Christine Brunet interroge ALAIN MAGEROTTE: "il était une fois, au siècle dernier, en l'an 1994 après J-C..."
Il était une fois un écrivain mystérieux... Ma rencontre avec Alain Magerotte pourrait commencer de cette façon... un peu comme ses réponses aux questions que je n'ai pas manqué de lui poser...
Ce qui fait que j'ai envie de parler de lui? Très simple... le petit interview qu'il a donné en janvier 2009 pour le blog de Chloé des lys...
D'abord une image... comme je les aime qui, immédiatement, m'emmène ailleurs...et puis la réponse à la question: "t'écris quoi?"... Des nouvelles fantastiques et policières... A partir de là, plus possible de résister... Heureusement, il a accepté de jouer le jeu...
Dis, depuis quand écris-tu?
Ce n’était pas prémédité… je vais vous parler d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître :
Il était une fois, au siècle dernier, en l’an 1994 après J.C. pour être précis, trois fanas des «Guignols de l’Info» et de Groland (plus tard) qui lancèrent, sur les lieux de leur travail, un «opuscule corrosif» comme le qualifiait de manière pontifiante leur DG de l’époque. Pour l’appellation dudit opuscule (un périodique serait plus juste), après avoir hésité entre «Napalm !» et «Le Canard Déchaîné», les trois lascars jetèrent leur dévolu sur cette dernière.
Durant 6 numéros, «Le Canard Déchaîné» allait amuser, intriguer, irriter… personne n’était épargné, pas même les auteurs qui fonçaient gaillardement à travers tout, sachant pertinemment bien cependant que «ce n’était pas n’importe quand, encore moins n’importe où, et certainement pas n’importe comment, que l’on peut rire de n’importe quoi avec n’importe qui». Une vérité proférée, en son temps, de manière plus simple, par Pierre Desproges si je ne m’abuse.
Bref, assez ri… après deux convocations chez le DG… les trois snipers rangent leur stylo et leur fiel allure, après avoir été priés, notamment, de ne plus se payer la tête de la classe politique, des religions et de leur… Directeur.
Je me suis donc retrouvé en mal d’écriture (c’est que j’y avais pris goût, moi…). Compatissant à mon désenchantement, un de mes deux acolytes me signala qu’un concours de Nouvelles était organisé par le Club Simenon à Verviers…
Je me suis lancé à l’eau (je n’avais jamais écrit de nouvelle)… quelques mois plus tard, j’ai reçu une lettre tapée à la machine me signalant que je n’étais pas lauréat. Cependant, au bas de ladite lettre, écrite à la main, il y avait cette phrase : Je tiens à vous signaler que votre Nouvelle a retenu l’attention de certains membres du Jury.
C’était à la fin de l’hiver 96-97. Je mis un terme à mon hibernation en me lançant dans l’écriture de Nouvelles. Nous étions en mars 97.
Tu y as partiellement répondu mais... enfin... Pourquoi tu écris ?
Parce que je suis complètement ludique et abominablement sadique.
Ludique… j’ai toujours fait de la détente et de l’amusement, des priorités. Cela m’amène au plaisir de raconter des histoires et, de préférence, des histoires qui sortent de l’ordinaire, ce qui me permet de rendre celui-ci… moins ordinaire. J’ai toujours été un amateur de fantastique. Ma série culte est La quatrième dimension.
Tiens, moi aussi... mais j'en faisais des cauchemars...
Sadique… ben oui… je ne voudrais pas vivre ce que vivent certains de mes personnages ! C’est tellement jouissif de se dire que cela ne m’arrivera pas… et que… dès lors… tiens, je vais en remettre une couche (Ah ! Ah ! Ah ! – ricanement sadique, évidemment). Au fait, suis-je vraiment certain que cela ne m’arrivera pas ?.... (Ah ! Ah ! Ah ! – rire moins franc teinté de la couleur jaune).
Que t’apporte l’écriture ? A te lire, je m'en doute, bien sûr... Alors ?
L’évasion, ma bonne Dame, l’évasion ! Le rêve ! Ça me rappelle que, enfant, lorsque je sortais d’une salle de cinéma, il me fallait un moment avant de me réconcilier avec l’affligeante et banale réalité. Pendant une heure et demie, je m’étais laissé transporter par l’action, les couleurs, les personnages. Tout me paraissait beau, grand, merveilleux. Dehors, tout me semblait gris, terne, étriqué.
D’après ce que j’ai lu, tu as choisi la prose pour t’exprimer : pourquoi ?
