Georges Roland: mes récits sont des divertissements...

Publié le par christine brunet /aloys

http://georges-roland-auteur.wifeo.com/images/photogeorges.jpgMon premier contact avec Georges Roland fut lors de sa présentation sur le forum des auteurs de Chloé des lys... Un court texte plein d'allant truffé de mots que je ne comprenais pas... Piquée au vif, j'ai voulu en savoir plus sur ce personnage atypique qui, en guise de perruque, porte sur sa photo une perruche ... En dérogeant un tant soit peu de la trame habituelle de mes interviews, je lui ai demandé de se présenter...


 Né à Bruxelles au sortir de la deuxième guerre mondiale, je suis un parfait bâtard belge, tiraillé entre cultures flamande et francophone. Et je n'aime ni les caricoles, ni la gueuze.


Qu'est-ce que tu dis en bas de ça, fieu ? 


Tu peux dire que je suis un Brusseleir récalcitrant et mangeur de poulet, un kiekefretteranar, en quelque sorte.


Révérence parler, mon sabir belgicain vaut bien l'english pidgin qu'est devenue la langue française, ce qui ne m'empêche nullement de la défendre contre l'invasion mondialiste. Je dis nonante-neuf au lieu de quatre-vingt-dix-neuf, je mange des pistolets, du cramique, et bois de la kriek et de la faro. À mes yeux, cela vaut mieux que d'utiliser des raccourcis anglo-saxons et de se ruiner l'estomac avec des chiens chauds rebaptisés, en guise d'assujettissement à la tendance.


http://georges-roland-auteur.wifeo.com/images/nivelles.jpgJe suis chauve, mais pourquoi se couvrir la bille d'une perruque, alors qu'une perruche, en plus, est capable de chanter et de parler ? J'orne donc ma calvitie d'une calopsitte.

 

Qu'est-ce que je vous disais ? Je présume que pour un Belge, ce vocabulaire coule de source... Mais pour une pauvre provençale exilée en Auvergne, c'est "une autre paire de manche"... De toute façon, j'ai ouvert un dictionnaire bruxellois/français sur internet... je suis au point !

Tu as une bibliographie importante... Depuis quand écris-tu et quelles sont tes sources d'inspiration ?


À dix-sept ans, je m'imaginais mélange : un tiers de Hendrik Conscience, un tiers de Victor Hugo, un tiers de Paul Verlaine, et surtout, un grand tiers de Albert Camus.


On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans.


L'appel de la scène fut un déclic, je m'investis dans des interprétations, des mises en scène, et enfin, l'écriture. Je montai des pièces pour enfants, pour adultes, initiai des adolescents à la magie du théâtre. J'écrivis des textes de chansons, des nouvelles, des romans. Tout le bataclan, quoi ? 


Quand on aime, pourquoi s'embarrasser plutôt que de s'embraser?

 

Tes histoires sont très ancrées dans le terroir...   Pourquoi ?

Je suis avant tout belgo-bruxellois.


Bruxelles et la province de Brabant apparaissent dans tous mes romans. Ils en sont les décors récurrents. Certains auteurs sont voyageurs impénitents, avides de découvrir la Terre. Moi, je reste sur place, chez moi, avide de connaître MA terre. C'est un peu comme si je voyageais autour de ma chambre.http://georges-roland-auteur.wifeo.com/images/BROL1.JPG

 

Est-ce que je n'ai pas intérêt à sortir de chez moi ? J'ai passé mon existence entre les USA, l'Eire et la Belgique. Ma fille habite Madrid, a épousé un Argentin de Buenos Aires. J'ai vu des villes merveilleuses, des villages inoubliables, Istanbul, Montevideo, El Djem, Colonia de Sacramento... et tout cela me ramène à Bruxelles, au Brabant. Pourquoi faire partir mes personnages de par le monde, alors qu'il se passe tant de choses dans la rue à côté ?


Tes récits jouent avec les mots, les attitudes comiques, loufoques... Pourquoi ce choix ?

 
 La farce et l'auto-dérision sont les mamelles de la bruxelloise attitude. C'est ce que nous appelons la zwanze. Notre langage est sans vergogne, criblé de rires, dégoulinant de bières incroyables, et sans doute imbuvables pour un étranger (Baudelaire a comparé la faro à de la bière deux fois bue) ; de plus, il ne faut jamais perdre de vue que notre emblème est un... Manneken Pis !


