Concours : "Catastrophe, les envahisseurs approchent !" Texte 6
Les orphelins
Fendant les sombres flots de mers enténébrées
Vos arches franchissaient des gouffres insondables
Et vos regards hautains embrassaient des nuées
De mondes décadents et de peuples minables,
Quand, jaillissant d’un pli de l’espace et du temps
Dans notre ciel piqué de fleurs d’éternité,
Soudain resplendissants, vos vaisseaux arrogants
Battirent le rappel des nations apeurées.
Échoués sur nos grèves, naufragés comme Ulysse
Dont la nef éprouvée par des remous furieux
Avait été jetée dans de vastes abysses,
Démiurges ombrageux, géants talentueux,
Vous veniez nous conter le spectacle dantesque
D’astres étincelants dans leurs limbes fumeuses,
Lançant leurs langues d’or, en folles arabesques,
Pour noyer de lumière d’opaques nébuleuses…
Vous aviez contemplé du haut de votre ennui,
Par delà Capella, au large d’Orion,
Ce rougeoyant creuset, dans un coin de nos nuits,
Concoctant la folie des civilisations,
Les stellaires beautés qui cachent la laideur
Des foyers moribonds, des soleils rabougris
Qui s’enfoncent sans fin dans des fosses d’horreur
Où errent à jamais les mondes engloutis.
Puis, vos voiles gonflées d’un vent mystérieux,
La proue de vos croiseurs tournée vers d’autres ports,
Repoussant, méprisants, nos prêtres obséquieux,
Vos cyniques adieux scellèrent notre sort
Quand, sourds à nos soupirs, votre dédain profond
Imprima dans nos âmes un amour frelaté,
Et l’atroce amertume du mortel abandon
D’un cosmos déserté par nos divinités.
Dominant les vallées, tutoyant les nuages,
Depuis, toujours plus haut, nos vaniteuses tours
Grimpèrent à l’assaut du récurrent mirage
De ces fanaux lointains qui nous fuyaient toujours.
Juchés sur le sommet d’immenses pyramides
Nous durcîmes nos cœurs en de vains sacrifices,
Crucifiant à jamais, sous les cieux impavides,
Les fils de nos filles, les filles de nos fils.