Parce que j’ai le sentiment que c’est ce que je fais de moins mal. Je ne suis pas insensible à une certaine forme de poésie mais ce n’est pas mon truc. Respect total cependant. Je suis d’ailleurs plus sensible à la poésie lorsqu’elle est mise en musique. Par exemple, j’écouterai plus volontiers La ballade des pendus par Reggiani (superbe !) que je ne lirai l’oeuvre écrite de François Villon. Un autre exemple : certains poèmes d’Aragon… un must lorsqu’ils sont chantés par l’immense Ferrat !
Comment construis-tu tes histoires, tes personnages ? Inspiration réelle ? Plus à l’aise dans le genre «Nouvelle» ou le récit au long court ?
Pas de plan. Pas de règles définies. Je pars dans l’inconnu, c’est la bouteille à encre. Evidemment, la brume se dissipe au fur et à mesure et cela, après avoir souvent changé de cap.
Il m’est aussi arrivé, chemin faisant et suite à une réflexion personnelle sur une attitude ou un fait constaté, de me dérouler l’histoire dans la tête et de la retranscrire d’un seul coup d’un seul, une fois arrivé à destination. Ce fut le cas, notamment, avec la Nouvelle Levieil homme et la pluie (BIZARRERIES EN STOCK , 2004)… Je me rendais au boulot à pied, il pleuvait. J’ai croisé un vieil homme, il tenait un parapluie. L’idée m’est alors venue de raconter l’histoire d’un vieil homme qui ne sortait que les jours de pluie. Pour lui, l’eau c’était la vie et le soleil… la mort !
Et puis, il y a les Nouvelles «frigo». J’écris plusieurs pages et, oups, je cale. Une idée me vient mais je ne la trouve pas suffisamment bonne… une autre idée, je ne suis toujours pas satisfait… je la mets alors au «frigo» et passe à autre chose. Il y en a ainsi que je termine deux, voire trois ans, après leur «démarrage». Ce qui me permet d’enfin les terminer ? Une envie tenace de vouloir aller jusqu’au bout liée au fait que je n’ai rien «sur le feu» à ce moment-là.
Nouvelle. Ce que j’aime dans l’écriture d’un recueil de Nouvelles, c’est qu’on se retrouve dans dix ou quinze histoires différentes. Il faut en quelques phrases, planter le décor, présenter les protagonistes… faire preuve de précision, de concision.
Le roman est plus une épreuve de longue haleine… je me sens davantage dans la peau d’un coureur de 100 mètres que dans celle d’un marathonien. Mais qui sait, peut-être qu’un jour… quand me viendra l’idée d’une histoire qui nécessitera un plus long développement.
Que ressens-tu quand tu écris ? Un besoin ? Es-tu proche de tes personnages ou très détaché ?
Du plaisir, encore du plaisir, toujours du plaisir ! Le plaisir est un besoin vital, n’est-il pas ?
Cela dépend. Quand il s’agit d’une jolie femme, j’aime autant être proche (rires). Bon, plus sérieusement, je raconte souvent mes histoires à la première personne, mettant ainsi mes inhibitions de côté pour franchir plus facilement les barrières d’une certaine pudeur. C’est une soupape que je fais sauter, ce qui me permet d’aller encore plus loin dans le délire ou la logique paranoïa.
Je suis présent dans les trois-quarts de mes récits… mais à doses homéopathiques.
Chaque écrivain a une façon bien à lui d'aborder l'écriture... Il y a ceux qui ont besoin d'un plan, d'un fil conducteur sur lequel ils construisent leur récits, d'autres qui laissent aller leur plume au fil de l'imagination, d'une idée qu'ils développent à l'extrême, d'un mot qu'ils ont entendu ou d'un visage qu'ils ont entr'aperçu. Alain Magerotte est de cette dernière catégorie...
Qui d'entre nous ne s'est pas dit en se relisant: ouah ! c'est moi qui ai écrit ça ? Non... Pas possible ?! Mais où est-ce que je suis allé chercher tout ça ?
L'Inspiration... C'est la seule réponse possible... La passion d'exprimer ce petit "truc" immatériel qui nous possède... et nous oblige à créer...
Alain Magerotte n'a pas de site mais chacun pourra le retrouver sur facebook... et dans L'ACTU link
Christine Brunet, interview paru le 18/07/2010 sur le blog "recreaction"
http://recreaction.over-blog.org
http://aloys.over-blog.com