Barbara Flamand 2e partie "Les métamorphoses insolites", extrait de la nouvelle "La robe de lumière"
2ème partie "Les métamorphoses insolites"
Extrait de la nouvelle "La robe de lumière"
Le soleil me chauffait, mes membres devenaient mous, une torpeur me gagnait.
« Tout ceci a-t-il un sens ? » dis-je faiblement en arrachant une poignée d'herbe et en la portant devant mes yeux. Marcher sous les arbres, vouloir percer le secret de leurs racines, torturer ma conscience pour qu'elle me dicte les actes essentiels ». Je répétai :
« Tout ceci a-t-il un sens ? »
L'air paraissait presque matériel, il vibrait en vagues scintillantes qui blessaient mes paupières. Tout à coup, il se divisa pour faire place à une longue forme d'un chatoiement aveuglant. Je fermai les yeux. Quand je les rouvris, la silhouette était toute proche. Je vis d'abord des sandales, puis une robe de lumière et enfin le visage, fin et racé, encadré de longs cheveux souples.
– Bien sûr que tout ceci a un sens, dit-il. Et il sourit d'un sourire fragile, délicat comme ses paupières allongées en aile d'oiseau.
Je ne répondis pas, le souffle me manquait. Alors, il se présenta : « Je suis le Maître de Vie ».
– Le Maître de Vie ! fis-je, d'un air à la fois cérémonieux et détaché, alors que l'émotion me desséchait la gorge.
– Monsieur, repris-je, après quelques secondes, je suis une femme de bon sens. Il rectifia : « Maître, si vous voulez bien ».
– Qu'est-ce que cela veut dire, Maître de Vie ?
Il se caressait le menton comme les gens qui en savent long mais ne sont pas décidés à parler. Je lui lançai :
« Votre robe m'éblouit ».
– Evidemment, c'est la lumière elle-même !
– Et alors, qu'est-ce que cela veut dire Maître de Vie ?
– Oh, peu de chose : un souffle, une éternité.
– Ah ! Et que voulez-vous ?
– Evidemment, c'est la lumière elle-même !
– Et alors, qu'est-ce que cela veut dire Maître de Vie ?
– Oh, peu de chose : un souffle, une éternité.
– Ah ! Et que voulez-vous ?
ll se cabra.
« Mais c'est toi, Annabelle (il savait mon nom !) qui en appelles à tout ce qui bouge, croît, verdit pour savoir ce que tu dois faire de ta vie. Tu n'es pas la seule, d'ailleurs. Je vous fais un cadeau et vous ne savez comment le déballer. Bêtes comme des oies ! Il fallait vous apporter un bonheur mâché que vous n'aviez plus qu'à digérer, c'est ça? Je vous ai donné la vie, je ne pouvais donner plus quand même !
- Ni pire !
- Ni pire !
Il se mit en colère et fit voler dans tous les sens sa vêture étincelante :
« Je n'y suis pour rien. C'est vous les coupables ! Je vous ai donné un monde, façonnez-le, sapristi ! Faites-en une œuvre au lieu d'en faire un gâchis. Toi, par exemple, toi, que te manque-t-il ? Tu as un joli popotin, tout à fait joli, ajouta-t-il en soulevant ma jupe, tu as une cervelle dérouillée, un cœur tendre et fondant comme les meilleures poires de mon paradis, et tu oses demander – à ce moment précis, il arracha une poignée d'herbe qu'il jeta en l'air – tu oses demander si tout ceci a un sens ? Ecoute ! J'ai mis le sang dans tes veines, l'étincelle dans ta tête et le monde devant toi. C'est à toi de jouer. Moi, je te l'ai dit, je ne suis qu'un souffle, qu'une éternité, peu de chose ».
Sa voix avait changé, elle était douce, harmonieuse, caressante, elle venait de toutes les directions pour m'envelopper et me bercer.
Sa voix avait changé, elle était douce, harmonieuse, caressante, elle venait de toutes les directions pour m'envelopper et me bercer.
« Oh, Maître, dis-je en fermant les yeux. Oh, Maître ». Et je restai ainsi quelques secondes, immobile, sous le charme. Quand je revins à la réalité, la robe de lumière flottait loin de moi et s'engageait dans l'allée des arbres sévères.
Je m'élançai à sa poursuite en criant Maître ! Maître ! Ma voix emplissait le bois et me faisait peur. Il me semblait qu'elle allait courroucer les dryades, seules autorités reconnues et légitimées en ces lieux avec le garde forestier.
Tout à coup, j'entendis une grosse voix : « Qu'est-ce qui se passe ? »
Le garde forestier, justement. Il tombait bien. Je lui demandai d'une voix saccadée en essayant de reprendre mon souffle :
– Vous ne l'avez pas vu ? Vous avez certainement dû le voir. Il est passé par ici. Il a une robe chatoyante, une robe de lumière.
– Vous ne l'avez pas vu ? Vous avez certainement dû le voir. Il est passé par ici. Il a une robe chatoyante, une robe de lumière.
Barbara Flamand
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