Texte n°8 pour le concours "si l'hiver m'était conté"
Si l’hiver m’était conté...
Décembre ! Une pluie verglacée martèle le carreau. Je vais y tremper ma plume afin de dépeindre l’hiver qui a déjà lacéré, de ses griffes aiguisées, le bel automne doré. C’en est fini des aurores rayonnantes et des crépuscules sanglants. De plus en plus, la nuit s’étire voluptueusement sur le jour, le recouvrant de ses voiles sombres. Au dehors, le vent souffle en tempête et balaye tout sur son passage. Voici les longues soirées embaumées du parfum des châtaignes grillées sous la cendre et où, pour braver l’ennui, je plonge entre les pages d’un bon livre.
Enfin Noël! Cet instant magique qui magnifie l’éternel combat pour la renaissance de la lumière : Sol Invictis !
Des millions de papillons blancs se sont posés sur terre. Il a neigé ! En une nuit, ce monde de grisaille s’est transformé en un lieu féerique et glacial où une rose vermeille, rescapée de toutes les tourmentes, s’est confite de givre sous l’âpre baiser de l’hiver.
Les lettres se figent sur la pointe gelée de mon stylo. A la chaleur de la lampe, elles coulent sur la feuille blanche, glissent, s’entrelacent et composent des mots. Des étoiles de givre apparaissent à la fenêtre, constellations aux couleurs irisées, inconnues des astronomes. J’ai froid ! Le temps semble s’être arrêté. Un nouveau monde est né du souffle transi de janvier. Royaume étrange dont le roi est ce bonhomme de neige qui trône, là-bas, dans le jardin...
Dans l’aube violacée, la campagne ressemble à une planète inexplorée où seules les empreintes de mes pas restent imprimées dans la neige. Une corneille s’envole et brise le silence de son croassement sinistre. A cet instant, le vent emporte des vaguelettes de poudreuse cinglante qui font bruire les tiges séchées du bord des fossés. Les perce-neige ont cassé la croûte de neige givrée et pointé le bout de leur nez bleui de froid. Dans la mangeoire, une ribambelle de mésanges, rouges-gorges et autres passereaux picorent des graines de tournesol.
Une odeur de crêpe flotte dans la cuisine! Les jours s’allongent. De plus en plus souvent, un pâle rayon de soleil caresse la terre et fait fondre la neige.
Dans la douceur de mars, l’hiver se meurt. Son coeur de glace se dissout en gouttes d’eau limpide et il expire dans le murmure cristallin du petit ruisseau qui serpente parmi les prés reverdis !
Mais, hélas, mon encre sympathique s’est évaporée dans l’air tiède d’une belle journée !