Concours pour la Revue, Les petits papiers de Chloé : TERREURS NOCTURNES dernier texte, le n° 5
VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER
J'ouvre les yeux. Je me trouve en haut d'une montagne. Je tourne la tête : je suis seule à côté d’une voiture que je ne connais pas et dont je possède les clefs. Je n’ai plus conduit depuis des années. À qui peut-elle bien appartenir ? J’appelle : « Ohé ! Y a-t-il quelqu’un ? ». L’écho revient vers moi.
Je suis seule, abandonnée. Qui m’a amenée ici ? J’ai la tête qui tourne, l’altitude, je suppose. L’air est très frais. Personne ne vit dans ce coin. Un léger bruit sur le bas-côté me fait sursauter. Je m’empresse de monter dans cette grosse voiture et je m’enferme. Je fouille la boite à gants et j’en sors une lame de couteau cassée que je glisse dans ma poche. Est-ce l’instinct de survie ou bien la peur d’être agressée ?
La nuit tombe et la panique commence à s’emparer de moi. Je me décide à démarrer la voiture. Comment vais-je m’en sortir ? J’ai envie de pleurer. Les phares enfin allumés, le moteur tournant, et après avoir réglé le siège et le rétroviseur, je baisse tout doucement le frein à main. Non ! J’arrête tout ! Je ne suis pas capable de conduire cette grosse machine. Pas de panique. Je ferme les yeux, un instant.
Je fouille dans mon sac. J’en sors une petite bouteille d’eau. Je bois à petites gorgées. Je remets la voiture en marche et je commence ma descente doucement.
Une route étroite s’ouvre devant moi, très tortueuse. J’ai peur mais il faut que j’y arrive. Où ? Je n’en sais rien…
Les virages deviennent interminables. J’ai le vertige. Je me déporte légèrement sur la gauche. Il n’y a personne. J’accélère. Je n’ai plus froid, des gouttes perlent sur mon front.
Je sens ma gorge se serrer, je n’y vois pas grand-chose. J’essaie de mettre « plein phares » et je cherche à tâtons. La panique s’empare de moi. À cet instant, une bête surgit d’un talus. Je freine et m’arrête d’un coup. Les pneus crissent. C’est un lapin. Le pauvre, il est hypnotisé par mes phares. Il est figé. Je klaxonne, il s’enfuit.
Je souffle, rejetant ma tête en arrière. Je ferme les paupières et toutes sortes de scenarios défilent en moi. Je me sens engourdie. Mes jambes ne veulent plus bouger. Je me masse, remue mes pieds, étire mes bras. Je baille comme je le fais chaque fois que je suis angoissée.
Il faut que je reparte. Quelques pierres roulent au bord de la route, j’ouvre la vitre pour mieux respirer… À présent, je pleure sans pouvoir m’arrêter. J’ai si peur de tomber. J’ai si peur de mourir. J’ai si peur de ne plus exister.
Soudain, la descente se fait plus douce. Après environ trois heures de descente et de virages, j’aperçois, au loin, de minuscules lumières. Ce doit être un village ?
Je continue, il faut que j’y arrive ! Je parviens enfin sur une place. Une immense maison se dresse devant moi. Je sonne à la porte. Un homme vêtu de blanc ouvre et me tend la main.
Est-ce un hôpital ? Je suis si fatiguée que je me laisse guider. Arrivée devant une chambre, il me pousse violemment à l’intérieur.
Je sors de ma poche la lame de couteau trouvée dans la boîte à gants. Mes poignets sont en sang. Je me réveille en sursaut. Il est trop tard…