En tous temps, la fiction l'emporte dans mes récits. J'adore les fruits capiteux de l'imagination, et l'ivresse de commander le destin de mes personnages. J'aime cette phrase de Victor Hugo dans Océan : « La raison, c'est l'intelligence en exercice, l'imagination, c'est l'intelligence en érection.» Elle est le fil rouge de mon écriture. L'imagination, qui manque tant à notre époque de chroniques biographiques et de télé réalité au goût amer de déjà vécu. Créer des personnages-reflets d'êtres réels, mais sublimés par l'imagination, mis dans les circonstances les plus dramatiques, les plus loufoques, les plus tendues, par un auteur-marionnettiste, voilà où je trouve ma plénitude. Plus que de moi-même, j'ai besoin de ces gens ―non pas des héros, des anti-héros, des super-héros, simplement des ectoplasmes de l'imagination, qui me suivent partout, se trainent ou galopent dans les rues de mes délires. Ils sont conscients de vivre dans une pièce de théâtre, dans un roman, et ne se privent pas de le dire au lecteur, au spectateur. Car l'imagination doit friser le délire, elle doit être outrancière, décalée, nettement distincte de la réalité, puisqu'elle en est issue.

http://api.ning.com/files/8-p3w3RQ5y5KYJfc37d3*3kG*0B-Py-c3vt30Mf*cI6Z7tV6TUYLx*qe-8WRk2gbz6XlmWwHX8menjbewKMV*bLACNdwG0Ml/clercrecto.jpg?size=173&crop=1:1Mes récits sont des divertissements, non des compte-rendus, des dépliants de voyage ou des témoignages sur le vif. Ils sont, justement, la déraison, sans oublier que «Ex nihil, nihilo» rien n'est issu de rien, les personnages, les situations, les décors qui glissent le long de ma plume vers le clavier de l'ordinateur, sont il est vrai, bien réels, tout juste transformés.


C'est le lot du surréalisme.


J'ai laissé tomber depuis un moment mon dictionnaire bruxellois/français, happée par les mots de Georges Roland... Et je me surprends à imaginer ses ectoplasmes de l'imagination qui peuplent  des décors rocambolesques...


Le texte qui va paraître chez CDL est-il de la même veine?CDR-couv24.jpg

 

Justement... Je veux insister sur le fait que le récit (roman anarchronique) qui va paraître chez CDL est écrit en "bon français" et que je n'utilise le dialecte bruxellois que dans certains romans (entre autres la suite de polars humoristiques "Roza et le commissaire Carmel"). Un peu (en toute humilité) comme Pagnol avec sa trilogie. Je te signale que César- Fanny- Marius lui ont été inspirés par une pièce jouée en bruxellois, et qui a eu un succès considérable (on la joue toujours chaque année à Bruxelles) "Le Mariage de Mademoiselle Beulemans".


A une époque où il faut un dictionnaire anglo-saxon pour comprendre sa propre langue, il me paraît rassurant d'apprendre qu'il existe aussi sur Internet un dictionnaire de bruxellois (bien que, souvent, il soit composé par un non-zinneke(né à Bruxelles) et donc erroné).


Cart1eR.jpgJe dois ajouter que ma langue maternelle est le Flamand, que j'ai appris le Français à l'école, et que c'est sans doute pour cela que je la révère tant.

 

Un nouveau tournant dans ton processus de création?

Je te déçois tout de suite, il ne s'agit PAS DU TOUT d'une évolution dans l'écriture, plutôt une trajectoire parallèle.

 


Textes comiques, humoristiques, surréalistes mais aussi poèmes... Toute une panoplie qui permet à Georges Roland d'exprimer librement son ressenti, de jouer avec le style et les mots pour donner une autre dimension à ses textes et proposer au lecteur un univers aux sensations plurielles...

Auteurs, musiciens, sculpteurs (...) ne sont-ils pas amenés  à multiplier peu à peu les formes d'expression pour atteindre le plein épanouissement de leur passion créatrice ?

 

Il ne reste plus qu'à lire ses textes... avec ou sans dictionnaire... parfois avec un petit sourire aux lèvres en laissant notre imagination faire le reste.

 

C'est tout ce que je demande à un auteur: me faire rêver, me faire voyager... Pas vous ?

 

Allez à la rencontre de Georges Roland sur http://www.bernardiennes.be  et  http://www.georges-roland.com

 

Christine Brunet

Interview donné le 11/07/2010 pour le blog "recreaction"

http://recreaction.over-blog.org

http://aloys.over-blog.com

 

Publié dans interview

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M
<br /> <br /> Yende, ça a l'air d'être un tof pei !<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Mon Dieu qu'on aime son pays quand on rencontre un gars comme ce Georges ! mais qu'est-ce qu'il à ce Georges, demandait Adamo à<br /> Olivia Ruiz ...Il parlait de Georges Roland n'est-ce pas ? Non ? Ah, il me semblait bien ! Un gars qui a et de l'humour, et de la culture ...ça se respecte m'sieurs dames !<br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Rabelais serait-il un ket de Bruxelles, finalement? On le dirait bien...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> J'adore ce grand rire littéraire, mêlé à un grand talent. Un jongleur de mots, et un Belge vrai de vrai!<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> J'aime cette description foisonnanate à la truculence baroque.<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Un auteur aux facettes multiples... qui explore chaque possibilité que l'écriture lui offre. Une découverte enrichissante...<br /> <br /> <br /> <br />
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