Concours : "catastrophes climatiques" Texte 1
FAITS-DIVERS
Chez le bijoutier, dans la grand-rue du village, en ce début du mois de juillet, le thermomètre affiche plus de quarante degrés depuis plusieurs jours. À la supérette sur la place de l'Église, il n'y a plus une bouteille d'eau à vendre et la plupart des limonades sont en rupture de stock. Le village est gagné par un ralentissement inhabituel des activités, les animaux domestiques paraissent comme engourdis, les rares passants avancent mollement, l'herbe est rousse, les fleurs fanent, les jardins font profil bas. Dans les magasins de la ville voisine, il n'y a plus un ventilateur ni un climatiseur à pouvoir acheter et la clinique a fait le plein de patients. Des personnes âgées sont décédées et d'autres sont au plus mal.
Chaque jour est un jour en enfer. La touffeur est telle que chaque geste exige un effort à peine imaginable. La sueur ruisselle sur les fronts. Les mains et les pieds sont moites. Aucun souffle de vent ne permet de se rafraîchir. Le soir, le sommeil tarde à venir. L'air est lourd. Les pensées sont paresseuses. On se met à rêver d'une pluie fine et froide.
Les effets de la fatigue et du mal-être sont bel et bien visibles. Pour un rien, la mère gronde son enfant, le mari abreuve son épouse de reproches et l'épouse se fâche. Pour un rien, le patron menace l'ouvrier de renvoi et le client houspille le vendeur. Pour un rien, le curé et le médecin perdent leur calme habituel, le maire critique sa secrétaire, la coiffeuse soupire. Le garçon de café mémorise mal les commandes et il arrive que le serveur renverse la corbeille de pain, des couverts ou des plats. Le ton monte entre copains. Quelque chose va arriver, on le pressent, on le redoute. C'est écrit dans le ciel trop bleu, dans la terre trop sèche, dans les verres trop vite vidés.
Quinze heures, Jean-Paul tue Jeannette, son amoureuse, d'un coup de couteau parce qu'elle l'a envoyé paître en des termes violents. Seize heures trente, Mauricette bouscule sa vieille tante qui réclame un énième verre d'eau fraîche, la vieille dame perd hélas l'équilibre et se fracture le crâne. Dix-huit heures, Clémentine pousse sa fille qui pleurniche, la gamine tombe dans l'escalier et souffre de multiples blessures. Vingt heures treize, Kevin assassine une voisine dans le seul but de voler les trois ventilateurs qu'elle possède et refuse de lui prêter.
Plusieurs choses graves sont ainsi arrivées dans le joli et paisible village de mon enfance jusqu'au terme de la canicule. Ailleurs, dans le pays, les comportements violents ont été également très nombreux. Un psychologue interrogé par un journaliste n'en fait pas mystère : il s'agit de conséquences du réchauffement climatique. Exaspération et intolérance sont, selon lui, les fruits des périodes très chaudes que nous vivons cet été. Déjà des voix s'élèvent : comme de tels été seront de plus en plus fréquents, il faudrait construire de nouvelles prisons, de nouveaux hôpitaux, rendre obligatoire des stages de communication non-violente. Déjà on prévoit une augmentation importante du nombre de divorces et de conflits entre employés et employeurs.
Les années qui viennent devront être soumises à des mesures fortes à prévoir de toute urgence proclament des hommes politiques de tous bords. Des choses graves, des choses de plus en plus graves, arriveront sûrement partout sur la Terre. C'est ce qui se dit, c'est ce qui se lit, c'est ce que l'on imagine.