où baigne ma personnalité abusivement tournée vers la démesure affective.
* Phil ?
Je me retourne. Elle porte une robe, légère et courte, aux motifs floraux variés. Par-dessus, un gilet la protège de la fraîcheur ambiante sans cacher le profond décolleté qui met ses seins en valeur.
* Viens t’asseoir…
* Pourquoi ne m’as-tu pas réveillée ?
* Tu paraissais si sereine… Et… Je voulais être seul…
* Oh ! Te fatiguerais-tu déjà de ma présence ?
* Tu le penses réellement ?
* Non ! Mais j’aime être rassurée…
* J’ai un besoin viscéral de te savoir à mes côtés… Mais, aussi singulier que cela puisse paraître, ton absence momentanée corrobore l’authenticité de cet axiome…
* Pendant que je m’habillais pour venir te rejoindre, j’ai allumé la radio… Elle diffusait la chanson de Rui Da Silva… Celle où une voix féminine suave répète « I need you so much… »1
1 J’ai tellement besoin de toi…
* Et ?
* Je pourrais passer des heures à te dire ces mots…
* Tu as déjà fait l’amour sur un banc ?
* Non !
* C’est le moment de combler cette lacune… Tu ne crois pas ?
Son rire espiègle, quand elle bascule en arrière sous le poids de mon désir, est la plus plaisante des réponses.
Christine Brunet
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